Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a obtenu tôt hier le soutien du Parlement grec à son programme de réformes présenté aux créanciers du pays pour obtenir un nouveau plan de sauvetage. L'offre a été bien accueillie par les bailleurs de fonds d'Athènes. Les experts de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI) avaient passé la journée de vendredi à les disséquer. Forts de cet avis favorable, les ministres des Finances de la zone euro se réunissent cet après-midi à partir de 15h00 pour examiner les conditions d'un renflouement de la Grèce. Les experts de la BCE, de la CE et du FMI ont chiffré à 74 milliards d'euros les besoins financiers de la Grèce pour faire face à ses obligations. Alexis Tsipras a demandé une aide de 53,5 milliards d'euros sur les trois prochaines années. Une source au sein de la zone euro a déclaré qu'il était désormais "100% certain" que les ministres seraient d'accord pour lancer des négociations. Parallèlement, ils étudieront aussi une aide à court terme pour dépanner la Grèce en attendant que le nouveau prêt sur trois ans sollicité par Alexis Tsipras ait été accepté et que les fonds soient effectivement déboursés. Alors que les banques grecques sont fermées et sont complètement dépendantes d'une ligne de crédit de la BCE, le plan Tsipras est considéré comme la dernière chance d'éviter un effondrement du système financier et une éviction de la Grèce du club des pays ayant l'euro pour devise.
Des défections Alexis Tsipras a obtenu le soutien de la Vouli à une confortable majorité - avec 251 voix sur 300 - mais le chef du gouvernement de la gauche radicale n'a pas fait le plein des voix de son parti Syriza. Il a dû compter sur le vote des partis d'opposition pro-européens et notamment de Nouvelle démocratie. Les figures les plus à gauche de Syriza avaient signalé avant le vote qu'elles ne pouvaient soutenir la hausse de la fiscalité et la baisse des dépenses proposées par Alexis Tsipras après le rejet sans appel par les Grecs de mesures similaires lors du référendum de dimanche dernier. Le ministre de l'Energie, Panagiotis Lafazanis, le vice-ministre du Travail, Dimitris Stratoulis et la présidente du Parlement, Zoé Constantopoulou, se sont abstenus. Plusieurs milliers de manifestants de gauche se sont rassemblés devant le Parlement vendredi soir en signe de protestation. "Le gouvernement fait l'objet d'un chantage total pour qu'il consente à quelque chose qui ne reflète pas ce qu'il représente", a déclaré Zoé Constantopoulou. "Les propositions ne sont pas compatibles avec le programme de Syriza", avait déclaré Lafazanis à Reuters avant le vote.
"Mandat clair" A l'issue du vote par le Parlement, Alexis Tsipras n'a pas fait mention des "frondeurs" de son parti qui n'ont pas voté son plan. Il a indiqué qu'il allait maintenant se consacrer à la conclusion d'un accord. "Le Parlement a aujourd'hui donné un mandat clair au gouvernement pour mener à bien les négociations et parvenir avec ses partenaires à un accord économiquement viable et socialement juste", a déclaré le chef du gouvernement. "La priorité maintenant est d'avoir une issue positive aux négociations", a déclaré Alexis Tsipras en soulignant que "le reste" viendrait après. Lors de la réunion de l'Eurogroupe samedi, la demande grecque de rééchelonnement d'une partie de sa dette, qui représente 175% de son produit intérieur brut (PIB), devrait être également discutée. L'Allemagne s'est montrée circonspecte face aux nouvelles propositions, mais la France, principal soutien de la Grèce parmi les grandes puissances de la zone euro, les a saluées. Le président François Hollande les a qualifiées de "sérieuses et crédibles". Le ministre néerlandais des Finances et président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a estimé que le plan envoyé par le Premier ministre grec était exhaustif, mais n'a pas voulu donner de commentaires précis.
Loin des promesses Le premier ministre grec Alexis Tsipras a défendu les avancées de la proposition d'accord faite aux créanciers du pays, tout en admettant qu'elle contient des mesures difficiles et loin du pacte électoral de la gauche radicale. Le chef de l'exécutif a également reconnu des erreurs durant les presque six mois passés au pouvoir mais a assuré avoir fait tout ce qu'il est humainement possible. S'exprimant devant les députés grecs, il a estimé qu'ils se trouvaient face à un choix de haute responsabilité, portaient le devoir national de maintenir le peuple en vie et les a appelés à approuver le paquet de réformes et de financement soumis aux créanciers UE et FMI. Filant la métaphore du chef de guerre ayant mené depuis janvier des batailles difficiles, ayant encaissé des pertes, mais aussi gagné du terrain, il a prévenu que les difficultés étaient loin de se dissiper avec l'accord espéré ce week-end. A partir de maintenant, nous avons devant nous un terrain miné, avec des pièges, je ne peux pas le cacher, a-t-il déclaré, faisant également l'aveu que le programme de réformes est difficile. La Grèce va en effet s'engager à un important effort budgétaire pour décrocher le troisième plan d'aide d'un montant de 74 milliards d'euros qu'elle a sollicité cette semaine auprès des Européens. Mais la proposition que le pays a soumise aux créanciers comporte plusieurs avancées, a souligné le Premier ministre: nous aurons un financement sur trois ans, contre cinq mois proposés par les créanciers fin juin, un plan d'investissement et nous avons pour la première fois un débat sérieux sur la restructuration de la dette. Le débat parlementaire, qui a commencé, à minuit (22h00 GMT) devrait se terminer à 03h00 locale au plus tôt et les députés ont donné à l'issue de ce débat leur feu vert au gouvernement pour négocier sur la base de cette proposition avec les créanciers du pays. Alexis Tsipras pourrait enregistrer les défections de plusieurs élus de sa majorité mais pourra compter sur les voix d'au moins une partie des grands partis d'opposition.
La nouvelle proposition jugée positive Les créanciers de la Grèce (UE, BCE, FMI) qui ont examiné vendredi la nouvelle proposition soumise par le gouvernement d'Alexis Tsipras l'ont jugée positive, y voyant une base de négociation en vue d'un troisième plan d'aide d'un montant de 74 milliards d'euros. Les trois institutions sont convenues de donner une évaluation positive à la proposition de réforme transmise hier (jeudi soir) par le gouvernement grec, a précisé cette source dans la soirée, au moment où le Parlement grec était en plein débat sur ce sujet avant un vote prévu dans la nuit. Cette proposition, qui fait renaître l'espoir d'un accord évitant à Athènes la sortie de l'euro, sera examinée samedi par les ministres des Finances de l'union monétaire réunis à Bruxelles. Toutefois, selon cette même source européenne, la réunion de l'Eurogroupe devrait déboucher au mieux sur un accord politique, la décision de relancer les négociations avec Athènes incombant au sommet des chefs d'Etat ou de gouvernement des 28 qui aura lieu dimanche à Bruxelles. En outre, si la Grèce et ses partenaires européens s'entendent sur ce troisième plan d'aide à Athènes, au moins huit parlements de la zone euro devront donner leur aval, le Bundestag allemand même à deux reprises. La proposition soumise par le gouvernement grec est une base de négociation pour un troisième programme de 74 milliards d'euros sur trois ans: 16 milliards du FMI et 58 milliards du Mécanisme européen de stabilité (MES), soit un dixième de sa capacité, a souligné la source européenne, observant que ce n'est donc pas du nouvel argent. D'après une autre source européenne, les créanciers ont été surpris favorablement par le document envoyé jeudi par Athènes, considérant qu'il contenait des mesures très similaires de celles que proposaient la Commission fin juin. Dans ce document de 13 pages intitulé Actions prioritaires et engagements et publié dans la nuit de jeudi à vendredi, Athènes s'engage à adopter une grande partie des mesures proposées par les créanciers le 26 juin et qui ont été rejetées par les Grecs lors d'un référendum dimanche dernier. Les propositions du gouvernement Tsipras paraissent en effet très proches du dernier texte des créanciers sur la plupart des sujets qui fâchent: retraites, TVA, privatisations, taxe sur les sociétés...
Faire Renaître l'espoir La nouvelle proposition soumise par le gouvernement grec à ses créanciers a fait renaître l'espoir qu'un accord puisse être conclu in extremis pour permettre le maintien du pays dans la zone euro. Le parlement grec a commencé à l'examiner vendredi. "Je vous appelle à soutenir l'effort du gouvernement en vue d'un accord", a lancé aux parlementaires Dimitris Vitsas, député Syriza - la gauche radicale au pouvoir. Il a pris la parole au nom de la majorité devant la commission parlementaire qui examine en procédure d'urgence l'offre déposée vendredi soir par Athènes. Des membres de la majorité ont exprimé leurs divergences dans une déclaration très dure prônant une sortie de l'euro. Plusieurs milliers de manifestants de gauche se sont aussi rassemblés en soirée en signe de protestation devant le parlement. Après un premier examen en commission prévu jusqu'en début de soirée, les 300 députés grecs devaient se réunir pour donner leur feu vert au gouvernement de négocier avec les créanciers sur ce paquet de réformes. Un vote était envisagé aux alentours de minuit heure locale. Dans tous les cas avant la réunion des ministres des Finances prévue à Bruxelles hier. Les ministres de la zone euro (Eurogroupe) examineront alors la proposition d'Athènes.
Proches du dernier texte des créanciers A première vue, ces propositions, publiées par Athènes dans la nuit de jeudi à vendredi, sont désormais très proches du dernier texte des créanciers, le 26 juin, sur la plupart des sujets qui fâchent. Des échos optimistes, bien que prudents, sont venus de plusieurs capitales européennes, comme Paris, Vienne, Rome. Berlin attend de voir. Le gouvernement allemand a montré qu'il ne voulait pas être bousculé, indiquant "ne pas pouvoir juger du contenu" des propositions à ce stade, et "attendre que les institutions (BCE, UE, FMI) communiquent leur avis", avant l'Eurogroupe. Cet avis se faisait toujours attendre en fin de journée vendredi.
Les demandes sur la dette vont être acceptées Le nouveau ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos s'est dit confiant vendredi sur le fait que beaucoup des demandes de la Grèce sur la dette vont être acceptées par les créanciers, citant notamment un échange d'obligations entre la BCE et le Mécanisme européen de stabilité (MES) prôné de longue date par les Grecs. Si cet échange des 27 milliards d'obligations grecques détenues par la BCE, dont une partie arrive à échéance cet été, est accepté par les créanciers, nos échéances seront plus faciles à honorer, a assuré le ministre devant la commission parlementaire qui examine l'offre d'accord soumise jeudi soir par Athènes pour convaincre ses partenaires européens de reprendre leur financement du pays et de le garder dans la zone euro. Cet échange d'obligations est une revendication de longue date du gouvernement grec, portée notamment par Yanis Varoufakis, le prédécesseur de M. Tsakalotos. La Grèce émettrait une obligation de longue durée qui serait souscrite par le MES (dispositif de gestion des crises financières de la zone euro), lequel la transfèrerait à la BCE qui effacerait ainsi la créance de la Grèce. Athènes doit notamment rembourser plus de 6 milliards d'euros à la BCE en juillet-août, une échéance à laquelle il lui sera impossible de faire face sans reprise du financement du FMI et de l'UE. La Grèce est sortie le 30 juin du programme d'assistance internationale dont elle bénéficiait depuis 2010 mais dont les prêts étaient suspendus depuis un an. L'échange de dette aurait en outre l'avantage, selon le gouvernement grec, de permettre au pays de bénéficier des mesures d'assouplissement monétaire de la BCE auxquelles elle ne peut prétendre si la part de ses obligations détenues par la BCE dépasse 33%. M. Tsakalotos a défendu les propositions soumises par la Grèce et analysées depuis le début de la journée par les créanciers. Il a estimé qu'elles contenaient des avancées favorables aux Grecs par rapport au plan Juncker: les créanciers ne nous demandent pas de mesures financières supplémentaires, et le gouvernement s'est efforcé d'opérer une répartition plus équilibrée des charges, a-t-il notamment avancé. Il a cependant admis qu'il fallait se garder de tout triomphalisme car s'il y a un accord, ce sera un accord difficile, appelant les députés à juger le paquet proposé dans sa globalité et avec ses quatre piliers: mesures budgétaires, réformes structurelles, plan d'investissement et propositions sur la dette. Le ministre s'est également distingué de son décapant prédécesseur en rendant hommage à l'aide apportée par la BCE ces derniers temps pour rapprocher les points de vue des 19 pays de la zone euro. Même s'il a qualifié la politique de l'institution monétaire à l'égard des banques grecques d'asphyxiante.