A court de nouvelles informations majeures et commençant à s'inquiéter pour la croissance, Wall Street a baissé cette semaine et semble trop essoufflée pour tutoyer de nouveaux sommets. Au cours des cinq dernières séances, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average a perdu 2,3% à 17 712,66 points, en dépit de la petite hausse de vendredi. Le Nasdaq, qui semblait tout proche il y a une semaine de battre son record remontant à plus de quinze ans, a reflué de 2,7% à 4 891,22 points. L'indice élargi Standard and Poor's 500, le plus surveillé par les investisseurs, a lui aussi perdu 2,2% à 2 061,02 points. "C'était la semaine de l'incertitude, qui a vu les investisseurs prendre note du risque cyclique aux Etats-Unis. Le ralentissement économique a lieu depuis un bout de temps, mais jusqu'à présent on avait le sentiment que les marchés boursiers n'avaient pas tellement envie de le prendre en compte", a noté Evariste Lefeuvre, chez Natixis. Il y a eu un "ajustement" avec le recul marqué et inattendu des commandes de biens durables pour février annoncé mercredi, auquel s'est ajoutée la médiocrité de l'indice d'inflation et de la croissance du produit intérieur du quatrième trimestre. "Ça fait trois mois que l'économie ne montre pas de signe de raffermissement", a résumé M. Lefeuvre. Certains analystes, comme Mace Blicksilver, chez Marblehead Asset Management, évoquaient aussi un repli potentiellement lié à des opérations de rééquilibrage de portefeuille, qui ont pu notamment peser sur les entreprises de la biotechnologie, dont les grosses valorisations font craindre une bulle. La prochaine semaine boursière, qui s'achèvera dès jeudi pour permettre aux chrétiens de respecter le Vendredi saint, sera pauvre en nouvelles données sur la santé de l'économie américaine puisque les chiffres mensuels des créations d'emploi et du chômage ne sortiront que vendredi. Il faudra donc se contenter des chiffres sur les revenus et dépenses personnels lundi, sur la confiance des consommateurs mardi, et de l'indice ISM sur l'activité manufacturière mercredi.
"Difficile à prédire" En attendant les chiffres gouvernementaux sur l'emploi, les investisseurs étudieront les chiffres dans le secteur privé compilés par l'entreprise ADP, et essaieront de deviner si oui ou non les créations d'emploi totales restent comprises entre 200 000 à 250 000, ou passent sous ce seuil. "Si les chiffres sont vraiment inattendus, à 100 000 ou 400 000 créations d'emploi, cela fera bouger les marchés, mais si on reste autour de 200 000 ça ne provoquera que des bâillements", a assuré M. Blicksilver, alors que le marché s'inquiète bien plus de la force du dollar. "Le problème c'est que la saison des résultats (trimestriels des entreprises) ne commencera que dans deux semaines", a noté Steve Rosen, à la Société Générale, et comme la première estimation de croissance du produit intérieur brut n'est attendue que le 29 avril, "le marché est devenu très difficile à prédire". "Les chiffres que nous recevons en ce moment laissent entendre que (la croissance du) premier trimestre va être plus faible que celle du quatrième trimestre", a noté Hugh Johnson, président de Hugh Johnson Advisors. "La question sera de savoir quelle est l'importance de la météo, et quelle est l'importance du dollar" dans cette faiblesse, c'est-à-dire de savoir si elle sera passagère et expliquée par la rigueur de l'hiver, ou durable. Si elle s'explique par le mauvais temps, comme en 2014, alors les investisseurs pourront tabler sur la même amélioration en cours d'année qu'ils ont vue l'an dernier. En revanche si le dollar est rendu responsable du ralentissement, alors l'attention se focalisera une nouvelle fois sur les indices venus de la Réserve fédérale (Fed) sur le calendrier de la hausse des taux d'intérêt. Vendredi, la président de la Fed Janet Yellen a indiqué qu'elle pensait "sérieusement" à relever ses taux cette année, même si cette hausse pourrait "légèrement" freiner la reprise. En effet, toute remontée des taux, qui ont été maintenus proches de zéro depuis plus de six ans pour soutenir l'économie, va d'une part renchérir les financements des entreprises, et d'autre part pousser encore le dollar à la hausse, pénalisant les exportateurs et les multinationales.