Le nouveau ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, s'est rendu hier à Francfort à la Banque centrale européenne, qui devait se prononcer le jour-même sur un éventuel soutien financier d'urgence aux banques de son pays, et ira aujourd'hui à Berlin pour des discussions bilatérales très attendues. Varoufakis sera à la BCE demain(mercredi), a déclaré mardi un porte-parole de l'institution. Un peu plus tard, de Rome, M. Varoufakis a confirmé ce déplacement et précisé qu'il allait à cette occasion rencontrer le président de la BCE Mario Draghi. L'horaire de l'entrevue n'a pas été communiqué dans un premier temps, mais elle aura vraisemblablement lieu dans la matinée. Dans l'après-midi, le conseil des gouverneurs de la BCE se retrouve pour une réunion régulière, au cours de laquelle il planchera sur un enjeu crucial pour Athènes : le renouvellement ou non d'une aide financière d'urgence (ELA) aux banques grecques, actuellement en difficulté. Le nouveau gouvernement à Athènes a besoin de s'assurer que les banques en Grèce disposent d'oxygène, car ce sont les principales acheteuses des obligations grecques. La Grèce est endettée à hauteur de 25 milliards d'euros auprès de la BCE, qui a acheté des obligations de ce pays sur le marché dès 2010. Or, un des premiers objectifs du nouveau gouvernement grec est la renégociation de sa dette - plus de 300 milliards d'euros - avec ses créanciers. La BCE fait aussi partie de la troïka, instance chargée de contrôler la mise en œuvre des réformes auxquelles Athènes a consenti en échange de l'aide de ses partenaires. Honnie des Grecs, la troïka est l'ennemi à abattre pour le nouveau gouvernement d'Alexis Tspiras, qui veut s'en débarrasser au plus vite. M. Varoufakis a indiqué qu'il se rendrait en outre jeudi matin à Berlin afin de rencontrer le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, pour un premier échange bilatéral depuis les élections grecques du 25 janvier. Nous allons mettre nos idées sur la table de l'Eurogroupe mercredi de la semaine prochaine, a encore déclaré le ministre devant quelques journalistes. Il s'agit pour la Grèce, a expliqué M. Varoufakis, d'aboutir à une stabilité suffisante et à un rythme fiscal lui permettant de pouvoir à commencer à discuter avec ses partenaires européens en vue d'un nouvel accord ferme le 1er juin entre les pays de la zone euro, le Fonds monétaire international (FMI), la BCE et la Grèce. L'attention à la croissance est prioritaire pour garantir une dette grecque soutenable et pour créer de nouveaux emplois dans le pays, a indiqué de son côté son homologue italien Pier Calo Padoan, cité dans un communiqué, reprenant ainsi une demande formulée par le parti de gauche radicale Syriza, désormais au pouvoir à Athènes. M. Padoan a toutefois souligné que la Grèce devait tenir compte de ses partenaires européens : L'Union européenne est un lieu où la solidarité et la responsabilité sont des principes concrets qui s'exercent en commun. M. Tspiras et son ministre des Finances ont entamé une tournée européenne qui les a déjà menés, ensemble ou séparément, à Paris, Londres et Rome. Ils militent pour un allègement du fardeau de la dette grecque et une nouvelle orientation de la politique économique de l'Europe. M. Tspiras sera quant à lui à Bruxelles dès mercredi pour une rencontre avec Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.
Rome persuadé qu'Athènes et l'UE trouveront un terrain d'entente Le président du Conseil italien Matteo Renzi s'est dit persuadé mardi que la Grèce va trouver une solution avec les institutions européennes pour relancer son économie et assouplir l'échéancier du remboursement de sa dette. Il s'est exprimé après un entretien à Rome avec le Premier ministre grec Alexis Tsipras. "Je suis fermement convaincu que les conditions sont réunies pour que la Grèce et les institutions européennes trouvent un terrain d'entente", a déclaré le dirigeant italien de centre gauche. Athènes cherche à renégocier sa dette avec ses créanciers (Commission et Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI)). Matteo Renzi a tenu des propos essentiellement positifs à l'égard de son homologue grec. Il a toutefois déclaré que tous les pays devaient "entreprendre leurs propres réformes" et reconnu l'existence "de divergences d'opinions sur certains thèmes.
Priorité à la croissance Par ailleurs, le nouveau ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, était aussi à Rome. Il a déclaré avoir eu un dialogue constructif avec son homologue italien sur la stabilité financière de la zone euro. Il a indiqué qu'il se rendrait ce jeudi à Berlin. A l'issue de cet entretien, le ministre italien de l'Economie et des Finances, Pier Carlo Padoan, a déclaré que la Grèce avait besoin d'une croissance soutenue au moyen de réformes structurelles. La croissance doit être la priorité de la Grèce pour garantir qu'elle soit en mesure de rembourser sa dette et de créer des emplois, a ajouté le ministre italien. Mercredi, Yanis Varoufakis rendra visite à la BCE, le jour où celle-ci doit se prononcer sur un éventuel soutien financier d'urgence pour les banques grecques. Un financement d'urgence des banques via le dispositif ELA constituerait un des derniers ballons d'oxygène pour les banques grecques.
Lier la dette à la croissance Le projet grec qui permettrait à Athènes de lier le fardeau de sa dette à sa croissance économique a semblé enthousiasmer les marchés financiers mardi. L'entourage de Yanis Varoufakis avait laissé entendre la veille qu'il allait proposer d'échanger la dette détenue par la BCE et les autres créanciers "publics" (Etats et institutions) contre des titres indexés sur la croissance et des obligations perpétuelles. La Bourse d'Athènes a fini sur un bond de 11,27% mardi, sa meilleure performance depuis août 2011, entraînant la plupart des grandes places européennes dans son sillage.
Pas de revirement sur la dette, selon Athènes Il existe plusieurs moyens techniques d'effacer la dette grecque, dont font partie les dernières propositions du ministre des Finances Yanis Varoufakis, et il n'y a pas de revirement du gouvernement sur le sujet, a affirmé le porte-parole du gouvernement grec Gabriel Sakellaridis. La notion d'effacement de la dette a été mise en avant par le parti de gauche Syriza durant toute la campagne pour les législatives, qu'il a remportées le 25 janvier. Si le terme sous-entend une annulation pure et simple d'une partie des sommes dues, Syriza n'avait pas précisé les moyens pour y arriver. Nous n'avons pas fait de culbute sur la question de la dette, a affirmé le porte-parole sur la chaîne de télévision Antenna. Le gouvernement a une position constante qui consiste à dire que la dette grecque n'est pas viable et que pour cette raison, son annulation est nécessaire. Quand nous disons annulation, cela peut se faire à travers plusieurs moyens techniques, a-t-il ajouté. L'une de ces solutions techniques est celle qu'a présentée M. Varoufakis hier aux investisseurs britanniques. La formule évoquée lundi par le ministre des Finances, et rapportée par le quotidien britannique des affaires Financial Times, consisterait en montage sophistiqué d'échanges de titres, et non pas en un effacement pur et simple d'une partie de la dette. Ce qui nous importe en ce moment c'est de rendre cette dette viable, de redonner de l'air au peuple grec, a insisté Gabriel Sakellaridis, en réponse aux critiques reprochant au gouvernement de changer son fusil d'épaule. C'est également le sens d'une mise au point faite dans la nuit par le ministre Yanis Varoufakis: s'il y a besoin d'utiliser des euphémismes et des outils d'ingénierie financière pour faire sortir le pays de l'esclavage de la dette, on le fera, a-t-il affirmé dans un communiqué. Le gouvernement et le ministre des Finances ne vont pas faire un pas en arrière, même si certains regrettent notre détermination, a-t-il ajouté. La plupart des analystes ont interprété cette proposition comme un virage réaliste du gouvernement ayant pour objectif de trouver un compromis avec les créanciers du pays, UE et FMI. L'opposition grecque a de son côté taxé le gouvernement Tsipras de revirement sur la question de la dette. Le porte-parole du parti conservateur Nouvelle Démocratie, battu aux législatives, estime que le ministre des Finances admet sans équivoque que l'effacement de dette n'est plus sur la table, (...) et qu'il n'honorera pas ses promesses électorales. Le parti socialiste Pasok, ancien allié de Nouvelle Démocratie au gouvernement, a qualifié les propositions de M. Varoufakis de tournant radical, marquant l'abandon d'une rhétorique facile et irresponsable, tout en estimant que ces propositions étaient dans la continuité de celles de l'ancienne majorité.