Volkswagen entame aux Etats-Unis à l'occasion du salon automobile de Detroit une offensive de charme pour tenter de contenir le scandale des moteurs diesel truqués qui pourrait lui coûter des milliards de dollars. Lors de ce 28e salon dans la capitale de l'automobile américaine, ses pairs auront à cœur de dévoiler leurs modèles rugissants et innovants. Mais Matthias Müller, dont c'est le premier voyage aux Etats-Unis depuis qu'il a pris en urgence les commandes de VW en septembre, devra, lui, convaincre que le groupe de Wolfsburg a encore un bel avenir américain. "Vais-je m'agenouiller? Je ne pense pas", a-t-il souri le mois dernier devant des journalistes, ajoutant sur un ton plus sérieux qu'il allait présenter ses excuses. Il escompte aussi tourner la page et "regarder de l'avant avec optimisme et confiance". Du passé, le groupe ne fera toutefois pas table rase puisque M. Müller s'est engagé à ce qu'un tel scandale "ne se reproduise pas". Le dirigeant reprend ainsi les recettes de Mary Barra, la P-DG de General Motors (GM), dont le règne a débuté en 2014 par un retentissant rappel tardif de 2,6 millions de véhicules équipés d'un commutateur d'allumage défectueux mis en cause dans des accidents ayant fait 124 décès et des centaines de blessés. GM s'en est tiré avec "seulement" une amende de quelque 900 millions de dollars après que Mme Barra eut fait un mea culpa public et décrété que le risque zéro était dorénavant la norme en matière de sécurité automobile. Un premier procès dans cette affaire est prévu le 11 janvier. M. Müller aura une première occasion de faire amende honorable lorsqu'il présidera dimanche un raout médiatique à Detroit. A sa demande, il rencontrera ensuite mercredi à Washington Gina McCarthy, la chef de l'agence environnementale américaine (EPA) qui dirige l'enquête sur les logiciels truqueurs. Aucun rendez-vous n'a encore été officiellement annoncé avec des responsables du département de la Justice, qui a décidé de poursuivre cette semaine le groupe et ses marques haut de gamme Porsche et Audi pour avoir équipé 600 000 véhicules diesel d'un logiciel ayant permis de fausser les tests antipollution américains. Le ministère leur réclame au moins 20 milliards de dollars, soit jusqu'à 37 500 dollars pour chaque véhicule affecté et au moins 2 750 dollars par logiciel installé.
Montagne juridique De telles poursuites se soldent la plupart du temps par un accord moins coûteux. Ce fut le cas en 2003 pour Toyota, dont 2,2 millions de voitures étaient visées pour avoir violé les lois antipollution américaines. Le groupe nippon avait écopé d'une pénalité de 34 millions de dollars, alors que 58 milliards étaient demandés au départ. Depuis, la législation a été durcie et VW n'a toujours pas trouvé une solution de remise aux normes, avertissent les experts. "La plainte est une piqûre de rappel pour dire que VW n'a pas encore résolu ses problèmes d'émissions", résume Goldman Sachs dans une note. "Les discussions sur un rappel n'ont produit pour l'instant aucun résultat acceptable", déplore Cynthia Giles, une responsable de l'EPA. Les lois environnementales américaines sont beaucoup plus strictes que les européennes: Sur le Vieux Continent, VW assure qu'une simple mise à jour de logiciel suffira pour une partie des 8,5 millions de voitures concernées, avec ajout d'une pièce de plastique pour d'autres, soit "moins d'une heure" de travail. Aux Etats-Unis, il songe à racheter 115 000 véhicules à leurs propriétaires, et effectuerait de profonds ajustements sur les autres, rapporte le journal allemand Süddeutsche Zeitung. Plus d'un demi-millier de recours judiciaires en nom collectif (class action) ont déjà été déposés devant des tribunaux américains. Face à cette montagne juridique, VW a fait appel à l'avocat de renom Kenneth Feinberg, connu pour avoir supervisé les fonds d'indemnisation de GM et aussi de BP dans le scandale de la marée noire de 2010 dans le Golfe du Mexique. "Le temps passant, les consommateurs et les clients de VW en particulier risquent de s'impatienter", estime Eric Lyman analyste chez TrueCar. L'impact sur les ventes a été jusqu'ici limité puisque Volkswagen, qui a une part de marché de 3% aux Etats-Unis, n'a enregistré qu'un recul de 5% de ses ventes en 2015. Mais il a été suffisant pour lui coûter le titre de premier constructeur mondial qu'il voulait ravir à Toyota.
Manque de coopération Les ministres de la Justice de deux Etats américains ont dénoncé vendredi le manque de coopération du constructeur automobile allemand Volkswagen dans les enquêtes menées sur le scandale des moteurs diesel truqués. Notre patience a des limites, a tonné le ministre de la Justice de l'Etat de New York, Eric Schneiderman, dans un communiqué. En dépit des communiqués publics promettant une coopération et exprimant le souhait de mettre un terme aux différentes investigations qui le visent (...), Volkswagen résiste, en réalité, à la coopération en invoquant le droit allemand, a ajouté son homologue du Connecticut, George Jepsen, dans un courriel envoyé. Dans son communiqué, M. Schneiderman accuse le deuxième constructeur mondial de se réfugier derrière la loi allemande pour refuser de remettre à la justice des emails et autres communications de ses dirigeants. Le groupe n'a pas tout fait pour surmonter les obstacles liés à la loi allemande sur la vie privée qui empêcherait, selon lui, de transmettre les fichiers des emails de ses dirigeants en Allemagne, a-t-il dit. Dénonçant une coopération incomplète, le ministre a également assuré que VW jouait la montre en tardant à remettre des documents venant de ses dossiers américains et en repoussant ses réponses dans l'attente d'une enquête interne qui pourrait prendre plusieurs mois. C'est le genre de choses qu'on attend davantage d'une entreprise dans le déni que d'une entreprise qui cherche à se débarrasser d'une culture de la tromperie, a assuré M. Schneiderman. Le constructeur allemand a réagi de manière très lapidaire en affirmant coopérer étroitement avec les autorités américaines. Nous ne pouvons pas commenter sur une enquête en cours, a ajouté un porte-parole du groupe aux 12 marques. 48 des 50 Etats américains mènent leurs propres investigations, selon une source proche du dossier. Le ministère fédéral de la Justice a, de son côté, engagé des poursuites civiles contre Volkswagen et pourrait lui réclamer une pénalité minimale de quelque 20 milliards de dollars. Ces accusations sont rendues publiques alors que le patron de Volkswagen Matthias Müller, qui se trouve aux Etats-Unis pour le salon automobile de Detroit, doit rencontrer la semaine prochaine la chef de l'Agence environnementale américaine (EPA) qui a fait éclater le scandale des moteurs truqués. Volkswagen a reconnu au total avoir installé des logiciels truqueurs dans 11 millions de voitures dans le monde, un scandale qui a fait fondre sa capitalisation boursière et conduit au départ de son patron.
Premier recul de ses ventes mondiales depuis 2002 Les ventes du groupe automobile allemand Volkswagen, qui a massivement truqué des moteurs diesel, ont reculé de 2% sur un an dans le monde l'an dernier, et celles de sa marque phare Volkswagen même de 5%. C'est le premier recul des ventes du groupe depuis 13 ans. Le groupe, maison mère également d'Audi, Skoda ou encore Porsche, a vendu 9,93 millions de véhicules en 2015, repassant sous la barre des 10 millions, franchie pour la première fois l'année précédente, selon des chiffres publiés vendredi. Le recul des ventes mondiales est de 5% sur le seul mois de décembre, selon ces chiffres, qui portent la marque du scandale des moteurs truqués, mais aussi du ralentissement du marché chinois et de l'écroulement des ventes en Russie et au Brésil (-37% et -38% respectivement sur l'année). La marque Volkswagen quant à elle a écoulé 5,82 millions de voitures dans le monde l'année dernière, avec un recul de 5% sur le marché chinois et du même ordre aux Etats-Unis, selon ces chiffres. Au seul mois de décembre la baisse est de 8%, dont un recul de 9% aux Etats-Unis, marché où le "diesel-gate" a éclaté, et de 5% en Europe. Le dernier recul des ventes de la marque datait de 11 ans.
Année pleine de défis "Presque 10 millions de voitures vendues, c'est un résultat excellent au regard d'une situation difficile dans certaines régions et de la thématique du diesel au dernier trimestre", s'est consolé dans un communiqué le patron du groupe Matthias Müller. Il avait déjà officiellement enterré il y a quelques semaines l'objectif de détrôner Toyota comme numéro un mondial des ventes, qui l'a animé pendant des années. L'année qui démarre tout juste sera aussi pleine de défis, a reconnu M. Müller, évoquant "la situation qui reste différenciée sur les marchés mondiaux" et la nécessité de "nous rendre plus performants pour un avenir plein de succès".
Aucun rachat de véhicules diesel truqués en Allemagne Le constructeur automobile Volkswagen a indiqué vendredi exclure tout rachat de véhicules diesel équipés de moteurs truqués en Allemagne, rejetant l'appel d'une association de consommateurs, contrairement aux Etats-Unis où cette solution est de plus en plus fréquemment suggérée. Le géant de l'automobile ne voit "aucune raison" pour un rachat des voitures diesel dotées du logiciel truqueur en Allemagne, a déclaré Enrico Beltz, un porte-parole du groupe basé à Wolfsburg (nord). Le constructeur réagissait à une demande d'une association de consommateurs, publiée vendredi dans la presse régionale allemande. Le rachat des véhicules concernés constitue "une solution rapide et pragmatique pour beaucoup d'automobilistes", avait martelé Klaus Müller, le président de la fédération nationale des associations de consommateurs (vzbv). "Volkswagen pourrait faire amende honorable en faisant à ses clients allemands et européens une offre aussi attrayante qu'à ses clients américains", avait ajouté M. Müller. Le mastodonte aux douze marques s'attend à devoir racheter à leurs propriétaires un véhicule au moteur truqué sur cinq aux Etats-Unis, soit environ 115 000 voitures, avait rapporté jeudi la presse allemande, une information que Volkswagen n'a pas souhaité commenter. Le groupe "est en pourparlers avec les autorités américaines" mais "rien n'est encore décidé" à ce stade, a déclaré M. Beltz vendredi. Volkswagen a avoué en septembre avoir installé dans le moteur diesel de 11 millions de voitures dans le monde un logiciel permettant de fausser les résultats des tests antipollution. En Europe, Volkswagen va procéder à une remise aux normes des moteurs à partir de ce mois-ci, au moyen d'une manipulation du logiciel ou de l'installation d'une pièce sur le moteur. L'opération, peu complexe, devrait nécessiter une intervention de moins d'une heure chez le garagiste et coûter au total environ 500 millions d'euros au constructeur pour quelques 8,5 millions de véhicules équipés du logiciel truqueur, dont 2,4 millions en Allemagne. En revanche, pour les Etats-Unis, pays où le scandale a éclaté et où les normes sont plus strictes sur les émissions concernées d'oxydes d'azote (NOx), le groupe n'a pas encore dévoilé sa solution qui remédiera au problème sans affecter la performance des moteurs ou la consommation des quelques 580 000 véhicules affectés. A mesure que le temps passe sans présentation d'une solution technique, l'hypothèse d'un rachat pur et simple de certains véhicules gagne en crédibilité. Début novembre, Volkswagen avait annoncé une compensation de 1 000 dollars par voiture pour les automobilistes américains affectés par la tricherie, et une assistance gratuite de trois ans en cas de panne, mais avait alors refusé d'étendre cette indemnisation aux clients européens.