L'Irlande s'acheminait samedi vers des semaines d'incertitude politique après les législatives qui ont vu les électeurs voter en masse pour les indépendants et les petits partis. Le premier ministre irlandais a reconnu l'échec de la coalition gouvernementale sortante. "Clairement, le Fine Gael (le parti de centre-droit du premier ministre, ndlr) et le Labour ne devraient pas être reconduits et visiblement, il va falloir attendre jusqu'à ce que le dépouillement soit terminé à travers le pays pour voir les options qui se présentent", a déclaré le chef de l'Etat sortant Enda Kenny. Quelques minutes plus tôt, son ministre de la santé, Leo Varadkar, avait aussi concédé la défaite. "La population a clairement décidé de ne pas réélire ce gouvernement et a infligé un sérieux revers à mon parti et au parti travailliste", a-t-il dit. "Je ne crois pas que l'obligation de former un gouvernement nous revienne automatiquement", a-t-il ajouté, laissant entendre que les partis d'opposition peuvent aussi négocier entre eux pour voir s'ils peuvent former un gouvernement viable. LOIN DE LA MAJORITE ABSOLUE A 21h30 GMT, au lendemain d'un scrutin où 3,2 millions d'Irlandais étaient appelés à s'exprimer, aucune estimation officielle des résultats n'avait été publiée. Seule une faible proportion des 158 déput és du nouveau Parlement irlandais était connue. Mais selon les sondages sortis des urnes, le gouvernement sortant, compos é du Fine Gael (centre-droit) du premier ministre Enda Kenny et du parti travailliste, s'achemine vers une gifle électorale et pourra difficilement se maintenir dans la configuration actuelle. A eux deux, ils ne rassembleraient que de 55 à 68 sièges, loin des 80 nécessaires pour obtenir une majorité absolue. Du fait du système irlandais de vote par préférence, qui nécessite plusieurs décomptes successifs, les résultats définitifs pourraient se faire attendre. Mais déjà les analystes concluaient à un désaveu des deux grands partis du pays, le Fine Gael et le Fianna Fail qui se succèdent au pouvoir depuis 1932 dans un contexte de ras-le-bol des Irlandais de l'austérité. SINN FEIN TROISIÈME Le Fine Gail perdrait au moins dix points par rapport aux précédentes élections de 2011, avec 24,8 ou 26,1% des suffrages. Son partenaire Labour, accusé de ne pas avoir préservé l'Etat-providence, aurait plongé à 7,4 ou 7,8% des suffrages. Le Fianna Fail (centre-droit), durement sanctionné aux précédentes élections alors qu'il était au pouvoir, ferait un peu mieux, avec 21,8% ou 22,9% des suffrages. En revanche, les suffrages en faveur des candidats indé- pendants, des petits partis (Verts, sociaux-démocrates...) et des mouvements opposés à l'austérité sont en nette hausse. Le parti nationaliste de gauche Sinn Fein deviendrait la troisième formation du pays, avec 14,9% ou 16%, en hausse de cinq ou six points, dans ces élections, où le taux de participation tournerait autour de 70% selon le groupe de radio-télévision RTE. "LE CHANGEMENT EST EN MARCHE" "Le changement est en marche", a déclaré Gerry Adams samedi. Le chef du Sinn Fein estime que ce n'est plus qu'une "question de temps" avant l'élection d'un "gouvernement progressiste". Face au vote morcelé des Irlandais, plusieurs scé- narios étaient évoqués samedi pour l'avenir: formation d'un gouvernement de "coalition arc-en-ciel" autour du Fine Gael, du Labour, de personnalités indé- pendantes et de petits partis, organisation de nouvelles élections, ou formation d'une coalition historique entre les deux frères ennemis, Fine Gael et Fianna Fail. Cette dernière option a jusqu'à présent été écartée par les chefs des deux partis, mais était sur les lèvres de nombre de commentateurs samedi.