Les grandes manœuvres diplomatiques sur le nucléaire iranien ont repris samedi à Vienne, mais les négociateurs semblent encore loin du compte pour résoudre l'un des dossiers internationaux les plus complexes de cette dernière décennie. A l'approche de la date théorique du 30 juin pour un accord, et même si tous s'accordent à dire que les discussions pourraient être prolongées de quelques jours, les positions entre Iraniens et pays du P5+1 (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne) semblent encore très éloignées sur des points cruciaux. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, se sont retrouvés les premiers samedi matin dans la capitale autrichienne, où les experts négocient d'arrache-pied depuis des semaines. Beaucoup de travail reste à faire, a lancé d'emblée M. Kerry. Je pense que tout le monde voudrait voir un accord mais nous devons résoudre des questions difficiles, a-t-il dit. Nous devons travailler très dur pour faire des progrès, a renchéri M. Zarif. La communauté internationale veut obtenir des garanties strictes que le programme nucléaire iranien est purement à vocation civile et que Téhéran ne cherchera pas à se doter de l'arme atomique, en échange d'une levée progressive des sanctions qui asphyxient son économie. Conditions contre lignes rouges Or, au moins trois conditions sont indispensables pour sceller un accord, a prévenu le chef de la diplomatie française Laurent Fabius en arrivant à Vienne samedi. La première c'est une limitation durable des capacités nucléaires iraniennes de recherche et de production, la deuxième c'est une vérification rigoureuse des sites (iraniens) y compris militaires si nécessaire, et la troisième c'est un retour automatique des sanctions en cas de violation des engagements pris par l'Iran, a-t-il déclaré. Ces trois conditions respectent la souveraineté de l'Iran. Elles ne sont pas encore acceptées par tous et pourtant elles sont le triangle de base indispensable pour l'accord solide que nous voulons, a ajouté le ministre, qui a rencontré successivement le chef de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA), Yukiya Amano, M. Zarif, et M. Kerry. M. Zarif avait lui aussi répété de son côté la principale exigence iranienne en arrivant samedi matin à Vienne: la levée de toutes les sanctions. Téhéran voudrait que soient abandonnées les sanctions internationales dès la conclusion d'un accord, alors que les grandes puissances souhaitent une levée progressive. En début de semaine, le guide suprême Ali Khamenei, qui a la haute main sur le dossier nucléaire, avait réaffirmé ses lignes rouges, réitérant notamment son refus de toute inspection des sites militaires iraniens. Les grandes puissances veulent que l'AIEA puisse accéder à des sites militaires pour s'assurer que le programme nucléaire iranien ne dévie pas de sa nature civile. M. Khamenei avait également déclaré ne pas accepter de limitations de longue durée du programme nucléaire, alors que les grandes puissances souhaitent le brider pour au minimum dix ans.
Des choix politiques Les discussions vont se poursuivre plusieurs jours, même si les ministres ne resteront pas forcément sur place en continu. On va avoir des jours et des nuits tendus et compliqués. Il va falloir beaucoup de calme et de sang-froid, selon un diplomate occidental. Les autres ministres du groupe 5+1 doivent arriver ce week-end ou dans les jours qui viennent. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini est attendue dimanche. Tout est maintenant une question de choix politiques, a estimé jeudi une source diplomatique occidentale, indiquant que les termes de l'accord étaient globalement définis. Téhéran et le 5+1 sont engagés depuis septembre 2013 dans d'intenses négociations pour parvenir à un accord qui pourrait consacrer un rapprochement entre les Etats-Unis et l'Iran, brouillés depuis 35 ans, ainsi que le retour sur la scène internationale de la République islamique chiite, dont l'influence effraye les puissances sunnites de la région et Israël. Le P5+1 et l'Iran ont conclu en novembre 2013 un accord intérimaire, renouvelé deux fois, et sont parvenus, dans la douleur, à fixer à Lausanne en avril dernier les paramètres d'accord définitif potentiel. A Lausanne, nous avions trouvé des solutions sur beaucoup de choses, mais pas sur certaines questions, a déclaré l'un des principaux négociateurs iraniens Abbas Araghchi sur la chaîne iranienne en arabe Al-Alam. Il a également accusé certains pays du P5+1 d'avoir changé de position, ce qui a un peu compliqué la tâche.