Patronat et syndicats tentent une nouvelle fois de s'entendre pour revoir le financement du système français de retraites complémentaire. Le Medef a revu ses propositions pour inciter les salariés à travailler plus longtemps, au-delà de l'âge et de la durée de cotisation actuellement fixés, afin de renflouer les caisses des retraites complémentaires. Selon le nouveau texte, le Medef garde l'idée d'un système de bonus-malus pour les départs à la retraite, dépendant à la fois de l'âge et de la durée de cotisation. Il s'agit d'inciter les salariés, à partir de 2019, à travailler une année de plus, une fois qu'ils ont rempli les conditions nécessaires pour partir avec une retraite à taux plein (âge légal de 62 ans et durée de cotisation). Ainsi, un salarié remplissant ces deux conditions qui déciderait de prendre sa retraite à 62 ans verrait sa retraite complémentaire amputée de 15 % la première année, 12 % la seconde et 10 % la troisième, avant de retrouver une retraite à taux plein à 65 ans. En revanche, s'il travaille jusqu'à 63 ans (soit 4 trimestres de plus) ce malus dégressif et temporaire sera annulé. S'il reste deux ans de plus en activité (8 trimestres), il bénéficiera d'un bonus, pendant un an, de 10 %. Bonus qui grimpe à 20 % s'il travaille trois ans de plus (12 trimestres), à 30 % pour quatre ans de plus (16 trimestres). Une personne qui devrait travailler jusqu'à 64 ans pour obtenir toutes ses annuités devrait ainsi partir à la retraite à 65 ans pour ne pas subir de décote. Les retraités modestes exonérés de CSG ne seraient pas concernés par ces décotes. En contrepartie, le patronat se dit prêt à accepter une hausse des cotisations patronales qui reste cependant à chiffrer, et qui doit être compensée par une baisse des cotisations pour la branche AT-MP (accidents du travail-maladie professionnelle).
Enième séance de négociation Patronat (Medef, CGPME, UPA) et syndicats (CGT, CFDT, CFTC, FO, CFE-CGC) sont réunis à Paris pour tenter de sauver l'avenir des régimes de retraite complémentaire, lors d'une énième séance de négociation "difficile". "C'est une négociation difficile, compliquée, j'espère qu'on y arrivera", a lancé le patron du Medef, Pierre Gattaz. Il s'agit de trouver une solution pour renflouer les caisses déficitaires des régimes de retraite complémentaire Agirc (cadres) et Arrco (tous les salariés du privé). Avec la crise économique, l'arrivée des papy-boomers à la retraite et le chômage de masse, l'Agirc et l'Arrco ont vu leurs déficits cumulés se creuser à plus de 3 milliards d'euros en 2014. Si rien n'est fait, leurs réserves, permettant de compenser ces pertes, seront épuisées d'ici à 2018 pour l'Agirc, 2027 pour l'Arrco. Et les cadres verraient leurs pensions complémentaires amputées de 11 % dès 2018. Pour autant, trouver un compromis vendredi sur les mesures à prendre devrait s'avérer "compliqué", reconnaissait lui aussi à quelques jours de la rencontre, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. Son syndicat propose notamment la mise en place à partir de 2019 "d'une contribution de solidarité intergénérationnelle" de 4 % assumée pendant deux ans par les nouveaux retraités. En contrepartie, il demande aux entreprises d'augmenter leurs cotisations, ce que ces dernières refusent. "Les positions sont très éloignées, le patronat ne veut pas démordre de ses mesures d'âge et de ses abattements, et aucune confédération n'est favorable à ce type de mesure", note Philippe Pihet (FO), dont le syndicat, comme la CGT, refuse tout abattement. Expectative. Selon un sondage Odoxa pour Les Echos, Radio Classique et FTI Consulting, à choisir entre report de l'âge de départ à la retraite et hausse des cotisations patronales, 52 % des personnes interrogées estiment que "la solution la plus efficace" pour sauver l'avenir des deux régimes "consisterait à faire porter l'essentiel de l'effort sur une hausse des cotisations patronales". Ils sont 47 % à répondre que cet effort devrait porter "sur l'âge de départ à la retraite des salariés (en les incitant à ne pas partir avant 65 ans)". "Comme au rugby, il faut attendre la dernière mêlée pour voir ce qu'on a, donc cela peut encore bouger", veut croire de son côté Pascale Coton (CFTC) qui propose une décote dégressive des pensions de 5 % la première année puis de 4 % la deuxième, sans toucher aux carrières longues et aux petites pensions.
La CFE-CGCV Appelle a faire un bout de chemin Pas opposée elle non plus à un abattement à "un taux raisonnable", la CFE-CGC, par la voix de sa présidente, Carole Couvert, appelle salariés, retraités et entreprises à "faire un bout de chemin" pour sauver les retraites complémentaires, estimant "prématurée" la fusion des régimes Agirc et Arrco. "L'enjeu dépasse les seules retraites complémentaires. Il en va de l'avenir du paritarisme", estime-t-elle. Pour être validé, le projet doit recueillir la signature de trois syndicats de salariés sur cinq. Faute d'un consensus sur des mesures à long terme, un accord a minima portant sur des économies, comme une sous-indexation des pensions par rapport à l'inflation jusqu'à l'horizon 2019, pourrait être recherché.