Le gouvernement grec a peu de temps pour savourer le sauvetage de sa place dans la zone euro. Il travaillait samedi pour présenter d'ici lundi soir un catalogue de réformes destinées à entériner le compromis arraché la veille et aussi à préserver quelques promesses électorales. Après des négociations difficiles à Bruxelles, la Grèce espère avoir assuré sa survie budgétaire. Elle a décroché vendredi en soirée quatre mois de financement supplémentaires, jusqu'à fin juin, mais sous des conditions extrêmement strictes imposées par ses partenaires. Pour le Premier ministre grec, l'accord permet à la Grèce d'abandonner "l'austérité". Alexis Tsipras a néanmoins prévenu samedi que les "difficultés réelles" sont à venir. "Nous avons hérité d'un pays au bord du gouffre, aux caisses vides et nous avons mis en échec le plan des forces conservatrices aveugles, à l'intérieur et à l'extérieur du pays", a dit le dirigeant du parti Syriza lors d'une allocution télévisée. Le gouvernement grec doit présenter d'ici aujourd'hui un catalogue de réformes. Ses créanciers, désormais désignés sous le terme d'"institutions" (UE, BCE et FMI), pourront entériner à cette condition l'accord de financement, en principe mardi. Selon le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, le gouvernement devrait être dispensé d'intégrer certaines mesures: nouvelle hausse de TVA, nouvelles coupes dans les retraites ou poursuite de la dérégulation du marché du travail. Athènes se présente désormais pour cette raison en "coauteur des réformes".
Arrêt des privatisations Mais rien ne garantit qu'Alexis Tsipras pourra décrocher un feu vert de la zone euro sur la mise en œuvre de la partie la plus débattue de son programme: hausse du salaire minimum, des retraites les plus faibles, protection des saisies immobilières ou arrêt des privatisations. Toutes ces mesures ont un coût budgétaire. Or, dans l'accord trouvé, la Grèce s'engage à ne pas légiférer avec un "impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière".
Evaluation des réformes D'autant que ce compromis exclut que le gouvernement grec puisse utiliser les quelque 11 milliards restant dans le fonds de stabilité des banques grecques pour autre chose que la sauvegarde du système financier. Par ailleurs, la zone euro ne déboursera pas l'argent restant dans le programme d'aide (3,6 milliards) avant une seconde évaluation des réformes, en avril, réduisant d'autant la marge de manœuvre budgétaire de M. Tsipras. Seul bol d'air financier: la possibilité de dégager un excédent budgétaire primaire plus faible que ne l'exigeaient initialement ses créanciers. Le gouvernement grec s'est d'ailleurs engagé dès vendredi à donner la priorité aux réformes les plus consensuelles, comme la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption, la reconstruction de l'administration publique, mais aussi "la réponse à la crise humanitaire". Le président français François Hollande a qualifié samedi de "bon compromis" cet accord.
La Grèce tourne le dos à l'austérité mais pas aux difficultés Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a déclaré que l'accord conclu vendredi avec la zone euro sur la poursuite de son financement permettait à la Grèce de laisser derrière elle l'austérité, tout en soulignant que les difficultés réelles sont à venir. Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre les difficultés réelles sont devant nous, a affirmé, dans une allocution télévisée, M. Tsipras qui estime également qu'avec le compromis trouvé à Bruxelles, le pays laisse derrière lui l'austérité, le mémorandum, la troïka de ses créanciers (UE, BCE, FMI) et qu'ainsi, la Grèce a atteint son objectif principal. Une idée sur laquelle le Premier ministre a insisté en affirmant que le gouvernement de gauche radicale Syriza a remporté beaucoup de succès mais a devant lui une route longue et difficile. Nous avons hérité d'un pays au bord du gouffre, aux caisses vides et nous avons mis en échec le plan des forces conservatrices aveugles, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, qui voulaient nous asphyxier, a ajouté le dirigeant du parti Syriza. Cette bataille longue et difficile a désormais un autre horizon de négociation, a-t-il souligné: c'est le mois de juin lorsque l'accord de financement de quatre mois conclu vendredi va expirer et que la Grèce sera amenée à présenter son propre plan de développement.
La BCE rallonge encore ses prêts d'urgence pour les banques grecques La BCE a décidé de reconduire pour deux semaines le mécanisme de prêts d'urgence accordés aux banques grecques, bouée de sauvetage pour le secteur bancaire du pays, et de relever à 68,3 milliards d'euros leur plafond, selon une source bancaire. La hausse a été approuvée, a affirmé une source proche de l'Eurosystème, précisant que le plafond des prêts d'urgence mis à la disposition des banques grecques par la BCE était désormais fixé à 68,3 milliards d'euros. Ces prêts font office de parachute pour les banques grecques, en proie à des problèmes de liquidités et alors que la partie de poker continue entre Athènes et ses partenaires européens sur l'avenir du pays. La Banque centrale européenne (BCE) avait fixé début février à 60 milliards d'euros le volume de ces prêts, un montant relevé la semaine dernière à 65 milliards d'euros. En une semaine, quelque 52 milliards d'euros de ces crédits baptisés ELA (pour emergency liquidity assistance, assistance de liquidités d'urgence) ont été alloués, selon les chiffres du dernier rapport hebdomadaire sur la situation financière de l'euro-système publié mardi par la BCE. Le rapport ne le détaille pas, mais ce montant devrait avoir bénéficié quasi intégralement aux banques grecques. Depuis le 11 février, et en vertu d'une décision prise la semaine précédente par le conseil des gouverneurs de la BCE, celles-ci sont privées d'une autre importante source de financement. La BCE a fait sauter un régime de faveur qui leur permettait d'accéder à ses opérations régulières de refinancement. La semaine dernière le volume alloué par la BCE lors de cette opération hebdomadaire a d'ailleurs chuté de 47 milliards d'euros. Sans les fonds d'urgence ELA les banques helléniques risquent l'asphyxie, alors que les retraits de leurs clients se multiplient depuis l'arrivée au pouvoir de la gauche radicale à Athènes. Dans le même temps le gouvernement compte sur elles pour acheter les obligations qu'il émet, et qui lui permettent de se financer à court terme. Le conseil des gouverneurs de la BCE doit reconduire à intervalles réguliers - toutes les deux semaines - le mécanisme ELA pour la Grèce. Les prêts eux-mêmes sont en revanche accordés directement par la Banque de Grèce, seule à en supporter le risque. Leurs conditions sont moins avantageuses que les prêts réguliers de la BCE, avec notamment des taux d'intérêt plus élevés. En cas d'échec des négociations entre Athènes et les Européens, la BCE pourrait se voir obligée de revoir les conditions d'octroi de ces prêts, voire à y mettre un terme. D'après les règles de la BCE, les crédits ELA ne peuvent être accordés qu'à des établissements en proie à des difficultés financières ponctuelles, mais fondamentalement solvables. Ils ne doivent pas servir à maintenir artificiellement en vie certains instituts. Le risque pour la BCE de devoir couper ce robinet existe toujours. C'est pourquoi il est important de suivre cela de près, avait indiqué le gouverneur de la banque centrale slovène Bostjan Jazbec, dans une interview à la presse allemande la semaine dernière.