Le groupe terroriste Etat islamique (EI) s'est emparé jeudi de la ville de Palmyre en Syrie après avoir conquis celle de Ramadi en Irak, deux victoires significatives qui lui ont permis d'élargir sa zone d'influence de part et d'autre de la frontière. Continuant sur sa lancée, l'EI a pris le dernier point de passage frontalier avec l'Irak qui était encore aux mains du régime syrien, ainsi que des positions des troupes irakiennes près de Ramadi, le chef-lieu de la province d'Al-Anbar conquis dimanche. Les combattants de l'EI sont dans toutes les parties de Palmyre, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le régime a reconnu sa défaite, affirmant que son armée s'était retirée après l'entrée d'un grand nombre de terroristes. En s'emparant de ce véritable carrefour routier qui ouvre sur le grand désert syrien frontalier de l'Irak, l'EI se rend maître de la moitié du territoire de Syrie et menace Homs, la troisième ville du pays en guerre depuis 2011, selon une ONG et des experts. Malgré une campagne aérienne lancée depuis 2014 par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis pour aider en Irak le pouvoir et en Syrie les rebelles, à contrer l'EI, ce groupe ultra-radical sunnite a réussi ces coups de force en huit jours. Responsable d'atrocités et fort de dizaines de milliers d'hommes, l'EI élargit à Palmyre et Ramadi son califat proclamé en juin 2014 sur les larges pans de territoire conquis à cheval sur la Syrie et l'Irak.
Perte pour l'humanité L'EI, intervenue dans la guerre en Syrie en 2013, a revendiqué sur Twitter la prise de Palmyre, inscrite par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité et située dans la province centrale de Homs. Des photos de Palmyre diffusées par l'EI montrent des camions détruits de l'armée, des carcasses d'avions à l'aéroport militaire et des cadavres sur le bord de la route. La bataille déclenchée le 13 mai a fait près de 500 morts et poussé une partie des habitants à la fuite, selon l'OSDH. Recourant à de nouvelles exactions, les combattants de l'EI ont exécuté jeudi au moins 17 personnes, des civils et des militaires pro-régime. Le président français François Hollande a appelé à agir contre le péril pour des monuments inscrits au patrimoine de l'humanité et contre l'EI. Avec la prise de Palmyre, l'EI contrôle désormais plus de 95 000 km2 en Syrie, soit 50% du territoire, d'après l'OSDH. Le groupe contrôle en effet la majeure partie des provinces de Deir Ezzor et Raqa (nord), et a une forte présence à Hassaké (nord-est), Alep (nord), Homs et Hama (centre). Il est aussi maître de la quasi-totalité des champs pétroliers et gaziers de Syrie.
Cité antique du désert syrien Palmyre, cité antique du désert syrien tombée jeudi aux mains des terroriste de l'Etat islamique (EI), est réputée pour ses colonnades torsadées romaines, ses temples, ses tours funéraires vestiges d'un brillant passé. Située à 210 km au nord-est de Damas, la perle du désert, inscrite par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité, est une oasis dont le nom apparaît pour la première fois sur une tablette au 19e siècle avant notre ère. Elle fut un point de passage des caravanes entre le Golfe et la Méditerranée et une étape dans la route de la soie. Mais c'est avec la conquête romaine à partir du 1er siècle avant Jésus-Christ et durant quatre siècles, que Palmyre (Cité des palmiers) --dont le nom officiel en Syrie est Tadmor (Cité des dattes)-- connaît un essor remarquable. Elle devient une place luxueuse et luxuriante en plein désert grâce au commerce d'épices et de parfums, de la soie et de l'ivoire de l'est, des statues et du travail du verre de Phénicie. En 129, l'empereur romain Hadrien en fait une cité libre et elle prend le nom d'Adriana Palmyra. C'est à cette époque que les principaux temples, comme celui de Bel, ou l'Agora ont été construits. La trinité composée du dieu babylonien Bel, équivalent de Zeus, de Yarhibol (le soleil) et Aglibol (la lune) y était vénérée avant l'arrivée du christianisme au 2e siècle après JC. Au 3e siècle, profitant des difficultés de l'empire romain, la ville s'érige en royaume. Elle défie les Perses et la belle Zénobie devint reine. En 270, Zénobie conquiert toute la Syrie, une partie de l'Egypte, et arrive même en Asie mineure. Mais l'empereur romain Aurélien reprend la ville, la reine Zénobie est conduite à Rome et la ville connaît son déclin. Avant le début du conflit en Syrie en 2011, plus de 150 000 touristes visitaient la ville aux 1 000 colonnes, aux statues, et à la formidable nécropole de 500 tombes où les riches Palmyréniens avaient construit une série de monuments funéraires somptueusement décorés, dont certaines ont été récemment pillés. Le plus beau site de Syrie porte des stigmates --notamment la chute de piliers et des chapiteaux corinthiens-- des combats qui opposèrent entre février et septembre 2013 les rebelles à l'armée qui prit le dessus. D'après le gouverneur de la province, la ville intra-muros compte près de 35 000 habitants et déplacés qui s'y sont installés depuis le début du conflit, et le double avec sa banlieue. La majorité des habitants sont au chômage faute de touristes. Mais selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, plus de 100.000 personnes peuplent la région de Palmyre. La chute de cette ville vieille de plus de 2 000 ans, fait craindre pour le sort de ses célèbres ruines, l'EI ayant déjà détruit des trésors archéologiques en Irak.