Une semaine après les attentats de Paris, les Etats européens, dans le sillage de la France, ont estimé hier à Bruxelles que l'Europe avait trop perdu de temps et qu'elle devait prendre des décisions urgentes pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Les ministres européens de l'Intérieur et de la Justice, réunis lors d'un Conseil extraordinaire de l'UE, ont appelé à un renforcement des contrôles aux frontières européennes extérieures et à la mise en place urgente d'un fichier de données européen des passagers aériens (PNR). Nous souhaitons que l'Europe, qui a trop perdu de temps sur un certain nombre de questions qui relèvent de l'urgence, prenne aujourd'hui les décisions qui s'imposent, a plaidé M. Cazeneuve à son arrivée à cette réunion convoquée à la demande de la France, après les attentats qui ont fait 129 morts à Paris il y a une semaine. Nous avons trop perdu de temps, a également déclaré le ministre espagnol de l'Intérieur Jorge Fernandez Diaz, plaidant pour des contrôles aux frontières extérieures qui garantissent la sécurité pour que l'on puisse maintenir la liberté de circulation à l'intérieur de l'espace Schengen de libre-circulation, de plus en plus remis en question. La France insiste notamment pour que le projet d'un PNR, longtemps bloqué par des réticences du Parlement européen, soit adopté dans les meilleurs délais et avec un contenu qui le rende efficace. Il faut aussi un renforcement considérable des contrôles aux frontières extérieures de l'UE, par une montée en puissance des moyens de Frontex, l'agence européenne spécialisée, a déclaré M. Cazeneuve. Il a notamment jugé essentiel d'avoir la possibilité au moment du passage (d'un voyageur) d'interroger le système d'information Schengen (SIS, une base de données européennes), parce que c'est la seule possibilité avec le PNR d'établir la traçabilité du retour des terroristes et de pouvoir les neutraliser avant qu'ils agissent. Ces demandes devraient être approuvées sans difficulté par tous les autres Etats réunis vendredi en Conseil de l'UE, selon une source européenne. Le Conseil devrait inviter la Commission européenne à présenter une proposition pour une révision ciblée de l'article 7 du Code Schengen, lequel réserve aujourd'hui les contrôles systématiques aux frontières extérieures aux ressortissants d'Etats tiers, selon les conclusions qui devraient être adoptés à la mi-journée par les ministres. On doit savoir qui se trouve dans l'espace Schengen, a appuyé le ministre néerlandais de la Justice, Ard Van der Steur. Il y a un lien très clair entre la sécurité aux frontières extérieures de l'UE, et la sécurité à l'intérieur de l'UE, a également estimé la ministre britannique de l'Intérieur Theresa May, dont le pays ne fait pas partie de l'espace Schengen. Le Conseil de l'UE va également se prononcer vendredi pour un durcissement du contrôle des armes à feu et de leurs trafics, en appuyant les récentes propositions législatives de la Commission en la matière. Alors que l'enquête sur les attentats de Paris a révélé des failles dans le partage d'informations entre Européens, le Commissaire européen chargé des Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, a proposé de son côté la création d'une Agence européenne du renseignement. Nous ne devrions pas gaspiller notre énergie sur une Agence européenne de renseignement. Je ne peux pas imaginer qu'on puisse renoncer à notre souveraineté nationale en la matière, a toutefois rapidement réagi le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière. Les pays européens doivent faire encore plus équipe, être moins jaloux des informations dont ils disposent, partager les informations, a déclaré de son côté le ministre italien de l'Intérieur, Angelino Alfano.
Création d'une Agence européenne du renseignement Le Commissaire européen chargé des Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, a proposé la création d'une Agence européenne du renseignement après les attentats de Paris qui ont mis en lumière des failles dans la coopération entre services secrets. Après les attentats de Charlie Hebdo (en janvier à Paris, ndlr), j'avais proposé - et cela a été fait - de créer un centre antiterroriste au sein d'Europol, l'agence européenne de coopération policière basée à La Haye, a rappelé le commissaire à son arrivée à une réunion extraordinaire des ministres européens de l'Intérieur et de la Justice convoquée après les attentats de Paris. Mais je crois qu'il est temps de faire un pas supplémentaire en avant et de créer la base d'une Agence européenne du renseignement, a-t-il plaidé. Il faut que notre coopération soit basée sur la confiance et l'efficacité, a insisté M. Avramopoulos. La création d'une telle agence, une sorte de FBI à l'européenne, ne peut avoir lieu sans un changement des traités, puisque le renseignement est par excellence un domaine relevant de la souveraineté nationale. Le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière, a immédiatement étouffé le projet dans l'œuf: Nous ne devrions pas gaspiller notre énergie sur une Agence européenne de renseignement. Je ne peux pas imaginer qu'on puisse renoncer à notre souveraineté nationale en la matière, a-t-il réagi. Nous devrions plutôt nous concentrer sur l'amélioration de l'échange d'informations entre des institutions déjà existantes. C'est là qu'on peut avoir un vrai gain en termes sécuritaires, a avancé le ministre allemand. Les ministres de l'Intérieur et de la Justice des 28 pays de l'UE doivent pousser vendredi à un renforcement de la lutte contre le trafic d'armes, à une révision rapide des règles de l'espace Schengen --afin que les contrôles systématiques aux frontières extérieures de l'UE puissent désormais aussi concerner les ressortissants européens--, et faire le point sur les négociations sur le fichier européen de passagers aériens (PNR).