Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a fermement rejeté vendredi, face au parlement, le plan de réformes "absurde" soumis cette semaine à la Grèce par ses créanciers, UE et FMI. Il s'est dit malgré tout persuadé qu'un accord est "plus proche que jamais". La proposition des créanciers soumise mercredi aux dirigeants grecs par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker au cours d'une réunion à Bruxelles a été "une désagréable surprise", a déclaré Alexis Tsipras. "Il faut la retirer", a-t-il ajouté pendant une session extraordinaire du parlement visant à informer les élus de l'état des négociations en cours depuis le 20 février. "Le peuple grec nous dit: n'abandonnez pas vos demandes raisonnables. Ne cédez pas aux requêtes déraisonnables", a déclaré le Premier ministre, qualifiant encore d'"absurdes" les mesures proposées par les bailleurs de son pays.
Accord "plus proche que jamais" Alexis Tsipras a toutefois souligné que, malgré ces divergences, la conclusion d'un accord était "plus proche que jamais". A cet égard, la proposition grecque, qui repose sur des contraintes budgétaires moins fortes, est "la seule réaliste, a-t-il assuré. Cet accord doit "inclure" une clause sur "la viabilité de la dette" grecque, a insisté le Premier ministre grec afin de "donner une solution définitive face à l'incertitude" et "à la crise" en Grèce et en Europe. Cet aspect ne figure pas en l'état dans l'offre d'accord des créanciers et constitue un point de désaccord entre les créanciers eux-mêmes, UE et FMI.
Soutenir "l'effort national" Parallèlement, le Premier ministre a appelé les parlementaires de tous les partis à soutenir "l'effort national" du pays en vue de conclure un accord avec les créanciers et à "dire clairement s'ils acceptent ou rejettent" la proposition d'accord que l'UE et le FMI ont présentée. "C'est l'heure de prendre ses responsabilités", a martelé Alexis Tsipras, tentant de gagner "le consensus" du Parlement. On est parvenu à "un moment crucial", "dans la dernière ligne droite" des négociations entre Athènes et ses créanciers, a-t-il estimé après la décision du gouvernement jeudi de reporter le remboursement des sommes dues en juin au Fond monétaire international (FMI), ce qui a créé la surprise en Europe et sur les marchés.
Athènes reporte ses paiements Athènes a obtenu un report au 30 juin du remboursement de 300 millions d'euros au FMI. Le premier ministre Alexis Tsipras doit informer en fin de journée le Parlement de l'avancée des négociations avec les créanciers de la Grèce. Il risque une fronde dans ses rangs. Athènes a regroupé en une seule échéance ses quatre remboursements dus ce mois-ci, soit 1,6 milliard d'euros au total. La Grèce repousse ainsi le risque d'une faillite imminente. C'est la première fois depuis le début de la crise de la dette il y a cinq ans que le gouvernement grec n'honore pas une échéance de remboursement. Athènes avait touché en prêt 240 milliards d'euros en échange de réformes sociales et économiques et d'une politique d'austérité. Les autorités grecques affirment pourtant avoir les moyens de payer. Présenté cette semaine au Premier ministre grec, le projet préparé par le Groupe du Bruxelles est jugé inacceptable par Athènes. Interrogé par la chaîne britannique BBC, le ministre grec de l'Economie, George Stathakis, a réaffirmé vendredi matin que "le gouvernement grec ne (pouvait) pas accepter les nouvelles propositions mises sur la table".
Tsipras durcit le ton A ses ministres, le chef du gouvernement grec a d'ores et déjà déclaré qu'il ne pouvait pas accepter les "propositions extrêmes" qui lui ont été soumises mercredi soir à Bruxelles par l'Union européenne et le Fonds monétaire international. "Tout le monde doit comprendre que le peuple grec a souffert pendant ces cinq dernières années et qu'il faut arrêter de jouer à ses dépens", a poursuivi M. Tsipras. Mercredi soir pourtant, après un dîner à Bruxelles avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, le Premier ministre grec avait dit qu'un accord entre la Grèce et ses créanciers était "en vue". Il a apparemment durci le ton au vu des critiques émises à Athènes au sujet de l'accord en préparation. Aucune nouvelle réunion entre le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le Premier ministre grec Alexis Tsipras n'est prévue avant mardi prochain, après le sommet du G7, ont indiqué vendredi plusieurs sources européennes à Bruxelles.
Chantage contre le gouvernement L'UE et le FMI réclament notamment que le gouvernement grec s'engage à réduire les dépenses de retraite, à réformer le marché du travail et à poursuivre un programme de privatisations. Ces exigences ont suscité un tollé dans les rangs de Syriza, le parti de gauche de M. Tsipras, car elles franchissent les "lignes rouges" tracées par Athènes pour ces négociations. "Les créanciers veulent imposer des mesures dures. S'ils ne font pas machine arrière sur ce paquet visant à un chantage contre le gouvernement, nous devrons rechercher des solutions alternatives, des élections", a prévenu vendredi matin le ministre délégué grec à la Sécurité sociale, Dimitris Stratoulis, sur la chaîne de télévision Antenna TV. Syriza a remporté les élections de janvier sur la promesse de "livrer bataille" pour améliorer le Mémorandum négocié naguère par les précédents gouvernements grecs avec l'ex-"Troïka", a insisté ce ténor de l'aile la plus radicale du parti.
Inquiétudes sur les marchés En décidant de reporter le remboursement des 300 millions d'euros qui était dû ce vendredi au FMI, Athènes a semé l'inquiétude sur les marchés financiers. Les Bourses européennes ont ouvert en baisse. A Athènes, l'indice général composite, qui avait entamé la séance sur un recul de 0,7%, a creusé ses pertes. A la mi-journée, il cédait près de 4,5%. "Nous nous attendons à ce que les intervenants du marché mettent leurs gilets de sauvetage aujourd'hui", avance un analyste d'Euroxx Research à Athènes.