Le gouvernement veut, à tout prix, limiter l'utilisation de matériaux de construction importés. Le dispositif d'application de la décision interdisant l'utilisation des matériaux de construction importés, déjà fabriqués localement, est fin prêt et devrait se traduire par une baisse de la lourde facture de leur importation et une augmentation du taux d'intégration dans le secteur du bâtiment. L'instruction imposant aux entreprises de réalisation d'utiliser des matériaux de construction "made in Algeria" permettra de faire passer le taux d'intégration dans les projets de l'habitat de 70% actuellement à 85%, indique à l'APS un responsable auprès du ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de laVille. Une circulaire de ce département ministériel, datée de décembre 2014, interdit aux promoteurs chargés de la réalisation des différents projets financés totalement ou partiellement par l'Etat, de recourir au matériau importé si le même produit est fabriqué localement et présente une qualité égale. C'est dans ce sens que le ministère compte se réunir prochainement avec les directeurs des Offices de promotion et de gestion immobilière (OPGI), qui détiennent la majorité des projets de logements publics (près de 75% durant le programme quinquennal 2010-2014) afin d'affiner les modalités d'application de cette instruction. En fait, les promoteurs publics seront tenus de stipuler, dans les marchés signés avec les entreprises de réalisation, l'utilisation des produits algériens avec l'obligation de joindre aux contrats les factures établies par les entreprises de fabrication des matériaux de construction activant en Algérie, indique le même responsable. Pour faciliter la mise en œuvre de ce dispositif, il sera fait appel aux organismes chargés de recenser l'ensemble des producteurs nationaux en matériaux de construction, précise à l'APS le directeur de l'OPGI de Hussein-Dey, Mohamed Rehaimia, qui avance que le recours aux importations ne sera retenu uniquement comme dernière option après s'être assuré de la non- disponibilité des produits locaux en termes de quantité et de qualité. Selon lui, ce dispositif n'aura aucun impact négatif aussi bien sur les délais de réalisation que sur la qualité des projets, un avis partagé par le directeur de l'Agence nationale de l'amélioration et du développement du logement (AADL), Elias Benidir. L'instruction du ministère de l'Habitat, qui vise aussi à promouvoir la production nationale, ne concerne pas uniquement les promoteurs publics puisque les directeurs de l'habitat au niveau des wilayas du pays sont tenus de suivre son exécution dans les projets gérés par des privés. Elle s'étend également aux équipements publics (écoles, universités, centres de santé et de sûreté, etc.) et concerne même les grands projets tels que Djamaa El Djazair.
Concurrence déloyale des importateurs Interrogés sur ce nouveau dispositif, les producteurs nationaux des matériaux de construction estiment qu'une telle décision permettra le "sauvetage" de leur filière qui, selon eux, a tant souffert de la concurrence déloyale des importateurs. Ils citent, dans ce sens, le grand nombre d'usines de céramique qui enregistrent des stocks excédentaires pour cause d'invendus, compromettant toute perspective de développement de cette activité. Le président de l'Union nationale des entrepreneurs du bâtiment (Uneb), Salim Gasmi, estime que cette instruction ministérielle donnera "un nouveau souffle" aux producteurs nationaux des matériaux de construction. "Nous saluons cette décision, même si elle intervient tardivement, puisqu'elle est à même de mettre un terme aux pratiques de certaines entreprises étrangères de réalisation qui exigent l'utilisation du produit importé", observe-t-il. Il considère, en outre, inconcevable que les secteurs de production en Algérie ne bénéficient pas de la dynamique que connaît le secteur de l'habitat. Pour ce qui est de la qualité, M. Gasmi assure que les produits locaux répondent aux exigences de la qualité même si quelques imperfections subsistent. L'Algérie a consommé près de 24,5 millions de tonnes de ciment en 2014 dont plus de 5 millions importés contre 11,55 millions de tonnes produits par les cimenteries publiques et 7,95 millions de tonnes produits par Lafarge-Algérie, rappelle-t-on. Elle a importé pour près 3,655 milliards de dollars de matériaux de construction en 2014, composés de ciment, du bois, de fer, de la céramique, de l'aluminium et de la robinetterie. Selon le ministère de l'industrie et des Mines, l'Algérie devrait cesser d'importer du ciment d'ici 3 à 4 années grâce au renforcement de ses capacités de production dues au lancement d'une dizaine de projets de cimenteries en 2014. Le déficit du pays en ciment dépasse actuellement les 5 millions de tonnes/an pour une production nationale actuelle est de plus de 18 millions de tonnes/an.