Les banques américaines Citigroup et Bank of America ont relancé jeudi les interrogations sur la validité de leur structure de banque universelle en faisant état de performances annuelles décevantes pour 2014. L'an dernier, l'une et l'autre ont gagné moins d'argent qu'attendu par les marchés et ont aussi dû faire face à de lourdes charges, ont-elles annoncé dans des communiqués distincts. Bank of America (BofA) a dégagé un bénéfice net annuel de 3,78 milliards de dollars, en chute de 62,4% sur un an. Quant à Citigroup, elle a engrangé un profit de 7,3 milliards de dollars, en baisse de 46,7% sur un an. Pis, les bénéfices ont été divisés par plus de sept à 350 millions de dollars au quatrième trimestre. La déception des marchés se traduisait par le décrochage des titres en Bourse. BofA lâchait 2,03% à 15,72 dollars et Citigroup 2,04% à 48,05 dollars vers 15H40 GMT/16h40 HEC.
Litiges et courtage BofA et Citigroup, bâties sur un modèle identique, ont également les mêmes problèmes: les litiges et le ralentissement des recettes générées par le courtage qui ont plombé leur activité. Le chiffre d'affaires annuel de la première a reculé de 5,2% sur un an à 84,2 milliards de dollars et celui de la seconde a fait du sur-place à 76,88 milliards de dollars (+0,66% sur un an). Le courtage a souffert d'une faible activité au premier semestre et de la forte volatilité au quatrième trimestre. Sur cette dernière période, BofA a enregistré une chute de 30% des recettes générées par le courtage d'obligations, actions, devises et matières premières, tandis que celles-ci ont reculé de 14% chez Citigroup. Les deux institutions paient aussi encore le prix de leurs errements ayant conduit à la crise. Sur le seul quatrième trimestre, Citigroup a inscrit une charge de 3,5 milliards de dollars dans ses comptes. BofA s'est distinguée pour sa part en écopant d'une amende record de 16,9 milliards de dollars à l'été pour éviter des poursuites judiciaires concernant des produits financiers complexes adossés aux "subprime" immobiliers. "Nous pouvons dire que nous avons résolu 98% des litiges les plus importants", a affirmé Bruce Thompson, le directeur financier, lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. Les deux banques se sont également acquittées de pénalités financières dans l'affaire des manipulations des marchés des changes. Citigroup, qui a décidé de réduire des bonus de traders, fait encore l'objet d'enquêtes des autorités sur les manipulations des taux de change et des taux d'intérêt Libor.
Scission ? Deux points positifs émergent cependant. Les provisions liées aux impayés de leurs débiteurs ont diminué comparé à il y a un an, alors qu'on redoute des défauts de paiements des sociétés énergétiques dans la foulée de la chute des prix du pétrole. Citigroup et BofA, qui ont été rappelées à l'ordre par la Réserve fédérale (Fed) sur les niveaux de leurs fonds propres, ont en outre continué à réduire leurs coûts. Mais dans l'ensemble, leurs performances relancent, selon les analystes, les questions sur la viabilité de leur modèle - banques universelles offrant une large gamme d'opérations allant du crédit à des interventions sur des marchés - et l'éventualité de les voir se scinder en différentes entités. "Nous avons examiné différents scénarios et sommes parvenus à la conclusion que ce qui importe c'est que nous offrions le meilleur retour sur investissement à nos actionnaires", répond le directeur financier de Citigroup, John Gersprach. Pour lui, Citigroup est une banque présentant une structure "vraiment simplifiée", après qu'elle eut cédé des actifs non stratégiques comme des cartes prépayées et en fermant des agences. Chez BofA, on met en avant les "bonnes synergies" entre la banque commerciale et la banque de financement et d'investissement ou encore entre la banque de détail et la gestion d'actifs. Les régulateurs américains, dont la Fed, privilégient depuis la crise une séparation entre la banque de détail et de dépôt, censée financée l'économie réelle, et les activités de marchés jugées plus risquées et spéculatives. Le succès de la banque californienne Wells Fargo, devenue plus grosse capitalisation bancaire de l'histoire, n'y est pas étranger. Elle est une banque de dépôt et de prêts classiques qui n'a que peu d'activités sur les marchés financiers, ce qui ne l'a pas empêchée de dégager un bénéfice net de 23,1 milliards de dollars l'an dernier, en hausse de 5%.