Les banques américaines Citigroup et Wells Fargo ont ravivé vendredi les craintes des marchés financiers sur les dégâts causés par le plongeon du pétrole sur le secteur financier en annonçant d'importantes provisions. Citigroup, qui réduit la voilure pour être moins dépendante des soubresauts des Bourses, a dû puiser 250 millions de dollars dans ses réserves pour couvrir les impayés des entreprises énergétiques. Les pertes "pourraient doubler" si le pétrole descendait à 25 dollars le baril et y restait pendant un an, a averti John Gerspach, le directeur financier. Wells Fargo, premier fournisseur de prêts aux Etats-Unis, a pour sa part enregistré une perte de 90 millions de dollars liée à l'énergie. La banque de San Francisco détient également pour 114 millions de dollars de prêts dont l'échéance de remboursement a dépassé 90 jours, contre 47 millions il y a un an. "Il faut du temps pour évaluer toutes les pertes (...) nous attendons à des pertes plus importantes au vu du prix du pétrole", a averti le directeur financier John Shrewsberry. A Wall Street, le titre Wells Fargo chutait de 4,44% à 48,39 dollars vers 17H30 GMT, tandis que Citigroup plongeait de 7,38% à 42,04 dollars.
Pas suffisant Pour se protéger "d'une détérioration continue dans le secteur énergétique", Wells Fargo a augmenté ses réserves, explique Mike Loughlin, le responsable des risques. La banque californienne a désormais mis de côté 214 millions de dollars et Citigroup 250 millions pour suppléer aux défauts de paiements du secteur énergétique. "Evidemment, la décision sur les réserves en 2016 va dépendre du niveau du prix du pétrole", prévient M. Gerspach. Ces annonces ont relégué en arrière-plan de gros bénéfices enregistrés en 2015: 23,03 milliards de dollars dont 5,71 milliards au quatrième trimestre pour Wells Fargo et 17,24 milliards dont 3,34 milliards lors des trois derniers mois pour Citigroup. "Ce n'est pas suffisant. On a l'impression qu'elles (banques) ne disent pas tout", estime Gregory Volokhine, gérant de portefeuille chez Meerschaert. La veille, Marianne Lake, la directrice financière de JPMorgan Chase, avait prévenu que la banque pourrait augmenter ses réserves jusqu'à 750 millions de dollars si le cours du pétrole restait à 30 dollars pendant un " long moment". Le plongeon continu des prix du brut fait craindre à la communauté financière que les compagnies d'exploration et de production pétrolière et gazière ne puissent plus être capables de rembourser leurs prêts. Fin octobre, Citigroup disait avoir une exposition d'environ 60 milliards de dollars au secteur énergétique, dont deux-tiers à des compagnies jugées solvables par les agences de notation. Wells Fargo affirme pour sa part détenir pour 17 milliards de dollars de prêts dans l'énergie dans son portefeuille. Depuis 2014, le prix du pétrole n'a pas arrêté de dévisser. Il était vendredi en dessous du seuil symbolique des 30 dollars, un plus bas depuis 2003. A ce niveau, environ 20% des compagnies d'exploration et d'extraction pétrolière et gazière américaines devraient faire faillite, calcule Gregory Volokhine. Au-delà des conséquences immédiates sur les bénéfices, la chute des prix du pétrole augure de difficiles tests de résistance en 2016. Il est plus que probable, selon des experts, que la Réserve fédérale (Fed) va chercher à évaluer l'impact d'un plongeon de 50 à 60% du prix du pétrole sur les portefeuilles de prêts accordés à l'énergie et celui des crédits dans les régions dépendant des revenus du pétrole. En 2015, la Fed s'était contentée de ne regarder que l'impact du pétrole moins cher sur les portefeuilles de courtage lors de son évaluation annuelle des banques détenant au moins 50 milliards d'actifs. Ces tests ont pour objectif de voir si ces établissements peuvent résister à un gros choc financier ou à une récession profonde. Jusqu'à présent, il s'est traduit par un satisfecit quasi général. "Le pétrole moins cher est certes mauvais pour les banques mais ne représente pas un risque systémique" comme le furent les "subprime", relative toutefois Gregory Volokhine. Outre le pétrole, le contexte ne plaide pas pour les banques: le ralentissement économique en Chine et en Amérique latine, anciens relais de croissance, et la baisse des taux longs aux Etats-Unis font planer des incertitudes supplémentaires sur leur rentabilité.