Le nouveau président de Petrobras, Aldemir Bendine, doit s'atteler à de lourds défis au premier rang desquels restaurer la crédibilité et les finances du géant pétrolier brésilien, ébranlé par un vaste scandale de corruption, estiment les analystes. Porté vendredi à la tête de la plus grande entreprise brésilienne, l'ex-président de Banco do Brasil, sans expérience dans le pétrole et réputé proche de la gauche au pouvoir devra aussi prendre soin de rester à l'écart des soubresauts politiques suscités par ce scandale. Le conseil d'administration de Petrobras, réuni vendredi à Sao Paulo, a officialisé dans l'après-midi l'élection à la majorité de son nouveau président, Aldemir Bendine, 51 ans, qui présidait depuis 2009 Banco do Brasil (public) la plus grande banque d'Amérique latine. Ce dernier remplace Graça Foster, une proche de la présidente Dilma Rousseff, qui avait démissionné mercredi, emportée par l'onde de choc de l'énorme scandale de corruption qui ébranle le géant pétrolier. Ses débuts s'annoncent difficiles. Les marchés ont plus que froidement accueilli sa nomination, sanctionnée par une chute de 6,94% de l'action préférentielle Petrobras vendredi à la Bourse de Sao Paulo. Bendine est mort-né. Il est perçu comme un proche du pouvoir. L'objectif de sa nomination semble plus répondre à une volonté de blinder l'entreprise que de préparer sa récupération, assène André Leite de TAG investimentos. Le tout premier défi du nouveau président sera de présenter un bilan audité des résultats du 3e trimestre 2014 incluant les pertes d'actifs liées à la corruption. Le marché veut savoir quelle est la situation réelle de l'entreprise, combien elle a perdu avec la corruption, explique Lauro Vilares, analyste à Guide Investimentos.
Fruits pourris Pressée par les marchés, Petrobras s'est résolue à publier le 28 janvier des résultats du 3e trimestre, en berne, non-audités, sans estimer les pertes liées à la corruption. Elle a aussi indiqué avoir identifié 34 milliards de dollars de surcoûts dans 31 projets passés au crible par la justice, sans être en mesure d'évaluer la part imputable à la corruption. Les sanctions ont été immédiates: Petrobras a perdu la semaine dernière près de 9 milliards de dollars en valeur boursière et a vu sa note abaissée par les agences Fitch et Moody's, limitant encore ses capacités d'emprunt sur les marchés. Il faut produire un bilan crédible, faire le nettoyage dans l'entreprise où il y a encore beaucoup de fruits pourris et solliciter une enquête internationale. On ne peut pas restructurer sans faire le ménage, ajoute M. Leite. Selon lui, le nouveau gestionnaire va devoir choisir quel projets seront maintenus et ceux qui seront suspendus dans un contexte international de chute du prix du pétrole. Petrobras a déjà annoncé la semaine dernière qu'elle réduirait ses investissements de 25% en 2015 et ralentirait le rythme de ses projets pour éviter d'augmenter une dette passée de 100 à 260 milliards de réais (106,7 milliards de dollars) entre début 2012 et septembre 2014. La compagnie, qui a perdu en trois ans plus de 50% de sa capitalisation boursière, a renoncé à construire deux raffineries et a annoncé la vente d'actifs à hauteur de 3 milliards de dollars. Plusieurs autres projets dans le secteur du raffinage sont paralysés, dans l'attente d'être révisés. Pour le professeur d'économie Renato Fragelli, de la Fondation Getulio Vargas (FVG) de Rio, Bendine assume une entreprise en crise, mal gérée, mise au service du parti au pouvoir, ce qui a affaibli son prestige sur le marché, alors qu'elle a besoin de capter beaucoup d'argent. Pour améliorer sa trésorerie, le groupe a récemment annoncé qu'il ne répercuterait pas la baisse du prix du brut sur la vente de carburant à la pompe. Petrobras est engagée dans d'énormes investissements pour l'exploitation des immenses gisements brésiliens en eaux très profondes du pré-sel, au moment où l'effondrement des cours mondiaux du brut met en péril leur rentabilité. L'enjeu est de taille non seulement pour la compagnie mais pour le Brésil en général où l'activité pétrolière pèse pour environ 10% du PIB. Le gouvernement brésilien a adopté en 2013 une loi prévoyant l'attribution des royalties du pré-sel aux secteurs publics défavorisés de l'éducation et à la santé. De nombreux experts critiquent la loi votée par le Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir depuis 12 ans qui prévoit une participation minimum de 30% de Petrobras dans tous les puits du pré-sel, contribuant à son endettement. La compagnie a besoin de ressources financières énormes or elle n'a plus de crédibilité, analyse M. Fragelli. Petrobras est en outre sous la menace d'actions collectives engagées contre elle devant la justice des Etats-Unis et qui pourraient déboucher sur de lourdes amendes.
Sanction des marchés Loin de calmer les marchés, la nomination vendredi d'un proche du pouvoir brésilien à la tête du géant pétrolier Petrobras, ébranlé par un vaste scandale de corruption, a fait plonger les actions de la plus grande entreprise brésilienne. La nomination de M. Bendine, un banquier de carrière, sans expérience dans le pétrole, et réputé proche de l'ancien président de gauche Lula avait été anticipée dès vendredi matin par les principaux médias brésiliens, faisant plonger l'action Petrobras à la Bourse de Sao Paulo. Les actions préférentielles de Petrobras ont clôturé la séance en chute libre de 6,94% à 9,12 réais, et les actions ordinaires de 6,52% à 9,03 réais, alors que l'indice Ibovespa a reculé de 0,90%. Bendine est un homme de confiance de l'ex-président Lula. Sa nomination implique donc le maintien d'un lien avec le PT qui n'a pas plu aux marchés, a expliqué l'économiste Eduardo Velho, du consultant INVX Global. Le conseil d'administration de Petrobras a également approuvé les nominations de cinq nouveaux directeurs, en remplacement de ceux qui avaient démissionné en même temps que Mme Foster. Quatre sont des cadres de la compagnie. Le cinquième, Ivan de Souza, nommé directeur financier et des relations avec les investisseurs, est un proche du nouveau président auprès duquel il exerçait les mêmes fonctions au sein de Banco do Brasil, la plus grande banque d'Amérique latine. Le scandale Petrobras a éclaté l'automne dernier, en pleine campagne pour les élections législatives et présidentielle qui ont vu la réélection de justesse de la présidente de gauche Dilma Rousseff. Les enquêteurs ont découvert un système généralisé de pots de vins versés depuis une dizaine d'années par les principales entreprises de construction du pays à Petrobras en échange de contrats. Une partie de ces pots-de-vin étaient selon l'enquête reversés au PT ainsi qu'à de nombreux élus ou partis de sa coalition parlementaire, dont les identités sont pour le moment couverts par le secret. Le parquet évalue à ce stade à environ 4 milliards de dollars le total des sommes détournées de Petrobras en dix ans. Le trésorier du PT, Joao Vaccari Neto, a été interrogé jeudi pendant plusieurs heures par la police puis relâché, après avoir été désigné par des suspects comme l'opérateur du PT qui recevait des dessous de table. Le PT nie catégoriquement toute implication. Dans un contexte de chute des prix du pétrole sur le marché international, le marché veut savoir quelle est la situation réelle de l'entreprise, combien elle a perdu avec la corruption. Et il est important que le bilan soit certifié par un auditeur externe, affirme Lauro Vilares, analyste à Guide Investimentos. Pressée par les marchés, Petrobras s'est résolue à publier le 28 janvier ses résultats du 3e trimestre, non seulement en berne, mais encore une fois non-audités, et toujours sans fournir l'estimation de ses pertes liées à la corruption. Ajoutant à la confusion, Petrobras a indiqué le même jour avoir identifié 34 milliards de dollars de surcoûts dans 31 projets passés au crible par la justice.