L'offensive aérienne au Yémen déclenchée jeudi par l'Arabie saoudite et ses alliés s'est poursuivie hier. De nouvelles frappes ont été signalées au lever du jour dans la capitale Sanaa et dans le nord du pays, la région dont sont originaires les rebelles houthis. A Sanaa, des avions ont tiré à proximité du complexe présidentiel et d'un site militaire de stockage de missiles, selon des habitants. Les Houthis contrôlent la capitale depuis le mois de septembre. D'autres frappes ont visé des installations militaires au sud de Sanaa où sont établis des éléments de l'armée restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, allié de circonstance des Houthis. D'après des sources tribales, des raids ont également visé deux secteurs de la province de Saada (nord), le fief des Houthis. Dans le district de Kataf al Bokaa, un marché a été touché. L'impact a fait une quinzaine de victimes, morts ou blessés.
Au moins 39 morts Depuis le début des raids jeudi matin, au moins 39 civils ont été tués, ont indiqué vendredi des responsables du ministère de la Santé à Sanaa, contrôlé par les rebelles houthis. Pour l'heure, l'Arabie saoudite, qui aurait mobilisé jusqu'à 150'000 hommes selon la chaîne de télévision Al Arabiya, ne prévoit pas d'intervention terrestre. Mais elle ne l'exclut pas si nécessaire. Les Houthis étaient sur le point de prendre Aden, le grand port du sud, quand Ryad est passé à l'offensive. Accusé de soutenir les rebelles, l'Iran a exigé pour sa part "une cessation immédiate de toutes les agressions militaires et frappes aériennes contre le Yémen et son peuple".
Les Etats-Unis risquent d'envenimer leurs relations avec l'Iran Les Etats-Unis vont apporter un soutien logistique à la coalition menée par les Saoudiens au Yémen contre les rebelles chiites Houthis, au risque d'envenimer leurs relations avec l'Iran et de se retrouver attirés dans un conflit plus large entre chiites et sunnites. Le soutien logistique et de renseignement autorisé par le président Obama devrait reposer notamment sur des avions ravitailleurs américains, alimentant en carburant les avions des Saoudiens et de leurs alliés pour leurs bombardements de la milice chiite, et des avions radars Awacs, selon des responsables américains. Les pays du Golfe ont des forces aériennes conséquentes, mais ils ont besoin de ces capacités supplémentaires pour mener une opération importante et d'une durée indéterminée, expliquaient jeudi des responsables américains. Le dispositif se met en route lentement: pour l'instant, Washington n'a fait qu'affecter une douzaine de militaires dans une cellule de coordination avec la coalition menée par l'Arabie Saoudite, expliquait jeudi le Pentagone. Leur rôle est premièrement de maintenir les lignes de communication ouvertes entre les Etats-Unis et les pays du Golfe, a déclaré le colonel Steven Warren, porte-parole du Pentagone. Interrogé au Sénat sur le futur dispositif américain, le général Lloyd Austin, commandant des forces américaines au Moyen-Orient, n'a pas voulu donner de détails. Et il a reconnu au passage que les Saoudiens ne l'avaient appelé que mercredi, le jour-même de l'offensive, pour le prévenir. Pour les experts, Washington marche sur des œufs, pris entre la volonté de soutenir ses alliés du Golfe et le risque de se voir entraîner dans une longue guerre par procuration entre les Etats du Golfe sunnites et l'Iran chiite. Jeudi, le président iranien Hassan Rohani a condamné l'agression militaire contre le Yémen menée par la coalition tandis que le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif mettait en garde contre une extension du conflit dans la région. Si nous prenons cette route de la guerre par procuration entre l'Iran et les pays du Golfe, le conflit sera parti pour durer des années, avertit Jon B. Alterman, un chercheur au CSIS, un groupe de réflexion de Washington.
Situation tendue Il ne s'agit ni de laisser les Houthis remporter une victoire totale, ni de chercher à les battre complètement, a-t-il déclaré, en estimant que la solution ne passerait que par un règlement négocié entre toutes les parties. En dernier ressort, une fin négociée à la crise sera le seul moyen de restaurer l'ordre au Yémen et de réduire l'espace laissé aux terroristes, a également estimé le parlementaire démocrate Adam Schiff, membre de la commission du renseignement de la Chambre des représentants. La situation est d'autant plus tendue pour les Etats-Unis que les négociations sur le nucléaire iranien entrent dans leur dernière ligne droite. Un haut responsable américain a assuré jeudi que l'opération militaire au Yémen n'aurait pas d'impact sur les négociations sur le programme nucléaire de Téhéran. Nous avons toujours clairement indiqué que les négociations du groupe P5+1 portaient exclusivement sur la question du nucléaire, a indiqué ce haut responsable américain sous couvert d'anonymat au moment où les discussions reprenaient à Lausanne, en Suisse. De plus, les Etats-Unis, même avec un soutien logistique, ne sont pas directement impliqués dans les frappes au Yémen, a estimé Seth Jones, un expert du groupe de réflexion Rand Corp. Les Etats-Unis ont toujours soutenu le gouvernement du président Hadi contre les Houthis, et au fond il n'y a pas grand-chose de nouveau, a-t-il déclaré. Je ne pense pas cela fera nécessairement capoter les négociations sur le nucléaire iranien, estime-t-il. En 2011, les Etats-Unis avaient fait le choix de ne pas aider les Saoudiens, lorsque ceux-ci étaient intervenus à Bahreïn pour réprimer des manifestations de la majorité chiite face au gouvernement sunnite.
Les chefs de diplomatie arabes d'accord pour une force militaire conjointe Les chefs de diplomatie arabes réunis jeudi en Egypte ont approuvé un projet de force militaire conjointe, ont annoncé le secrétaire général de la Ligue arabe et le ministre égyptien des Affaires étrangères. Ce projet de résolution doit encore être présenté au sommet de la Ligue arabe qui s'ouvrira samedi dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, et qui devrait l'adopter. Les ministres se sont mis d'accord sur un principe important, la création de la force militaire, a affirmé le patron de l'organisation panarabe Nabil al-Arabi lors d'une conférence de presse, qualifiant cette décision d'historique. C'est la première fois qu'une force sera créée et fonctionnera au nom des pays arabes, a-t-il souligné. Les ministres se sont mis d'accord, a confirmé le chef de la diplomatie égyptienne Sameh Choukri durant la conférence de presse, qui clôturait une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères préparant le sommet. L'objectif de cette force sera notamment de combattre les groupes terroristes, avait récemment indiqué M. Arabi.