Après des années de tergiversations, le président américain, Barack Obama, a rejeté vendredi le projet controversé d'oléoduc Keystone XL, mettant en avant le rôle central des Etats-Unis dans la lutte contre le changement climatique. En tranchant enfin, plus de six ans après la première demande de permis de construire de l'opérateur canadien TransCanada, M. Obama marque les esprits et provoque la colère de ses adversaires républicains, à moins d'un mois de la conférence de Paris sur le climat (COP 21). Ce grand rendez-vous dans la capitale française vise à conclure un accord pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et éviter un emballement de la machine climatique. Long de 1 900 kilomètres, dont 1 400 aux Etats-Unis, le projet Keystone XL visait à transporter le pétrole canadien des sables bitumineux de l'Alberta (ouest) jusqu'au Nebraska (au centre des Etats-Unis), d'où il aurait pu rejoindre les raffineries américaines du golfe du Mexique. Le département d'Etat a décidé que le projet Keystone XL n'était pas dans l'intérêt national des Etats-Unis. Je suis d'accord avec cette décision, a déclaré M. Obama depuis la Maison Blanche, soulignant que le projet n'aurait pas eu d'impact significatif sur l'économie américaine. L'oléoduc ne ferait pas baisser le prix du carburant pour les consommateurs américains (...) Transporter du pétrole brut plus sale jusque dans notre pays ne renforce pas la sécurité énergétique des Etats-Unis, a-t-il souligné. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a regretté la décision américaine tout en soulignant que les relations entre les Etats-Unis et le Canada étaient beaucoup plus vastes qu'un seul projet. Le nouveau dirigeant canadien était en faveur du projet, mais son approche était plus souple que celle de son prédécesseur conservateur Stephen Harper, défenseur inconditionnel des oléoducs pour désenclaver la production de pétrole de la province de l'Alberta, troisième réserve mondiale d'or noir. TransCanada a dit envisager le dépôt d'une nouvelle demande, soulignant que le groupe et ses clients, les compagnies pétrolières, restaient absolument déterminés à construire cet important projet d'infrastructure énergétique.
Agir maintenant ! M. Obama, qui a fait de la lutte contre le changement climatique une priorité de ses deux mandats, a toujours affirmé que la question des émissions de CO2 liées à ce projet serait centrale au moment du choix final. Approuver un tel projet aurait affaibli notre leadership sur le climat, a-t-il estimé vendredi, confirmant pour la première fois qu'il participerait au sommet des chefs d'Etat au début de la conférence de Paris, dans trois semaines. Il faut agir maintenant, pas plus tard, pas un jour. Maintenant!, a-t-il martelé. Je suis optimiste sur ce que nous pouvons faire ensemble. Cette décision négative sur un dossier devenu au fil des ans emblématique des divergences idéologiques sur l'énergie et l'environnement aux Etats-Unis, a provoqué une avalanche de réactions enthousiastes parmi les démocrates. La décision du président de rejeter l'oléoduc Keystone est une étape encourageante et un appel à l'action à l'approche de la #COP21!, a réagi sur Twitter l'ancien vice-président Al Gore, très impliqué sur le dossier depuis des décennies. Bill McKibben, fondateur de l'ONG 350.org, a jugé que M. Obama devenait, avec cette décision, le premier dirigeant à rejeter un projet en raison de son impact sur le climat. Nous sommes bien conscients du fait que le prochain président pourrait défaire tout cela, mais l'heure est à la célébration. J'applaudis sans réserve cette décision, a lancé Bernie Sanders, en lice du côté démocrate pour succéder à M. Obama à la Maison Blanche. Il est fou pour qui que ce soit de soutenir l'extraction et le transport d'un des carburants les plus sales de la terre, a-t-il ajouté. Au-delà de l'impact sur les émissions de gaz à effet de serre, les associations écologistes étaient hostiles au projet en raison des risques de fuite et parce que la séparation du pétrole brut des sables bitumineux est particulièrement énergivore. Sans surprise, les républicains ont dénoncé avec force cette décision. Il est de plus en plus clair que le président préfère apaiser (...) des extrémistes que d'aider des dizaines de milliers d'Américains qui auraient pu bénéficier des bons emplois de Keystone, a réagi le chef de la majorité sénatoriale, Mitch McConnell. Lorsque je serai président, Keystone sera approuvé et nous mettrons fin aux politiques énergétiques d'un autre âge du président Obama, a de son côté déclaré le sénateur Marco Rubio, candidat républicain à la présidence. Longtemps appuyés par le gouvernement Harper, les républicains soulignent sans relâche que le transport par oléoduc est plus sûr que par chemin de fer et qu'il est préférable d'importer du brut canadien que du pétrole du Golfe, du Venezuela ou d'autres pays moins amis.
Les rapports Canada-USA plus vastes qu'un seul projet Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a regretté vendredi la décision américaine de rejeter le projet d'oléoduc Keystone XL en souhaitant un nouveau départ aux relations entre les Etats-Unis et le Canada, plus vastes qu'un seul projet. Les rapports entre le Canada et les Etats-Unis sont beaucoup plus vastes qu'un seul projet et je suis impatient de rencontrer le président (Barack) Obama très prochainement, a déclaré M. Trudeau. Le Premier ministre a promis un nouveau départ entre les deux pays pour renforcer nos liens remarquables dans un esprit d'amitié et de collaboration. Le nouveau Premier ministre canadien était en faveur du projet, mais son approche était plus souple que celle du précédent gouvernement conservateur, défenseur inconditionnel des oléoducs pour désenclaver la production de pétrole de la province de l'Alberta, troisième réserve mondiale d'or noir. Nous sommes désolés de cette décision mais respectons le droit des Etats-Unis à prendre celle-ci, a déclaré M. Trudeau, en fonction depuis 48 heures. Les Canadiens souhaitent, a-t-il poursuivi, un gouvernement auquel ils peuvent faire confiance (pour) la protection de l'environnement, tout en étant capable de stimuler l'économie. Le gouvernement du Canada travaillera de concert avec les provinces, territoires et les pays partageant nos vues en la matière afin de combattre le changement climatique, de s'adapter aux conséquences qui en découlent et de créer les emplois verts de demain, a-t-il conclu.
TransCanada envisage de déposer une nouvelle demande TransCanada, l'opérateur de l'oléoduc Keystone XL, a annoncé vendredi examiner ses options après le rejet américain de l'oléoduc transfrontalier entre le Canada et les Etats-Unis, et envisage le dépôt d'une nouvelle demande. L'entreprise examinera toutes ses options en réponse au refus du permis du Keystone XL, a indiqué l'opérateur après l'annonce de Barack Obama de rejeter le projet. Parmi ces options, TransCanada va étudier le dépôt d'une nouvelle demande pour obtenir le permis présidentiel (américain) pour un oléoduc entre le Canada et les Etats-Unis. TransCanada et ses clients, les compagnies pétrolières, restent absolument déterminés à construire cet important projet d'infrastructure énergétique, a déclaré Russ Girling, P-DG de TransCanada, cité dans un communiqué.
Déception mesurée pour Trudeau, jubilation des écologistes Après le rejet américain de l'oléoduc transfrontalier Keystone XL, le nouveau Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a affiché une déception mesurée, préférant parier sur une relance des relations canado-américaines. Les écologistes ont jubilé et la société TransCanada promettait de déposer une nouvelle demande. Les pétroliers ont assuré trouver de nouveaux moyens pour envoyer le brut vers les Etats-Unis.
Voici les principales réactions: - Justin Trudeau, Premier ministre: nous sommes désolés de cette décision mais respectons le droit des Etats-Unis à prendre celle-ci. Les rapports entre le Canada et les Etats-Unis sont beaucoup plus vastes qu'un seul projet et je suis impatient de rencontrer le président (Barack) Obama très prochainement pour un nouveau départ afin de renforcer nos liens remarquables dans un esprit d'amitié et de collaboration. - Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères: nous aurions été heureux s'ils (les Américains) avaient été d'accord avec le projet mais il ne le sont pas et c'est leur décision... Nous croyons au développement mais il doit être durable, y compris pour les sables bitumineux. C'est un défi que nous relèverons avec l'industrie, l'Alberta et tous ensemble. Nous n'avons pas le choix. - Rachel Notley, Première ministre de l'Alberta: cette décision met en lumière la nécessité d'améliorer notre bilan environnemental et, par conséquent, notre réputation. Nous pourrons de cette façon atteindre notre but qui est d'étendre l'infrastructure énergétique du Canada, y compris les oléoducs, vers de nouveaux marchés. Le Canada peut devenir une source mondiale d'énergie encore plus responsable sur le plan de l'environnement et l'Alberta va faire en sorte que cela se produise en partenariat avec le nouveau gouvernement fédéral. - Russ Girling, P-DG de TransCanada, promoteur du projet: nous sommes déçus de la décision du président (Barack Obama) de refuser la demande de permis pour Keystone XL. La rhétorique a eu raison de la raison... TransCanada va examiner toutes ses options en réponse au refus du permis du Keystone XL, y compris le dépôt d'une nouvelle demande pour obtenir le permis présidentiel... TransCanada et ses expéditeurs (les compagnies pétrolières) restent absolument déterminés à construire cet important projet d'infrastructure énergétique. - Association canadienne des producteurs de pétrole: nous trouverons de nouveaux accès aux marchés américains. Keystone XL méritait d'être approuvé sur la base de ses avantages environnementaux, économiques et sur le plan de la sécurité énergétique. - Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada: le message lancé aujourd'hui par le président Obama devrait inspirer notre nouveau Premier ministre: la lutte contre les changements climatiques est incompatible avec l'expansion des sables bitumineux (de l'Alberta). L'opposition aux projets d'oléoducs grandit à chaque jour et tout plan climatique qui ne tiendra pas compte de la nécessité de réduire les émissions de carbone issues des sables bitumineux sera voué à l'échec. M. Trudeau a la grande responsabilité de mener à bien la transition énergétique du Canada vers une économie basée à 100% sur les énergies renouvelables d'ici 2050.
Le projet d'oléoduc Keystone XL L'oléoduc Keystone XL devant relier le Canada aux Etats-Unis a été rejeté vendredi par le président américain Barack Obama après des années de tergiversations. Voici les paramètres clés du projet avorté.
Qu'est-ce que Keystone XL ? C'est un projet d'extension de l'oléoduc Keystone, construit par le groupe canadien TransCanada, qui relie déjà la province canadienne de l'Alberta à des terminaux pétroliers dans l'Illinois. En 2008, TransCanada présente le projet d'un oléoduc de 91 centimètres de diamètre, Keystone XL, destiné à relier plus rapidement l'Alberta au Texas, via une portion aboutissant dans le Nebraska, d'où d'autres lignes transportent le brut jusqu'aux raffineries du Golfe du Mexique. Le tracé de cette extension mesure 1.897 km de Hardisty, dans l'Alberta, jusqu'à Steele City, dans le Nebraska (529 km au Canada, 1.351 km aux Etats-Unis). Il traverse la frontière au niveau du Montana. Des extensions, déjà construites, relient Steele City à Cushing, dans l'Oklahoma, et au final Nederland, au Texas.
Pourquoi l'oléoduc a suscité la controverse? Le tracé initial posait un risque de fuites, selon les opposants, pour les réserves naturelles de Sand Hills dans le Nebraska, et TransCanada a soumis en mai 2012 un nouveau tracé. Les écologistes ont également critiqué le type de pétrole potentiellement acheminé: les sables bitumineux de l'Alberta nécessitent une extraction énergivore et productrice d'un grand volume de gaz à effet de serre. Un rapport du département d'Etat avait conclu en janvier 2014 que l'existence de l'oléoduc en soi n'aurait pas d'impact environnemental majeur, puisque même s'il n'était pas construit, les sables seraient vraisemblablement de toutes façons extraits au Canada, pour être exportés ailleurs qu'aux Etats-Unis.
Retombées économiques En janvier 2014, le département d'Etat avait aussi indiqué que Keystone XL pouvait créer environ 42 100 emplois directs et indirects annuels aux Etats-Unis pendant les deux années de la construction, dont 3 900 emplois directs liés au chantier. Barack Obama, en juillet 2013, avait quant à lui relevé que Keystone XL ne créerait que 50 emplois permanents. Le président américain a répété vendredi que le projet n'aurait pas véritablement encouragé l'emploi aux Etats-Unis.
Dépendance énergétique Selon TransCanada, le projet, en permettant de transporter 830 000 barils de brut par jour du Canada vers les raffineries du Golfe du Mexique, aurait permis de réduire la dépendance énergétique américaine de 40% envers le Venezuela et le Moyen-Orient. Les opposants assuraient en revanche que Keystone n'aurait eu aucun impact sur l'autonomie énergétique des Etats-Unis, car la majorité du pétrole acheminé vers les raffineries aurait en réalité été exporté vers l'Europe et l'Amérique Latine.
Sécurité Selon TransCanada, l'acheminement de pétrole via des oléoducs souterrains est bien plus sûr que le transport maritime ou ferroviaire. La société a ainsi affirmé que 4,6 millions de kilomètres d'oléoducs transportaient quotidiennement 99,9998% du pétrole et du gaz naturel à travers les Etats-Unis de manière sûre et fiable. Le projet Keystone XL prévoyait d'équiper l'oléoduc de 21 000 radars capables de fournir des rapports toutes les cinq secondes par satellite et d'isoler des tronçons présentant des problèmes en quelques minutes grâce à des vannes actionnées à distance. Les opposants n'ont cessé de rappeler que Keystone avait connu une douzaine de fuites dès sa première année d'exploitation, dont près de 80 000 litres dans le Dakota du Nord.