Le parquet de Paris a officiellement dénoncé auprès de la justice marocaine des faits présumés de torture visant le patron du contre-espionnage marocain (DGST), a annoncé lundi une source judiciaire. Le Franco-Marocain Zakaria Moumni, un ancien boxeur, avait porté plainte à Paris en février 2014. Condamné au Maroc dans une affaire d'escroquerie, avant d'être gracié en février 2012, il avait dit avoir signé ses aveux sous la torture et porté plainte à Paris, visant notamment Abdellatif Hammouchi, le responsable de la DGST. Plusieurs plaintes contre Abdellatif Hammouchi avaient entraîné une crise diplomatique grave et inédite entre Paris et Rabat qui avait suspendu sa coopération judiciaire. Au terme de son enquête préliminaire dans le dossier Moumni, le parquet de Paris a envoyé aux autorités judiciaires marocaines une dénonciation officielle aux fins de poursuites sur les faits allégués, selon une source judiciaire. La justice française n'est en effet pas en mesure d'entendre les protagonistes du dossier, dont M. Hammouchi. Cela vient confirmer le bien-fondé des allégations de Zakaria Moumni, s'est félicitée Me Clémence Bectarte, qui assure avec le président d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) Patrick Baudouin, la défense de M. Moumni. Après 14 mois d'enquête préliminaire, le parquet a jugé les faits suffisamment sérieux pour justifier cette dénonciation officielle, a estimé Me Bectarte, selon qui la dénonciation officielle a été faite le 27 mars. En vertu des accords judiciaires entre les deux pays, la justice marocaine doit informer le parquet de Paris des suites qu'elle entend donner à cette dénonciation officielle, selon une source judiciaire. Si les investigations sont terminées, l'enquête préliminaire du parquet de Paris n'a pas été close. Le procès qui avait conduit à la condamnation de Zakaria Moumni, désormais installé en France, avait été qualifié d'inéquitable par Human Rights Watch. Arrêté en novembre 2010, il était accusé d'avoir soutiré à deux Marocains 1.200 euros contre la promesse de leur trouver du travail en Europe. Son épouse a toujours affirmé qu'il avait été condamné pour avoir dénoncé la corruption au sein de la fédération marocaine de boxe et pour avoir réclamé un poste de conseiller sportif dans l'administration auquel il estimait avoir droit. Cette dénonciation officielle du parquet de Paris intervient au moment où le Parlement français doit finaliser une nouvelle convention d'entraide judiciaire France-Maroc, signée fin janvier. Elle a permis la réconciliation récente entre Paris et Rabat après un an de brouille aussi inédite que spectaculaire, réconciliation scellée par une rencontre à l'Elysée entre François Hollande et le roi Mohammed VI. Cette nouvelle convention judiciaire a été critiquée par les organisations ACAT, Amnesty International France et Human Rights Watch. Cet accord vise à rendre la saisine du juge français impossible à l'avenir, a regretté Me Bectarte.