En Allemagne, pionnier de la transition énergétique, les renouvelables représentent maintenant un tiers de la consommation d'électricité, mais les acteurs du secteur n'y voient pas matière à célébrer et s'inquiètent d'un rythme d'installation de moins en moins soutenu. La part des renouvelables - éolien, solaire, biomasse et hydroélectricit é - dans la consommation de courant est passée à 32,5% en 2015, contre 27,3% l'année précédente, selon les chiffres publiés jeudi par le think tank Agora Energiewende, spécialis é dans l'analyse de la transition énergétique. En 2010, cette part était encore de 17%, et de 6,5% en 2000. 2015 entrera dans l'histoire comme l'année au cours de laquelle les renouvelables ont dominé de loin le système électrique, a comment é Agora. En termes de production d'électricité, la part des renouvelables, pointe maintenant à 30%. Néanmoins le charbon lui vole toujours la vedette, avec une part cumulée de 42% pour le lignite et la houille. L'Allemagne, qui va fermer toutes ses centrales nucléaires d'ici à 2021, a pris le virage des renouvelables à la fin des années 1990, en subventionnant abondamment ces énergies propres et leur accordant la priorité dans l'alimentation du réseau. Le pays a renforc é ses efforts après la catastrophe de Fukushima en 2011, la chancelière Angela Merkel faisant de la transition énergétique un chantier clé de ses gouvernements successifs. INSTALLATIONS EN FORTE BAISSE La part des énergies propres doit passer à 50% de la consommation d'électricité en 2030, et 80% en 2050. L'objectif pour 2020 de 35%, est déjà à portée de main. Mais dans un effort pour limiter des coûts qui s'emballaient - le subventionnement des renouvelables se retrouve au final sur la facture de particuliers et entreprises -, Berlin a commencé à réduire les subventions. Objectif: amener les renouvelables à trouver leur place sur le marché alors que le temps du soutien au développement des technologies est révolu, expliquait juste avant Noël Rainer Baake, secrétaire d'Etat à l'Energie. Les effets se sont fait sentir en 2015: le niveau des nouvelles capacités installées devrait avoir sensiblement diminué par rapport à l'année précédente, anticipe la fédération des énergies renouvelables BEE, notamment dans le solaire et la biomasse, premières victimes des coupes. Oui, globalement le marché du solaire se porte mal, confirme Holger Freyer, patron de Solarwerkstatt, un installateur berlinois de panneaux solaires. Son entreprise est spécialisée sur le créneau des maisons particulières, qui résiste parce que pour les gens, le calcul vaut le coup: le courant qu'on produit sur son toit est moins cher que celui qui sort de la prise, explique-t-il. Il a maintenu l'an dernier son chiffre d'affaires stable mais du côté des opérateurs de grands parcs éoliens, qui ne bénéficient plus du prix d'achat garanti qui a longtemps été la norme, c'est la dégringolade, dit-il. DENUEE D'AMBITION Pour Niklas Schinerl, de Greenpeace, les chiffres record (de production) de 2015 reposent uniquement sur le développement soutenu (des capacit és) en 2014. Mais depuis, la politique dénuée d'ambition du gouvernement a freiné la transition énergétique, déplore-t-il. En outre, la transition énergétique est trop limitée au secteur de l'électricité, critique Hermann Falk, directeur de la fédération BEE, qui déplore que le potentiel dans le chauffage et les transports reste largement inexploité. Egalement dans le collimateur des acteurs des renouvelables, l'attachement de Berlin au charbon polluant. Le débat sur la fermeture de centrales au charbon a duré toute l'année dernière, les craintes pour l'emploi dans les régions concernées pesant fort dans la balance. Finalement seules une douzaine de centrales seront fermées à moyen terme, alors qu'il faudrait un vrai calendrier du retrait du marché de toutes les centrales, plaide M. Falk, à l'heure où la décarbonisation de l'économie est sur toutes lèvres, quelques semaines après la conférence COP21. Pour M. Freyer de Solarwerkstatt, la transition énergétique allemande va vraiment très lentement. Si vraiment il y avait une volonté politique derrière, cela avancerait plus vite, croit-il.