Le coordinateur humanitaire de l'ONU pour le Yémen a mis en garde hier contre un épuisement rapide des stocks de fuel et de nourriture dans le pays, faisant craindre un effondrement des infrastructures de base d'ici quelques jours. Les services encore en fonction dans le pays en termes de santé, d'eau et de nourriture sont en train de disparaître parce que le pétrole ne rentre plus, a prévenu Johannes van der Klaauw dans un entretien à Djibouti, où il attend de pouvoir retourner au Yémen. Si rien n'est fait, le fonctionnaire onusien prédit une situation humanitaire bien pire que celle que le Yémen connaît actuellement. Sans pétrole, les hôpitaux ne peuvent pas fonctionner, les ambulances ne peuvent pas sortir et l'eau ne peut plus être pompée dans le système de distribution. Le réseau de télécommunications risque de s'arrêter. Tout cela est extrêmement préoccupant. Si rien n'est fait dans les prochains jours pour livrer du pétrole et de la nourriture, le Yémen s'arrêtera complétement, ajoute-t-il. Les livraisons de fuel et d'aide humanitaire sont rendues très difficiles par les risques liés aux combats et par l'embargo sur les armes en direction du Yémen qui exige un contrôle strict de tous les cargos. Nous avons les bateaux. Nous avons les avions. Mais l'embargo sur les armes a des conséquences indésirables sur l'aide humanitaire, explique Johannes van der Klaauw, qui souhaite la mise en place de pauses humanitaires sur lesquelles le Conseil de sécurité n'a pas été en mesure de s'accorder vendredi à New York. Nous devons trouver un moyen de mettre cela en place. Au moins pour quelques jours, ajoute-t-il. Le conflit au Yémen a déjà fait plus de 1 200 morts et 5 000 blessés selon un comptage des hôpitaux yéménites, jugé probablement en deçà de la réalité par les responsables onusiens. L'ONU estime également à 300 000 le nombre de personnes déplacées par le conflit.
Crainte d'un arrêt de l'assistance humanitaire L'ONU a exhorté les belligérants au Yémen à rétablir l'approvisionnement en carburant pour faciliter la distribution d'aide humanitaire et à épargner les hôpitaux, dans lesquels la situation est particulièrement critique. Après cinq semaines de guerre, le programme d'assistance aux civils envisagé par la coalition arabe conduite par l'Arabie saoudite ne s'est pas matérialisé en raison de la poursuite, voire de l'intensification des opérations militaires. Or 7,5 millions de Yéménites, soit le tiers de la population, sont affectés par le conflit, a indiqué vendredi l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en révisant à la hausse le bilan des victimes du conflit. Selon l'OMS, la plupart des routes reliant la capitale Sanaa aux régions de Taëz, Aden, Dhaleh et Lahej (sud) sont de moins en moins accessibles, ce qui limite la distribution de médicaments. La dégradation de la situation humanitaire a poussé Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, à pousser un cri d'alarme. Il a demandé jeudi à toutes les parties de faire en sorte que les agences humanitaires aient un accès fiable et sécurisé à la population. Le système de santé et les services sanitaires et de télécommunications sont sur le point de s'effondrer, a-t-il averti, ajoutant que les opérations humanitaires cesseront dans les jours qui viennent si l'approvisionnement en carburant n'est pas rétabli. La pénurie d'essence a d'ailleurs contraint le Programme alimentaire mondial (PAM) à stopper la distribution de vivres dans certaines régions du Yémen.
Les hôpitaux souffrent Dans un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) publié jeudi à Sanaa, le directeur de l'hôpital koweïtien de la capitale yéménite déplore des difficultés logistiques énormes pour faire fonctionner (son) établissement. Nous manquons de carburant. Nos ambulances ne peuvent plus transporter les malades et la moitié de notre personnel ne peut plus travailler, nos bus ayant cessé de rouler, explique aussi Issa Alzubh. Dans le même rapport, le CICR indique que son personnel a été contraint d'évacuer l'hôpital Al-Joumouriah à Aden, l'établissement s'étant retrouvé sur la ligne de front. Le chef du CICR au Yémen, Cédric Schweizer, s'est dit choqué par le manque de respect pour la neutralité de cet équipement de santé. De son côté, le Dr Adel Al-Yafyi, médecin d'un hôpital local d'Aden, a indiqué que son établissement était désormais incapable de traiter les malades ordinaires en raison du grand nombre de blessés qui s'y entassent.
Risque de famine Depuis le 26 mars, l'Arabie saoudite sunnite, rivale de l'Iran chiite, dirige une coalition de neuf pays arabes qui bombardent par les airs les positions de la rébellion chiite, soutenue par Téhéran, pour l'empêcher de prendre le contrôle total du Yémen. Au sol, les partisans du président en exil Abd Rabbo Mansour Hadi sont impliqués dans de violents combats contre ces rebelles et leurs alliés, qui tentent de prendre Aden (sud) et Taëz (sud-ouest), respectivement les deuxième et troisième villes du pays. A Aden, 47 personnes, dont une majorité de rebelles, sont mortes dans les derniers raids aériens et combats au sol, a indiqué vendredi un responsable des hôpitaux. Les rebelles, dits Houthis, imposent notamment un blocus aux quartiers proches du port, empêchant l'acheminement de l'aide et l'évacuation des blessés, a affirmé Bassam al-Qhadi, un volontaire des services de secours. Imad Batata, un habitant de ce secteur, parle même d'un risque de famine: Il y a une seule boulangerie d'ouverte et on y attend des heures pour pouvoir espérer acheter du pain. Nous sommes sans eau et sans électricité depuis quinze jours, ajoute-t-il. Un autre habitant, Amer Ali, accuse les Houthis de vouloir soumettre Aden par tous les moyens. Au plan diplomatique, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a félicité vendredi son nouvel homologue saoudien Adel al-Jubeir en dépit de tensions entre les deux pays sur le Yémen. Mais l'Arabie saoudite et ses alliés du Golfe ont rejeté l'idée de tenir hors de Ryad des négociations de paix, comme Téhéran l'a récemment proposé.