La Banque centrale européenne (BCE) a surpris les acteurs du march é en faisant passer son taux directeur à 0%. La monnaie europ éenne a immé- diatement chuté. L'organisme régulateur a donc abaissé le taux sur les dépôts de -0,3 à -0,4%, fait tomber le taux directeur à zéro et réduit le taux de prêt marginal de 0,3 à 0,25%. De plus, la BCE a annoncé l'augmentation, à partir d'avril, du rachat d'actifs: il passera de 60 à 80 milliards d'euros par mois. Elle compte, par ailleurs, prolonger le programme jusqu'en mars 2017. La BCE avait entamé un programme d'assouplissement quantitatif en 2015 et comptait émettre 60 milliards d'euros par mois jusqu'en septembre 2016 tant que l'inflation n'atteindrait pas 2%. Cependant, l'Europe ne s'est pas approch ée du niveau désiré de hausse des prix, la déflation reste l'un des principaux probl èmes avec la hausse du chô- mage (plus de 10%) et la stagnation. C'est ce qui a poussé la BCE à engager ces démarches inattendues. De plus, le régulateur européen s'est laissé une plus grande marge de manuvre si nécessaire: il n'écarte pas la possibilité d'adopter des taux négatifs à court terme, a déclaré son président Mario Draghi. Les experts de la BCE estiment que l'inflation restera négative dans les prochains mois mais augmentera plus tard dans l'année. En 2016 ils attendent une inflation de 0,1% - alors que les prévisions de décembre 2015 tablaient sur 1% -, puis de 1,3% en 2017 et 1,6% en 2018. La baisse du taux directeur devrait pousser l'économie à la croissance, augmenter la demande d'actions, de matiè- res premières et d'autres actifs risqués. Mais le principal but de la BCE est de faire grimper l'inflation. Par conséquent, immédiatement après les déclarations de Draghi les actions europ éennes ont atteint leur maximum depuis deux mois et l'euro a commencé de chuter par rapport à d'autres monnaies. Il a ainsi enregistré sa plus grande baisse par rapport au dollar depuis novembre 2015. La dévaluation de l'euro sera bénéfique pour les compagnies européennes qui exportent mais avec de telles mesures, la BCE risque aussi de créer une bulle sur le march é créancier et ne pourra pas contribuer à la croissance économique à l'avenir, car tous les moyens sont déjà épuisés. L'initiative de la BCE aura un impact indirect sur l'économie de la Russie. Tout d'abord, la dévaluation de l'euro n'est pas bénéfique pour les exportateurs russes. D'autre part, elle préfigure une baisse des dépenses pour les Russes qui voudraient partir en vacances en Europe et pour les importateurs russes qui achètent des produits européens. FAUT-IL INTERDIRE LES BILLETS DE 500 EUROS? Depuis les attentats de Paris, la Banque centrale europ éenne (BCE) se questionne sur l'avenir des billets de banque de 500 euros: les grosses coupures, associées depuis longtemps aux activités criminelles, servent à verser des pots-de-vin, sont transportées dans des valises et sont reçues avec réticence dans les magasins. LE BILLET DE 100 DOLLARS POURRAIT CONNAÎTRE LE MÊME SORT. Il y a deux ans, les douaniers de l'aéroport de Heathrow (Londres) ont arrêté un contrebandier transportant 20 000 euros dans ses sousv êtements - soit seulement 40 billets de 500 euros. Il se rendait en Turquie pour rencontrer un membre de Daech. En 2015, une femme est arrivée en Colombie avec 64 capsules de latex dans l'estomac, contenant chacune cinq billets de 100 dollars. Il est en effet très pratique de transporter des grosses coupures: 1 million d'euros ne pèse que 2 kg en billets de 500 euros et entre facilement dans un sac à main. 1 million de dollars en billets de 100 dollars pèse 10 kg et nécessite seulement une petite valise. Selon Europol, le tiers des liquidités en UE (307 milliards d'euros) est constitué de billets de 500 euros, alors même que la population ne les utilise pratiquement pas. Selon la police, la source de ce cash illégal se trouve au Luxembourg: en 2013 ce pays a émis 87,5 milliards d'euros, soit le double de son PIB. À titre de comparaison, cet indice en Allemagne est de 16%, en Italie de 9% et en France de 4%. En effet, le Luxembourg est un paradis fiscal avec un secteur bancaire gigantesque, mais on ignore pourquoi il a besoin d'autant de liquidités, souligne Europol. Sachant que les Luxembourgeois paient essentiellement par carte, on peut en déduire que cet argent est ensuite exporté. Le financement du terrorisme n'est pas le principal secteur où les plus grosses coupures sont écoulées. Selon le Groupe d'action financière (GAFI), le transport illégal de liquidités est associé à 30% au trafic de drogue, à 25% à la fraude fiscale et 10% à la corruption. La préparation des attentats représente, en proportion, moins de 10%. Les terroristes et les trafiquants ne seraient pas les seuls à pleurer le billet de 500 euros s'il était retiré de la circulation: dans un contexte général d'instabilité des devises, la plupart des pays émergents l'utilisent avec le billet de 100 dollars pour épargner. Cela explique pourquoi les coupures de 100 dollars représentent 78% de toutes les émissions monétaires aux USA (plus de 1 000 milliards), alors que les Américains paient en général par carte bancaire. Selon les sondages de Harvard, seulement 5,2% des Américains ont des billets de 100 dollars dans leur portefeuille, et 56% des habitants de la zone euro n'ont jamais tenu un billet de 500 dans leurs mains. Les statistiques de la Bundesbank sont encore plus révélatrices: 70% des billets de 500 euros émis entre 2002 et 2009 en Allemagne ont quitté le pays - dont la moitié a fini en Russie. L'Autriche, elle, approvisionne les Balkans. Pas étonnant, donc, que les Allemands et les Autrichiens soient les principaux opposants à l'abandon du billet de 500 euros. Pour eux, l'argent liquide détenu par les habitants de pays traversant une situation économique et politique imprévisible est une source de crédits gratuits. Et il est question de sommes d'argent conséquentes: en 2014 les billets de 100 dollars ont assuré aux USA 23,6 milliards de dollars, et les billets de 500 euros 2 milliards d'euros aux pays de la zone euro. En comparaison, les billets de 50 livres n'ont apporté au Royaume-Uni que 100 millions de livres. La livre n'est pas très populaire dans les pays pauvres et le billet de 50 livres ne représente que 17% des liquidités émises dans le pays.