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Conférence sur l'Emir Abdelkader à la médiathèque Didouche-Mourad : La stature historique d'un homme de combat et de spiritualité
Publié dans Le Maghreb le 24 - 02 - 2015

Intitulée "Les dernières batailles de l'émir Abdelkader", la rencontre a été animée par l'ancien professeur à l'Ecole de journalisme, Slimane Benaziez, qui fut collaborateur dans la presse écrite pendant un certain nombre d'années à la direction de l'Anep et actuellement membre du Centre national du livre, et vice-président de la Fondation Mouloud-Feraoun pour la culture et l'éducation.
Les dernières batailles de l'émir Abdelkader", la rencontre a été animée par l'ancien professeur à l'Ecole de journalisme, Slimane Benaziez, qui fut collaborateur dans la presse écrite, pendant un certain nombre d'années à la direction de l'Anep et actuellement membre du Centre national du livre, et vice-président de la Fondation Mouloud-Feraoun pour la culture et l'éducation.
La communication qui n'a pas abordé toute la vie du chef de la résistance en raison de la complexité de l'homme, était centrée sur deux aspects du personnage, des aspects qui ont fait polémique et qui étaient loin de faire consensus et encore moins l'unanimité puisqu'il s'agit de la fin du combat qu'avait livré ce guerrier à l'armée coloniale et les auteurs ont qualifié de reddition par ceux qui ont voulu faire de la récupération et diaboliser surtout l'image d'un Algérien résistant et le deuxième aspect abordé par le conférencier fut l'hypothétique affiliation de l'émir à la franc-maçonnerie, deux sujets très sensibles qui ont fait controverse : "Pour le premier aspect, je ne peux pas aborder toute la durée du combat de l'émir qui fut traitée par la biographie de Charles Henry Churchill ou encore celle d'un jeune officier danois de l'artillerie française Adolf Dynzen qui fut tellement stupéfait par la personnalité d'Abdelkader qui a écrit à son retour dans son pays un ouvrage traduit par la Fondation de l'émir Abdelkader depuis une quinzaine d'années, celle très intéressante du défunt Mohamed Chérif Sahli intitulée Abdelkader, chevalier de la foi, enfin celle de l'ex-président du Conseil constitutionnel Boualem Bessaih et sans compter la biographie de son petit-fils. Il y a eu beaucoup d'écrits mais beaucoup de déviations également" dira l'intervenant en guise de préambule et d'ajouter que "Des personnes prétendent ces derniers temps que l'émir se serait rendu aux Français, on va jusqu'à prétendre qu'il était l'ami de la France alors que cette dernière l'avait emprisonné pendant cinq ans. Chez nous le verbe se rendre est très lourd de signification car, il suppose qu'Abdelkader aurait rejoint les rangs de l'ennemi pour combattre les siens. Une simple réflexion permet de mettre en doute ce premier aspect. Ce n'est pas après dix-sept ans de résistance dont deux ans de combat, où l'émir a frôlé à plusieurs reprises la mort qu'il aurait perdu le courage ou la motivation de lutter contre l'envahisseur". De fait l'émir durant le long combat, qu'il avait mené, avait eu à constater qu'il avait affaire à l'une des armées les plus puissantes du monde qui avait avec son armement moderne, pris le peuple algérien en otage car après chaque bataille que livrait l'émir, les représailles retombaient sur la population civile : "L'émir avait compris qu'il était en face d'un véritable génocide et je n'exagère pas puisqu'il les chiffres que je vais vous donner sont édifiants.
En 1830, la population algérienne même s'il n'y avait pas encore de recensement à l'époque, mais par recoupement, on pouvait l'estimer entre 8 millions et demi d'habitants. Quarante ans plus tard au premier recensement, en 1872, juste après le soulèvement d'El Mokrani et Cheikh Ahaddad, la population algérienne était tombée à deux millions cent mille. Ce qui signifie en d'autres termes que l'armée coloniale a exterminé le peuple, on parle même de 12 millions de morts", explique le conférencier qui précise que certains historiens ont manqué d'objectivité, car ils ont rarement évoqué cette page de l'histoire coloniale car les soldats ne se contentaient pas seulement de tuer mais pratiquaient carrément des enfumades - un mot que l'on ne retrouve dans aucun dictionnaire français tant il est entaché de honte - avec l'extermination de tribus entières comme celle de Hadjout ce qui est aujourd'hui aberrant lorsque au plus haut niveau de l'Etat français, on parle des bienfaits de la colonisation : "Or l'émir qui est l'homme des droits et qui n'hésitait pas à partager même son lit avec les blessés du rang ennemi comme le soulignent des biographies, ne voulait pas être complice de cette extermination, c'est un homme qui voyait très loin. C'est ainsi qu'il a réuni tous ses khalifa des régions d'Algérie pour exposer la situation et tout le monde fut convaincu qu'il fallait donner une chance au peuple algérien car un jour, il reprendra le combat et moins d'un quart de siècle après et à chaque fois que celui-ci se sentait rétabli, il s'est à nouveau soulevé le 1er Novembre 1954, et la population avait attient entre 8 et 9 millions d'habitants" ajoute l'intervenant en mettant en avant l'idée que le chef guerrier était aussi un maître spirituel, un soufi qui avait rédigé un ouvrage sur la métaphysique intitulé Kitab El Mawaqif, le fin stratège était un homme d'une dimension chevaleresque, celle que l'on pouvait retrouver chez Salah Eddine El Ayoubi.
L'autre aspect dont a discuté l'intervenant concerne cette propagande selon laquelle l'émir serait affilié à la franc-maçonnerie qui est irréfutable. Selon le conférencier, les années de captivité à Ambroise de l'émir qui n'avait jamais été aussi déprimé qu'à cette période de sa vie, l'avait poussé à écrire et à se faire connaître au point où sa stature était tellement importante en France que Napoléon III l'avait fait libérer et exiler en Turquie puis à Damas en 1860, le pays où était enterré son maître à penser Mohiédine Ibn El Arabi et où surtout il avait sauvé 12 000 chrétiens d'une mort certaine, ce qui lui avait valu l'admiration de tous. Parmi ces nombreuses marques de reconnaissance figurait celle de la loge Henri IV du grand Orient de France, de la franc-maçonnerie qui lui avait adressé un message de félicitation.
C'est sur la base de cet échange épistolaire de l'émir que l'étiquette de franc-maçon avait était attribuée à ce dernier. Or, affirme le conférencier, comment l'homme qui était à l'origine de la première réédition du livre d'Ibn Arabi El Foutouhate El Mekkiya, aurait pu adhérer à l'ordre d'une société secrète de complots et d'affaires qui avait dévoyé le message divin de ses origines qui remonte à David ? Pour l'intervenant qui réfute catégoriquement cette allégation, l'émir n'avait rien à apprendre de la franc-maçonnerie puis qu'il était versé dans la spiritualité musulmane et apparaissait comme un des pôles intellectuels de son époque.

L'Emir AbdElKader : le combat d'un visionnaire
Abdelkader est né à la Guetna près de Mascara en 1808, élevé dans la zaouïa paternelle dirigée par si Mahieddine, il reçoit une éducation solide qu 'il complète auprès des maîtres éminents à Arzew et à Oran. Il apprend les sciences réligieuses,la littérature arabe, l'histoire, la philosophie, les mathématiques, l'astronomie, la médecine... Platon et Aristote, AI-Ghazâli, Ibn Rushd et Ibn Khaldûn lui sont familiers, comme en témoignent ses écrits. Toute sa vie, il étudie et développe sa culture.

Le pèlerinage
Il effectue le pèlerinage à la Mecque avec son père en 1826 et prend contact avec l'Orient. Les pèlerins se rendent ensuite à Baghdad pour visiter le tombeau de Sidi Adelkader Djilâni, fondateur de la confrérie al-Qàdiriyya à laquelle se rattache la zaouïa de la Guetna. Ils échappent ainsi aux menaces du bey d'Oran qui a pris ombrage de l'autorité spirituelle de Si Mahieddine et de son fils en Oranie.

L'engagement et la guerre
Après la prise d'Alger en 1830, Si Mahieddine et le jeune Abdel-kader participent à la résistance populaire, Abd-El-Kader se distingue par son courage et son intelligence. Les tribus de l'ouest se réunissent et veulent choisir un chef pour détendre le pays. Si Mahieddine , sollicité, s'excuse en raison de son âge et propose son fils Abd-EI-Kader qui fait l'unanimité, il est investi en qualité d'Emir par une grande assemblée réunie près de Mascara, le 21 novembre1832. L'Emir s'engage à diriger la guerre contre l'occupation étrangère, il organise l'Etat national, constitue le gouvernement, désigne les Khalifas pour administrer les provinces, mobilise les combattants, crée une armée régulière, lève les impôts et rend la justice. Il signe le traité Desmichels avec le général d'Oran le 24 février 1834, ce traité reconnaît son autorité sur l'Ouest et le Chlef. Ratifié par le Gouvernement français, il est mal appliqué. Insaisissable, l'Emir se montre partout et nulle part, son infanterie et sa cavalerie sont mobiles et efficaces.

Bugeaud et I'Emir
Le général Bugeaud nommé à Oran négocie un nouveau traité avec l'Emir, le traité de la Tafna est signé le 30 mai 1837. L'Emir contrôle désormais l'Ouest, le Titteri et une partie de l'Algérois. Il consolide l'état, bâtit des villes fortifiées, fonde des ateliers militaires, soumet les rebelles et les collaborateurs. Le traité donne lieu à des contestations avec le gouverneur Valée et la guerre reprend en novembre 1839. Bugeaud nommé gouverneur, veut occuper tout le pays, il pratique la méthode de la "terre brûlée', détruisant toutes les villes, les récoltes, troupeaux... L'Emir résiste avec énergie, remporte de brillants succès comme celui de Sidi Brahim (23 septembre 1845). Mais le pays est ruiné, les tribus sont épuisées, le soutien du Maroc fait défaut. L'Emir décide d'arrêter la guerre et choisit l'exil (décembre 1847). Le Gouvernement français accepte de le transporter en Orient.

La prison et l'exil
L'engagement français n'est pas respecté. L'Emir est conduit à Toulon, puis à Pau et Amboise. Il est considéré comme prisonnier d'état jusqu'à octobre 1852, date à laquelle Napoléon III vient enfin le libérer. Il s'embarque pour la Turquie et s'installe à Brousse, puis se fixe définitivement à Damas où il reçoit un accueil triomphal. En dehors de quelques voyages et d'un nouveau pèlerinage, il ne quitte plus la Syrie et consacre son temps à la méditation, à la prière, à l'enseignement et aux œuvres de bienfaisance.
En 1860, les émeutes de Damas lui fournissent l'occasion de s'illustrer comme un personnage hors série.
Il sauve des milliers de chrétiens du massacre et fait reculer les émeutiers. Plusieurs chefs d'Etat lui adressent des félicitations et des décorations, notamment ceux d'Angleterre, de Russie, de France... Célèbre et honoré, il s'éteint à Damas le, 26 mai 1883. Une foule considérable assiste à ses funérailles.
Lynda Graba/ El Moudjahid...Publié le 22/02/2015


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