La Bourse de New York se lance avec méfiance vers les prochaines séances, redoutant que la recrudescence des tensions en Ukraine ne sonne le glas des velléités de reprise de ses indices boursiers, ragaillardis par l'économie américaine. Au cours des cinq dernières séances, le Dow Jones Industrial Average, indice vedette de la Bourse de New York, a gagné 0,93% à 16 512,89 points. Le Nasdaq, à dominante technologique, a rebondi de 1,19% à 4 123,90 points. L'indice élargi Standard & Poor's 500 s'est apprécié de 0,95% à 1 881,14 points. "Globalement, le trou d'air est derrière nous, l'économie américaine va plutôt bien", remarque Evariste Lefeuvre, économiste chez Natixis, à New York. La croissance a certes calé au premier trimestre, victime d'un hiver exceptionnellement rude. Mais le chômage n'a jamais été aussi bas depuis septembre 2008, les consommateurs retrouvent doucement leur appétit, l'activité manufacturière va mieux et l'immobilier offre quelques raisons d'espérer une reprise plus solide. Fort de ce constat, "les indices veulent poursuivre leur course aux records" après avoir franchi, pour le Dow Jones, ou effleuré, pour le S&P 500, de nouveaux sommets cette semaine, relève Steven Rosen, courtier de la Société Générale. Les stars du Nasdaq, inquiétées depuis fin mars par des investisseurs doutant de leur valorisation, ont repris quelques plumes, comme Yahoo! et Facebook, qui ont fini la séance vendredi en hausse d'environ 10% par rapport à leurs derniers plus bas. Or, leur bonne santé est une condition sine qua non pour la progression des indices, selon M. Rosen. Un calendrier d'indicateurs plus léger la semaine prochaine aux Etats-Unis ne devrait cependant offrir au marché que des chances limitées pour briller. Sont notamment au programme le chiffre ISM sur l'activité non-manufacturière en avril lundi, la balance commerciale américaine en mars mardi et les chiffres de la productivité mercredi. D'autant plus que "l'on se rapproche de la fin de la saison des résultats", ajoute M. Rosen. Après les gros poids lourds de l'énergie et quelques titres "tech" phare comme eBay et Twitter, sont attendus cette semaine, outre Pfizer et AIG lundi, certains grands noms des médias et du divertissement, avec Disney mardi, 21st Century Fox mercredi et News Corp jeudi. Loin de décevoir jusque-là, les entreprises ont plutôt fait un peu mieux que prévu, selon les observateurs. Même si nombre d'entre eux soulignent que les prévisions avaient été globalement revues à la baisse pour le trimestre précédent et que les perspectives ne sont pas aussi brillantes qu'attendu pour le futur. L'Ukraine, le véritable danger Mais l'Ukraine, véritable épée de Damoclès géopolitique, reste en toile de fond et représente un réel danger pour les marchés dont elle va continuer à "saper les rebonds" par saccade, à chaque nouvelle explosion de violence, estime Bill Lynch, de Hinsdale Associates. "On note une recrudescence des analyses et des téléconférences sur le sujet au sein des sociétés à Wall Street et cela indique que l'inquiétude est grandissante ici", fait aussi valoir Brent Schutte, de BMO. Dès dimanche soir, la Chine, dont les investisseurs reçoivent avec nervosité chaque nouveau signe de ralentissement économique, sera aussi au centre des préoccupations, avec la publication d'un indice de production manufacturière (PMI HSBC). Quant à la Banque centrale européenne (BCE), qui doit rendre une décision jeudi, les opérateurs n'anticipaient pas d'annonce majeure. "L'économie européenne n'est pas bonne mais pas assez mauvaise pour justifier une intervention de sa part", explique Stéphane Ventilato, de Banca Imi Securities. La Réserve fédérale américaine (Fed), qui a rassuré mercredi en laissant inchangés ses taux d'intérêt proches de zéro depuis 2008 et en maintenant une politique de réduction progressive de ses rachats d'actifs, reviendra aussi sur le devant de la scène. Sa présidente, Janet Yellen, doit s'exprimer mercredi et jeudi devant le Congrès américain. "Il sera difficile pour elle de justifier la poursuite d'une politique monétaire très accommodante en pleine hausse des créations d'emploi et une chute du taux de chômage", malgré un recul de la population active, pointe M. Rosen.