Wall Street a fortement baissé vendredi, au lendemain d'une réunion de la Réserve fédérale qui a inquiété par son analyse de l'économie sans rassurer sur sa politique monétaire: le Dow Jones a perdu 1,74% et le Nasdaq 1,36%. Selon des résultats définitifs, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average a cédé 289,95 points à 16.384,79 points, et le Nasdaq, à dominante technologique, 66,72 points à 4.827,23 points. L'indice élargi S&P 500, jugé le plus représentatif par de nombreux investisseurs, a reculé de 1,61%, soit 32,12 points, à 1.958,08 points. "En ne relevant pas ses taux, la Réserve fédérale (Fed) a prolongé les incertitudes... et la Bourse n'aime pas les incertitudes", a résumé Bill Lynch, de Hinsdale Associates. A l'issue d'une réunion de politique monétaire sur laquelle régnait une incertitude sans pré- cédent depuis des années, la banque centrale américaine a maintenu jeudi ses taux au niveau presque nul où ils se trouvent depuis 2008. En agissant ainsi, la Fed conserve en l'état son soutien à l'économie et Wall Street a initialement hésité sur la réaction à adopter. Mais, vendredi, elle s'est clairement décidée pour le pessimisme, dans le sillage de la Bourse de Tokyo et des places européennes. "En premier lieu, on se préoccupe de ce qui inquiète tant la Fed" pour qu'elle maintienne sa politique en l'état, a expliqué Michael James, de Wedbush Securities. La banque centrale a accompagn é sa décision d'un communiqu é très prudent sur la situation économique mondiale et sa pré- sidente, Janet Yellen, a confirmé cette impression dans la confé- rence de presse qui a suivi en faisant plus explicitement allusion au ralentissement chinois et à ses conséquences pour l'économie américaine. En ne relevant pas ses taux, "la Fed admet en un sens que l'économie ne va pas si bien et ce n'est pas de bon augure pour les bénéfices des entreprises à l'approche des résultats du troisième trimestre en octobre", a jugé M. Lynch. Certains observateurs rappelaient par ailleurs que la Bourse avait nettement monté dans les séances qui avaient précédé la décision de la Fed, laissant alors les analystes plutôt perplexes, et ils estimaient que la baisse de vendredi s'apparentait donc à un repli technique, vu le maintien du statu quo par la banque centrale. "Peut-être certains investisseurs s'attendaient à ce que la Fed relève ses taux de 0,25% (...) et ne fasse plus rien pendant un moment", a conclu M. Lynch. "Et peut-être que c'est ce que la Bourse aurait aimé aujourd'hui". Le marché obligataire, qui avait bondi après la décision de la Fed, montait encore nettement. Vers 20H20 GMT, le rendement des bons du Trésor à dix ans baissait à 2,133% contre 2,196% jeudi soir, et celui des bons à 30 ans à 2,933%, contre 3,011% auparavant. PARIS EN PROIE À L'INCERTITUDE La Bourse de Paris a fini en forte baisse vendredi (-2,56%), les investisseurs se laissant gagner par l'incertitude au lendemain d'une réunion cruciale de la banque centrale américaine qui a finalement laissé ses taux inchangés. L'indice CAC 40 a perdu 119,29 points à 4.535,85 points, dans un volume d'échanges exceptionnel de 9,4 milliards d'euros. La veille, il avait grappill é 0,20%. Parmi les autres marchés européens, Francfort a cédé 3,06% et Londres 1,34%. Par ailleurs, l'Eurostoxx 50 a reculé de 3,03%. Après avoir démarré en repli, le marché parisien n'a cessé de perdre du terrain tout au long de la séance, digérant la décision de la Fed ainsi qu'un discours de sa présidente Janet Yellen sur les motivations d'un statu quo sur les taux. "Il y a une déception par rapport à la Fed qui ajoute beaucoup d'incertitude", explique Andréa Tuéni, un analyste de Saxo Banque. Or, "c'est quelque chose que les marchés n'aiment pas beaucoup", souligne-t-il. Alors que le monde de la finance était suspendu à ses lèvres, la Fed a finalement choisi jeudi soir de rester prudente et de maintenir sa politique de taux zéro, une décision essentiellement liée aux récentes turbulences financières et incertitudes économiques venues des march és émergents, notamment de Chine. Contrairement à ses attentes, le marché a finalement obtenu un "statu quo et peu de visibilité sur les décisions que pourraient prendre la Fed d'ici la fin de l'année", poursuit M. Tuéni. L'absence de décision va relancer les spéculations sur une prochaine hausse des taux alors que se tiennent encore deux réunions de l'institution monétaire américaine d'ici à la fin de l'ann ée. Les investisseurs continuent de redouter une remontée des taux, un virage auquel ils se pré- parent de longue date mais qui mettrait fin à des années de politique monétaire ultra-accommodante dont ils ont largement profit é. A cela s'ajoute "un tableau pas très positif sur les perspectives économiques", ce qui renforce les craintes des marchés, indique M. Tuéni. "Le contexte intérieur ne justifiait pas un statu quo, donc si la Fed ne relève pas ses taux c'est parce qu'elle s'inquiète pour la Chine, laissant entrevoir du coup de nouvelles secousses", explique de son côté Alexandre Baradez, un analyste de IG France. Les investisseurs ont par ailleurs continué d'être attentifs aux chiffres macroéconomiques publiés outre-Atlantique: l'indice composite des principaux indicateurs aux Etats-Unis a augmenté légèrement moins que prévu en août. En France, les créations d'entreprises en France ont continu é de reculer en août. Du côté des valeurs, le secteur automobile, exposé à la Chine, a bu la tasse à l'image de Renault(-4,22% à 74,00 euros) et Peugeot (-3,05% à 15,58 euros). Les financières ont elles aussi terminé la séance en mauvaise posture: BNP Paribas a reculé de 4,80% à 52,98 euros, Société Générale de 4,16% à 40,44 euros et Crédit Agricole de 2,52% à 11,01 euros. Akka Technologies a perdu 5,62% à 25,20 euros. Le groupe de conseil en technologies a dégagé au premier semestre un bénéfice net en recul, mais a toutefois confirmé son objectif de légère augmentation des ventes sur l'année, dans le cadre de son "plan stratégique 2018". Korian a été porté pour sa part (+3,70% à 33,49 euros) par un relèvement de recommandation à "acheter" contre "neutre auparavant" par la banque HSBC. L'EUROPE CHUTE Les Bourses européennes ont chuté vendredi au lendemain de la décision de la Fed, les march és estimant que le motif invoqu é par Janet Yellen - les difficult és des pays émergents et le risque de ralentissement mondial qui en découle - conforte leurs craintes concernant la Chine et la fragilité de la reprise économique mondiale. Paris a clôturé en baisse de 2,56% à 4.535,85 points mais au-dessus de son plus bas du jour (4.495.05 points). Sur la semaine, l'indice CAC 40 a perdu 0,28%. Francfort a lâché 3,06% et Milan 2,65%. L'indice EuroStoxx 50 des valeurs vedettes de la zone euro a perdu 3,03%. Les indices élargis à la zone économique européenne (UE, Suisse, Norvège), STOXX 600 Europe et EuroFirst 300 ont perdu respectivement 1,78% et 1,92% tandis que Londres a abandonné 1,34%. "C'est une réaction exag érée. On a l'impression que les marchés estiment que le discours justifie leurs craintes entourant la Chine et la croissance mondiale", dit un gérant. La décision de la Fed a pesé sur le dollar et renforcé l'euro qui, après avoir passé l'essentiel de la journée audessus de 1,14 dollar, cède du terrain et s'échange autour de 1,1355 dollar. A l'inverse, le cours de l'emprunt d'Etat allemand (Bund) à 10 ans, référence de la zone euro, a progressé et son rendement s'est fortement détendu, de près de 12 points de base à 0,667%.