Depuis que le gouvernement algérien, à la surprise générale, a décidé le 24 novembre dernier, de remettre à plus tard la vente d'une participation majoritaire dans le capital de la banque publique le Crédit Populaire d'Algérie (CPA), les spéculations vont bon train sur les motivations d'une telle décision. En effet, le 24 novembre, le gouvernement a annoncé sa décision de mettre en suspens le concours pour la vente de 51% du capital du CPA, soit 12% du marché bancaire algérien et 6 milliards de dollars d'actifs. L'ouverture des plis des offres techniques était censée se faire deux jours auparavant et la décision finale prise d'ici la fin de l'année. Le ministère des Finances a déclaré avoir reporté le concours afin de pouvoir évaluer l'impact de la crise internationale des crédits hypothécaires (sur le secteur bancaire algérien). "Le ministère des Finances a décidé de surseoir à la privatisation du Crédit Populaire d'Algérie en raison de l'impact non encore évalué de la crise internationale des crédits hypothécaires", déclarera Fatiha Mentouri, ministre délégué auprès du ministère des Finances chargée de la Réforme financière, lors d'une conférence de presse à Alger. "Par conséquent, l'ouverture des plis... a été reportée en attendant une meilleure visibilité sur les marchés financiers internationaux", a-t-elle précisé. Néanmoins, l'annulation de la procédure, à la toute dernière minute, laisse les observateurs perplexes. Pour sa part, le cabinet de Consulting britannique Oxford Business Group a indiqué dans son dernier rapport que cette décision pourrait être c'est un signal négatif, la privatisation du CPA, à l'ordre du jour depuis le début des années 1990, ne cessant d'être reportée. Dans un rapport rendu public hier, OBG note que le gouvernement n'a toujours pas officiellement annoncé de nouvelle date pour la reprise du concours sur le CPA ni déclaré s'il procèderait à un nouvel appel d'offres ou s'il continuerait avec les quelques candidats qui restent en liste. Selon le même rapport, il faudra peut-être attendre encore un certain temps avant d'obtenir une meilleure visibilité, et ceci non seulement sur le marché international des crédits hypothécaires. La privatisation du CPA a été amorcée depuis déjà quelque temps avec les six banques Crédit agricole, BNP Paribas et la Banque populaire pour la France, l'américaine Citibank et l'espagnole Santander, éligibles depuis novembre 2006. Santander s'est retirée de la course en mai, déclarant être intéressée par d'autres opportunités d'investissement en Europe. Citibank a quitté le cercle le 21 novembre pour cause de restructuration de ses opérations et le 23 novembre le Crédit Agricole a demandé à ce que l'ouverture des plis soit retardée. Avec la moitié des candidats sortis de la course, ou bien se montrant hésitant, le gouvernement a préféré suspendre la course, préférant sûrement un champ de candidats bien rempli pour susciter davantage de concurrence et garantir que la privatisation du CPA rapporte les 5,1 milliards de dollars du prix de vente attendus. Toutefois, la décision de reporter la vente a été très favorablement saluée par les syndicats qui se sont toujours fermement opposés à toute privatisation d'entreprise publique. Rachid Faizi, secrétaire général du syndicat représentant les 4 600 employés du CPA a déclaré que le report de la privatisation était un geste très raisonnable. "Nous devons dire bravo au gouvernement" a-t-il déclaré dans la presse locale le 27 novembre. "Les employés du CPA étaient très inquiets au sujet de leur avenir". Si les employés de la banque sont satisfaits de cette décision, tel n'est pas le cas des experts financiers qui émettent de sérieux doutes sur la logique de ce délai ainsi que sur l'engagement des autorités dans le processus de privatisation. Ali Ben Ouari, ancien ministre des Finances, se dit n'être pas convaincu par les raisons évoquées par le ministère pour ce choix, déclarant que la plupart des candidats restant dans la course pour la reprise de CPA n'avaient pas été affectés par la crise des crédits hypothécaires. Au lieu de cela, il a suggéré que le gouvernement était en train de reconsidérer sa stratégie de privatisation des banques publiques. Ce changement de cap résulte selon lui d'une amélioration de l'économie algérienne.