La récente réunion de la coalition internationale contre l'EI en Irak et en Syrie, qui s'est tenue à Paris pour faire le point sur la lutte contre les djihadistes, semble avoir échoué dans ses travaux, et même dans ses perspectives internationales de lutte contre le terrorisme. Dix mois après le lancement de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis contre l'organisation de l'Etat islamique (EI), le bilan est maussade : les terroristes de l'EI ont poursuivi leur avancée. Récemment, les pertes des villes de Palmyre (Syrie), et Ramadi (Irak), ont achevé de mettre en doute l'efficacité des bombardements arabo-occidentaux. Confrontés à ce constat, 24 ministres et institutions internationales faisant partie de la coalition anti-EI se sont réunis, le 2 juin à Paris, à l'initiative du ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius. Très nombreux sont les spécialistes de la chose qui voient en cette réunion une perte de temps. " La coalition doit changer de stratégie faute de quoi la menace que constitue l'EI ne fera que prendre de l'ampleur ", a mis en garde l'analyste australien David Kilculien, ex-conseiller du général américain, David Petraeus, dans les années 2077-2008. Le directeur de la CIA, John Brennan, est lui-même récemment sorti de sa réserve en affirmant que la bataille contre ces forces djihadistes serait longue et demanderait une solution à la fois militaire et politique. " C'est bis repetita, une conférence de fantoches " a lancé Myriam Benraad, politologue, spécialiste de l'Irak au Ceri Sciences Po, interrogée par France 24. " On a affaire à une coalition qui gesticule dans tous les sens ". C'est dire que le communiqué final des travaux de cette réunion montre réellement la faillite de cette coalition. Avant cette rencontre ministérielle internationale, le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, ne s'était pas gêné pour dire que la coalition n'a pas fait grand-chose pour combattre Daech. Il a également mis en doute la volonté des Etats-Unis de livrer à son pays l'armement nécessaire. Pour le politologue Bassan Fahhan, d'origine syrienne : c'est la montagne qui accouche d'une souris. Cette réunion ressemble beaucoup aux réunions des " amis de la Syrie ", c'est-à-dire beaucoup de bruits pour pas grand-chose, explique-t-il. Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS (France), souligne l'ambiguïté des positions de cette coalition. Malgré l'engagement de cette coalition, avec près de 4 000 sorties aériennes des pays membres, malgré l'engagement de ces pays en Irak mais aussi en Syrie, malgré l'existence d'une opposition laïque, Daech progresse, se renforce même. La situation en Irak et en Syrie, avec l'avancée de Daech, exige que la coalition internationale revoie sa stratégie. Jusqu'à présent, les bombardements systématiques et l'éviction des tribus chiites de la lutte contre Daech n'ont montré aucune efficacité. Tout le monde est d'accord pour dire que Daech est une grande menace pour la Syrie et l'Irak, mais aussi pour d'autres pays. Mais reste que les 24 pays ayant pris part à la rencontre de Paris (L'Arabie saoudite, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Turquie, l'Australie, Bahreïn, la Belgique, le Canada, le Danemark, l'Espagne, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, la Jordanie et l'Irak) sont décidés à se battre sérieusement contre le terrorisme. La France, les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et les autres monarchies arabes ne comptent-ils pas eux-mêmes parmi les Etats qui ont longtemps soutenu le terrorisme en Syrie et ailleurs ? Le pays le plus engagé dans la lutte contre Daech sur le terrain est l'Iran, lequel lutte aux côtés des tribus chiites et n'a pourtant pas été invité à la rencontre de Paris. Pourquoi ? Car d'autres pays membres de cette coalition, comme l'Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis, ne veulent absolument pas entendre parler de l'influence de l'Iran en Irak, ou même dans la région. Il semblerait que l'Arabie saoudite ait mis directement son veto pour que l'Iran ne soit pas invité à cette conférence. Or, il y a un paradoxe, car ces pays sont aussi accusés par l'Irak d'aider l'EI. Cela montre à quel point la situation est compliquée et combien est impuissante cette coalition qui ne prend pas tous les éléments en compte. La Russie, qui ne participe pas à cette coalition contre Daech, a fait savoir sa position. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, dans une interview à la chaine de télévision américaine Bloomberg, a déclaré que les opérations militaires de la coalition doivent être autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies. " Evidemment, nous ne sommes pas contre les efforts de la coalition en vue d'affaiblir un dangereux groupe terroriste, mais la possibilité existait déjà de combattre ce groupe avant le début de ces opérations. Nous préférons travailler en nous appuyant sur le droit international ". Dans le même temps, le diplomate russe a qualifié d' " erreur " la posture de Washington consistant à refuser de solliciter l'autorisation des autorités syriennes pour entamer des raids aériens sur les positions de Daech en territoire syrien. En Irak, comme le souligne bien Lavrov, le gouvernement a bien été consulté et a donné son consentement aux bombardements. D'après lui, cette double approche est due à " une obsession autour de la personnalité du président Al-Assad ". " J'estime que le refus de coopérer avec le président syrien n'est point bénéfique à la cause commune qu'est la lutte contre le terrorisme ", a-t-il noté, ajoutant : " Je tiens à rappeler qu'Al-Assad a été reconnu comme un partenaire parfaitement légitime lors de l'adoption de la résolution sur le désarmement chimique de la Syrie, une résolution soutenue par les Etats-Unis ".