Le Parlement vénézuélien a rejeté vendredi l'état d'urgence économique décrété par le président Nicolas Maduro, signant le premier acte fort de l'opposition, désormais majoritaire à l'Assemblée, ce qui ouvre la voie à un nouveau blocage politique dans ce pays pétrolier. Le décret, instituant cet état d'urgence pour 60 jours dans un Venezuela en pleine crise économique, avait été pris par le dirigeant socialiste le 15 janvier mais devait être validé par les parlementaires. Nous rejetons le décret car c'est encore la même chose (...) La cause du problème c'est un modèle économique qui a failli, a déclaré le député d'opposition José Guerra, président de la commission spéciale chargée d'évaluer cette mesure. Peu avant le vote, le président Maduro avait réagi en accusant l'opposition de tourner le dos au Venezuela et de choisir la voie de la confrontation stérile. Son initiative se voulait une réponse à la situation critique du pays sud-américain, où pénuries au quotidien et inflation galopante suscitent un mécontentement populaire ayant profité à l'opposition lors du scrutin législatif du 6 décembre dernier. Le texte prévoyait notamment le recours par le gouvernement aux moyens des entreprises privées (transport, distribution) pour garantir l'accès aux aliments, médicaments et biens de première nécessité et le contrôle des changes. Comment peut-on voter pour un décret quand le gouvernement n'a même pas fourni les informations qui pourraient éventuellement parler en sa faveur?, s'était interrogé le président du Parlement, l'anti-chaviste Henry Ramos Allup, dans un entretien à la chaîne américaine CNN, jeudi soir. Ce serait totalement irresponsable de la part de l'Assemblée nationale d'approuver un décret de cette magnitude (...), à l'aveugle, sans aucune information, après que le gouvernement lui-même a renoncé à en donner, avait-il ajouté. Le député José Guerra a expliqué vendredi à la chaîne Globovision que l'opposition présenterait une série de propositions pour faire face, à sa manière, à la situation : notre intérêt est que cette crise se résolve, mais elle ne va pas se résoudre avec les politiques du gouvernement. L'opposition, mais aussi les syndicats et les milieux d'affaires, craignaient que le décret menace la propriété et l'entreprise privées, détruise le pouvoir d'achat et nuise à l'emploi, rejetant de manière globale la poursuite des mêmes stratégies inefficaces face à la crise.
La fin des pleins pouvoirs Pour le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), à la tête du pays depuis 1999, le temps des pleins pouvoirs semble bien fini et Nicolas Maduro devra s'habituer à un Parlement moins docile qu'avant. Le risque est toutefois de mener le pays à la paralysie politique, si les députés approuvent des mesures que le gouvernement chaviste (du nom du prédécesseur de Nicolas Maduro, le défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013) se refuse ensuite à appliquer. Jeudi, ce dernier a d'ailleurs donné un aperçu de sa capacité de résistance, annulant à la dernière minute l'intervention devant le Parlement de plusieurs ministres, qui devaient expliquer le décret présidentiel sur l'état d'urgence économique. Le chef du groupe du parti socialiste au pouvoir, Hector Rodriguez, a estimé que l'opposition voulait faire de la comparution des ministres un show médiatique, sans débattre avec sincérité des problèmes économiques. Mais l'opposition n'a pas cédé, les membres de la commission étudiant le décret refusant catégoriquement de mener cette séance sans la participation de la presse. Cette crise institutionnelle, après la victoire de l'opposition aux élections législatives de décembre, une première depuis 1999, se double d'une crise économique profonde. Selon la Banque centrale, en septembre 2015, l'inflation sur un an atteignait 141,5%, une des plus élevées au monde, et le PIB a diminué de 4,5% entre janvier et septembre, des chiffres catastrophiques, de l'aveu même du président. Dans ce pays aux plus vastes réserves de pétrole de la planète, mais plombé par la chute des cours du brut qui lui apporte 96% de ses devises, le déficit public devrait représenter cette année, selon des estimations de cabinets privés, 20% du PIB, lui-même prévu en recul de 8% par le Fonds monétaire international (FMI).