La menace de déflation continue de se préciser en zone euro, où les prix ont reculé en janvier en glissement annuel pour le deuxième mois consécutif, augmentant encore les attentes envers la BCE et son programme de rachats de dettes publiques, vu par certains comme la dernière arme pour revivifier l'économie. Les prix ont diminué de 0,6% sur un an en janvier dans la zone euro, après une baisse de 0,2% en décembre, selon une première estimation vendredi de l'office européen de statistiques Eurostat. Les économistes s'attendaient à une baisse de 0,5%. En novembre, les prix avaient baissé pour la première fois depuis octobre 2009. Ce phénomène, attribué principalement à la chute des prix de l'énergie, rend de plus en plus concrète la menace de déflation, caractérisée par une baisse des prix sur une période prolongée, entraînant à son tour une baisse des salaires et de la consommation. Il est trop tôt pour parler de déflation, a souligné au cours d'un point de presse une porte-parole de la Commission européenne, Annika Breidthardt, car pour qu'un tel phénomène soit avéré, "il faut une baisse des prix généralisée, qu'il s'agisse des pays, des secteurs ou des catégories concernées, et qui s'auto-entretient". Howard Archer, d'IHS Global Insight, souligne cependant qu'en janvier, l'Allemagne est devenue "le 13e pays de la zone euro" à voir le niveau des prix baisser, avec un recul de 0,5%. Quant à l'Espagne, après un recul des prix déjà important en décembre (-1,1%), elle a vu le phénomène s'accentuer en janvier (-1,5%). Johannes Gareis, de Natixis, prévoit que l'inflation "reste en territoire négatif pendant un moment, au moins jusqu'en avril". Pour relancer à la fois l'inflation et la croissance, la Banque centrale européenne (BCE) a sorti l'artillerie lourde le 22 janvier: "l'assouplissement quantitatif" ou QE (pour quantitative easing), qui va consister à injecter au moins 1 100 milliards d'euros dans l'économie de l'Union monétaire et devrait faire remonter les prix. L'inflation négative observée en janvier "fournit une justification forte à la récente décision de la BCE de recourir au QE", souligne Teunis Brosens, de la banque ING. Cela "laisse penser que la BCE a bien fait de ne pas attendre plus longtemps", acquiesce Howard Archer.
Chute brutale des prix de l'énergie Mais l'action de la BCE ne démarrera concrètement qu'en mars, et le QE "ne devrait pas changer la donne" dans l'immédiat, rappelle Johannes Gareis, qui s'attend à ce que l'action de la banque centrale fasse remonter le niveau d'inflation de 0,2 à 0,4 point de pourcentage au bout de... deux ans. Dans le détail, la forte baisse des prix observée en janvier est attribuable à la chute brutale de ceux de l'énergie, qui ont baissé de 8,9% après -6,3% en décembre. Mais les prix se sont également tassés dans le secteur alimentation, boissons alcoolisées et tabac (-0,1%), ainsi que dans celui des biens industriels hors énergie (-0,1%). La seule hausse concerne les services, même si elle ralentit: +1,0% contre +1,2% un mois plus tôt. Ce qui inquiète le plus les économistes, cependant, n'est ni la chute des prix énergétiques, ni celle des prix de l'alimentation et des boissons, mais le ralentissement de l'inflation sous-jacente, qui ne prend pas en compte ces éléments très volatils. Car même si elle reste en territoire positif, celle-ci est tombée à 0,6% contre 0,7% le mois précédent. Pour Teunis Brosens, ce sera le chiffre à surveiller dans les prochains mois, car "toute nouvelle baisse pourrait prouver que le QE a été déclenché trop tard pour écarter la déflation". Pour autant, "nous ne nous attendons pas à ce que la zone euro connaisse une spirale déflationniste", avance Johannes Gareis, car "pour l'instant, rien ne suggère que les consommateurs repoussent leurs décisions d'achat dans l'espoir que les prix continuent à baisser". Autre donnée encourageante: le recul du taux de chômage, qui est passé de 11,5% à 11,4% entre novembre et décembre, pourrait influer positivement sur la consommation et la croissance.