Les artistes algériens se sont déplacés dans la capitale libyenne à l'occasion d'une semaine culturelle algérienne à Tripoli -du 24 au 29- avec, dans les bagages, quelques œuvres nées à la faveur de " Alger, capitale de la culture arabe". Outre le ballet national qui a servi ses classiques, les gens du théâtre qui ont raconté les déboires et les réalisations des planches, les troubadours qui ont montré une culture gelée qui s'appelle le folklore, un film a été montré ce week end. Il s'agit de Wara'a el-mir'ati (L'envers du miroir), un film né plus de quatre années après le lancement de son tournage, par Nadia Cherabi. La dernière enveloppe qu'elle a reçu de "Alger, capitale de la culture arabe " lui aurait sans doute permis de mettre en boite ce récit qui traînait en longueur malgré les aides sporadiques comme cette de "l'Année de l'Algérie en France 2003." Ce film interprété avec une rare maîtrise par un Rachid Fares qui étonne, était proposé à l'occasion de la manifestation " Tripoli, capitale de la culture islamique 2007 ". Un public nombreux est allé à la rencontre de ce film sorti cette année et mis à l'affiche de la salle Algéria d'Alger, depuis quelque temps. Le récit se déroule dans l'Algérie d'aujourd'hui peuplée de gens intègres comme Kamel le chauffeur de taxi, (Rachid Fares), de gens sans foi ni loi comme le beau-père de Seloua (Nassima Chams), et aussi de victimes notamment les femmes à travers ce qu'endure l'actrice principale, Seloua. Projeté en présence d'un nombreux public, composé notamment d'artistes et de cinéphiles, ce film raconte la malencontreuse rencontre d'un petit bébé abandonné dans un taxi par une mère -cliente- incapable de le prendre en charge. D'une durée de 1h 30, ce long métrage qui traite d'une histoire sociale, loin des clichés terroristes, est porté de A à Z sur les épaules des deux acteurs principaux, Rachid Farès et Nassima Chamas. Nadia Cherabi explore justement un des plus gros tabous de la société musulmane, celui de l'inceste, sans pour autant qu'elle n'ait l'outrecuidance d'en parler avec aisance. Elle choisit, en ce sens, le beau père comme principal accusé au lieu du père. Un choix suranné qui traduit la peur présente chez le cinéaste qui refuse de bousculer les esprits. A quoi aurait pu servir une création si elle se confine dans l'attelage à des ordres établis ? Cette " tragédie sociale " aurait quand même été appréciée par bon nombre de spectateurs libyens à commencer par Ghaïth Yahya, professeur à la faculté des Beaux-Arts de Tripoli, critique d'art et réalisateur, qui a estimé que " l'intrigue dramatique est bien faite et le langage cinématographique bien traité, surtout au niveau du langage et du montage." " Il y a une évolution du cinéma algérien, surtout du point de vue technique. L'Algérie fait de très beaux films ", a-t-il ajouté rappelant le succès rencontré par les premiers films algériens tels que La bataille d'Alger, Le vent des Aurès et L'opium et le bâton. La projection du film a été précédée par un récital poétique organisé à l'Institut de formation des enseignants à l'université Feth de Tripoli par Fahima Belkacem, Abderrrahmane Bouzerba et Kacem Chikhaoui. Les trois poètes ont clamé des poèmes sur les thèmes de la patrie, de l'amour et des nobles sentiments. Dans la soirée de mardi, la pièce théâtrale El-Hayla (La fabuleuse), production de l'association Mouvement théâtral de Koléa, a été présentée au Masrah el-Kechef à Tripoli. La pièce a raflé de nombreuses distinctions, dont les Prix de la meilleure mise en scène, de la meilleure interprétation masculine du festival de Mostaganem édition 1997 et de la meilleure scénographie édition 2000. Auparavant, les Libyens ont redécouvert l'excellent La bataille d'Alger du défunt Gillo Pontecorvo. Il est, par ailleurs, prévu, dans le cadre de la semaine culturelle algérienne à Tripoli, la projection de trois autres films, à savoir L'opium et le bâton du réalisateur Ahmed Rachedi, Mal watni de Fatima Belhadj.