Ankara est de plus en plus isolé sur le dossier syrien. Les derniers événements en Syrie ont été fatals à la politique du président turc Recep Tayyip Erdogan. Non seulement ses projets tombés sont à l'eau, mais il s'est encore querellé avec ses alliés, affirme un média américain. Les erreurs du président turc Recep Tayyip Erdogan sur le dossier syrien, notamment sa lutte acharnée contre les Kurdes, ont fini par déboucher sur une querelle ouverte avec Washington, écrit le quotidien turc Today's Zaman. La politique de confrontation avec la Russie et les Kurdes syriens a mis la Turquie dans "une impasse mortelle", dont il lui sera difficile de sortir, a confié à Sputnik l'ancien ambassadeur turc Unal Cevikoz. La politique étrang ère de la Turquie repose sur une série de bavures qui l'ont mise dans une "impasse mortelle", a relevé M. Cevikoz. L'incident lié à l'avion russe abattu par la Turquie en novembre, poursuit-il, a placé les relations entre les deux pays au bord du gouffre. Ankara continue en outre à considérer les Kurdes syriens, épaulés par les Etats-Unis, comme une "organisation terroriste", ce qui constitue iné- vitablement une source de tensions avec leurs partenaires américains. Misant sur la chute de Bachar el-Assad et espérant un soutien permanent de la part des Etats-Unis, le président turc n'a pas pris en compte le risque de voir la situation se retourner contre lui, estime Public Radio International. Washington a longtemps cherché à renverser Assad par tous les moyens possibles. A cet effet, il apportait son soutien aux rebelles ou augmentait graduellement ses pressions lors des négociations au sein de l'Onu. Ce projet est actuellement remis en cause: l'offensive spectaculaire effectuée la semaine dernière sur Alep par les troupes gouvernementale syriennes avec l'appui de l'aviation russe a forcé les Etats-Unis à modifier leur attitude à l'égard de la crise syrienne. Erdogan appelle les Etats-Unis à adopter une position ferme sur la Syrie, à stopper l'opération russe et à ne pas laisser les rebelles d'Alep capituler définitivement, estime Josh Landis, directeur du Centre d'étude du Proche-Orient à l'université d'Oklahoma. "La Turquie se sent délaissée par les Etats- Unis et l'Europe", affirme le chercheur. Selon lui, tout porte à croire que Washington va tirer son épingle du jeu en Syrie, ce qui permettrait à la Russie de jouer un rôle clé dans le conflit et de créer dans la région une situation répondant à ses intérêts. "La Turquie est en colère, car elle a placé de grands espoirs dans les rebelles syriens. Elle était persuadée que les Etats-Unis la soutiendraient coûte que coûte dans ses tentatives de renverser Assad. Or, tout donne à penser que le président syrien parviendra à reconquérir son pays et à renforcer son pouvoir", estime l'expert américain. Dans un tel cas de figure, les Kurdes syriens - qui craignent Erdogan plus que toute autre chose - viendraient se placer sous la protection de Damas et accéderaient à un degré d'autonomie élevé, ce qui mettrait en péril le régime du président turc, conclut l'analyste. "LA TURQUIE EST DANS UNE IMPASSE MORTELLE" "La politique adoptée par la Turquie en Syrie a mis le pays dans une position difficile, et les chances d'une issue favorable approchent de zéro", a souligné l'ambassadeur. Selon lui, pour y remédier, la Turquie devrait restaurer ses relations avec la Russie et régler la question des réfugiés en créant des centres d'accueil supplémentaires à la frontière syrienne. "La Turquie est actuellement dans une impasse mortelle, c'est pourquoi elle cherche frénétiquement à rétablir ses anciens contacts avec les alliés d'hier et à obtenir un soutien politique de la part de l'Otan et des Etats-Unis. Cependant, ni l'Otan ni les Etats-Unis n'envisagent d'entrer en conflit avec la Russie", a expliqué M. Cevikoz. Et d'ajouter: "Les Kurdes constituent une partie non négligeable de la population syrienne. Ainsi, il est impossible de ne pas prendre ce facteur en compte, d'autant plus qu'Ankara s'enlise dans son propre conflit avec les Kurdes. La Turquie continuera à affronter le peuple kurde même au-delà de ses frontières tant qu'il y n'aura pas de règlement pacifique". Il y a quelques jours, M. Erdogan a vivement critiqu é Washington après que le représentant spécial de Barack Obama Brette McGurk a visité la ville syrienne de Kobané, contrô- lée par le Parti kurde de l'union démocratique (PYD). Le président turc a alors déclaré que les Etats-Unis devaient choisir entre la Turquie et les "terroristes de Kobané". Les journalistes du Today's Zaman ont réussi à établir que l'ambassadeur américain en Turquie John Bass avait demandé à Ankara de ne pas rendre publiques leurs divergences quant au Parti kurde de l'union démocratique. La position des Etats-Unis à l'égard des Kurdes syriens ne changera pas, avait-t-il soulign é, Washington les considé- rant comme l'une des forces les plus efficaces dans la lutte contre l'Etat islamique. Cependant, M. Erdogan a refusé de se plier à ces avertissements et a lancé un défi aux Etats-Unis, indique le quotidien. Ankara essaie depuis longtemps d'imposer aux autres participants des événements au Proche-Orient sa politique en Syrie. Un entêtement qui semble être la raison pour laquelle personne ne prêtera l'attention à son opinion sur ce sujet, conclut l'article. Moscou partage la position de Washington quant au PYD. Plut tôt en février, les Kurdes syriens ont ouvert une représentation à Moscou. La Russie appelle également à les impliquer dans les négociations sur le règlement du conflit syrien à Genève. Samedi, la Turquie a bombard é les positions kurdes dans le nord de la Syrie, déclenchant les protestations de Washington. Pour rappel, la Turquie, mettant en application ses menaces, a bombard é samedi des secteurs du nord de la Syrie contrôlés par les forces kurdes, des frappes qui devraient encore un peu plus compliquer la donne en vue d'un dénouement de la crise. Le département d'Etat américain a aussitôt réagi, exhortant la Turquie à "cesser ces tirs".