Engagée dans la défense intransigeante de ses parts de marché, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pourrait maintenir en l'état son plafond de production lors de sa réunion vendredi à Vienne, quitte à voir les prix s'enfoncer davantage. D'après la plupart des analystes, l'organisation devrait ainsi répéter sa décision de juin et s'abstenir de baisser son quota théorique de production, même si, ce faisant, elle contribuerait à l'excès d'offre qui pèse sur le marché. Les cours ont récemment chuté à proximité de leurs plus bas niveaux depuis six ans et demi. Les ministres des 12 pays de l'Opep et de l'Indonésie, qui va faire son retour au sein du club, se rassembleront au moment où les dirigeants de la planète négocient à Paris un accord en vue de limiter le réchauffement climatique. Mais davantage que les gaz à effet de serre dont l'industrie pétrolière est grande émettrice, les responsables du cartel devraient surtout parler production et cours du brut, qui ont chuté de 60% depuis juin 2014... en partie du fait de l'offensive commerciale des membres du cartel eux-mêmes, Arabie saoudite en tête, qui inondent le marché d'or noir pour contrer l'essor des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis. Selon une estimation de l'agence Bloomberg, les membres de l'Opep ont pompé 32,12 millions de barils par jour (mbj) en moyenne en novembre, au-delà de son plafond théorique de 30 mbj. Ryad, qui a longtemps répété qu'il fallait laisser le marché agir, semble néanmoins infléchir quelque peu son discours et se dit prête à coopérer avec les producteurs membres ou non membres du cartel pour stabiliser les prix. A son arrivée à Vienne mardi, le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, a assuré que la réunion aborderait tous les sujets et que son résultat n'était pas arrêté. Reste que selon des experts, les pays du Golfe n'accepteront de réduire leur production que si les producteurs extérieurs au cartel s'engagent dans cette voie, d'autant que ces derniers sont les principaux responsables de la récente hausse de la production mondiale, d'après un rapport de l'Agence internationale de l'énergie. La Russie a ainsi pompé de l'or noir comme jamais depuis la chute de l'URSS en octobre et pris la place de première productrice mondiale devant l'Arabie saoudite, qui reste toutefois la première exportatrice. Face à une consommation mondiale mitigée, ce flot de pétrole contribue à élever les stocks des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au niveau record de 3 milliards de barils fin septembre, contribuant à la déprime des cours.
Levée des sanctions contre l'Iran Dans ce contexte, l'Opep n'a pas l'intention de réduire sa production unilatéralement, sans l'implication des pays hors-Opep, notamment la Russie et la Norvège, préviennent les analystes de Commerzbank. Et ce malgré les critiques grandissantes que l'Arabie saoudite subit d'autres membres du cartel, comme le Venezuela et l'Algérie, dont les finances publiques souffrent de la chute des revenus pétroliers. Si l'Arabie saoudite veut que la stratégie dans laquelle elle s'est embarquée il y a un an fonctionne, il ne serait guère pertinent de faire volte-face au moment où les conséquences des prix bas du pétrole se font sentir sur les investissements des pays non membres de l'Opep et même des membres plus faibles du cartel, commentent Abhishek Deshpande et William Lapworth, experts chez Natixis. Cette stratégie est en effet confortée par la baisse récente de la production américaine et par le repli attendu dans plusieurs autres pays, que ce soit pour des raisons internes, comme en Russie (sous-investissement chronique et impact négatif des sanctions occidentales), ou du fait de la guerre des prix sur le marché pétrolier, abonde Christopher Dembik, de Saxo Banque. De surcroît, le cartel ne devrait pas être incité à céder du terrain avec l'augmentation prévue de la production libyenne et le retour sur le marché de l'Iran, qui prévoit d'augmenter sa production sitôt levées les sanctions internationales en janvier.