Une vingtaine de sans-abri venus des différentes régions du pays, sont transférés chaque nuit, vers les centres d'hébergement d'urgence du SAMU par les équipes mobiles du SAMU social en sillonnant les rues d'Alger. ces sans-abri, fuient, pour la plupart, une situation sociale précaire. A vrai dire "cette moyenne d'intervention peut être facilement dépassée, notamment durant les périodes où les conditions climatiques sont difficiles", a indiqué à cet égard le chef de service d'hébergement et responsable des équipes mobiles du SAMU social d'Alger, M. Réda Bayou. Lors d'une tournée nocturne avec les équipes du SAMU dans des artères d'Alger, il a été constaté que des dizaines de sans-abri dormaient à même le sol mouillé par la pluie et dans un froid glacial de ce mois de décembre. "Nous effectuons un travail de repérage quotidien, en allant vers ces personnes en détresse, lesquelles, pour une cause ou une autre, sont désocialisées, et auxquelles nous offrons le gîte dans notre centre", a-t-il signalé. Composées d'éducateurs et de psychologues, les équipes mobiles du SAMU travaillent d'arrache-pied en deux rotations par nuit dans le but de convaincre les sans-abri à rejoindre les centres d'accueil comme celui de Dely Brahim, a-t-il expliqué. "Nous sommes astreints à une mobilité de tous les instants pour apporter de l'aide à ces personnes qui n'attendent plus rien de la vie; et pour notre travail, nous disposons de 7 ambulances, en assumant une action d'urgence pour les SDF (sans domicile fixe) et les attardés mentaux, entre autres". Lors de cette tournée, Houria, la trentaine dépassée, "squatte" un espace au quartier populaire de Bab El Oued. Silencieuse au début, elle a fini par avouer ses "démêlés" avec son père. Se plaignant de la violence de ce dernier et de celle de sa belle mère, Houria, originaire de Sougueur (W.Tiaret), dit avoir été battue sauvagement, des sévices qui lui ont causé une infirmité à la main gauche et des crises d'épilepsie. "Je vis dehors depuis plusieurs années. je souffre du froid et de la faim, il n'y a plus de miséricorde, en plus de ma situation de femme qui fait que je suis plus exposée aux abus sexuels", a-t-elle lâché, en larmes. "La misère est désormais enracinée, il y a beaucoup de malheureux, peu de moyens, de structures spécialisées et de solidarité, alors que l'indifférence est légion", a déploré un éducateur du SAMU. Au boulevard Amirouche, deux femmes emmitouflées dans des guenilles humides se disputent les pans d'un semblant de couverture pour protéger, un tant soit peu, leurs corps et visages transis de froid. L'une d'elles, connue des éducateurs du SAMU, appelée "Khalti Fatiha", originaire de Mostaganem, refuse de les accompagner au centre, prétextant qu'elle est là pour "gagner de l'argent" et regagner, ce faisant, "au plus vite", sa ville natale. Quelques minutes de discussion ont suffi à la psychologue de l'unité pour la rassurer qu'elle sera conduite à la gare routière tôt le lendemain avec un billet à la main, acceptant, non sans peine, d'accompagner les éducateurs du SAMU, après avoir refusé d'aller au centre. M. Bayou a indiqué que ces femmes sont des mendiantes, venues d'autres wilayas, qui refusent souvent d'aller au centre par peur d'être "renvoyées" chez elles. "Nous essayons de les convaincre par tous les moyens, mais elles sont souvent hostiles", a-t-il regretté. Un sexagénaire, retrouvé allongé, rue Mohamed-Belouizdad, a menacé l'équipe du SAMU de se faire du mal si on l'emmenait de force. Tentant de fuir, il tombe et finit par être recueilli par les éducateurs qui le rassurent qu'il sera logé, nourri et préservé surtout du froid au niveau du centre. Le chef de service d'hébergement et responsable des équipes mobiles du SAMU social d'Alger a indiqué que "le centre d'accueil agit dans le sens de la réinsertion de ces personnes fragilisées par la vie, certaines au sein de leur famille, quand elles en ont une. Au cas où cette famille est sur Alger, la tâche est moins ardue que si elle se trouve à l'intérieur du pays". "Nous faisons souvent chaque soir face à des cas de violence de la part des sans-abri atteints de maladies psychiatriques, mais notre devoir est de les prendre en charge. Ils sont transférés au lendemain vers le service de psychiatrie de l'hôpital Lamine Debaghine de Bab El Oued", a-t-il dit. "Ces situations de détresse, fort heureusement exceptionnelles, ne peuvent être appréhendées sans mettre en place une chaîne humanitaire", a insisté ce responsable, faisant remarquer qu'il existe à Alger, des âmes charitables pour compléter les efforts que l'Etat consent dans la prise en charge des personnes en détresse. Unique structure du genre sur le territoire national, le centre d'hébergement d'urgence du SAMU social de Dely Brahim a atteint un taux d'occupation de 160%, a signalé M. Bayou, ajoutant que le centre compte 243 pensionnaires alors qu'il ne dispose que de 180 lits, d'où "la nécessité, selon lui, d'ouvrir d'autres centres similaires". Le SAMU social de la wilaya d'Alger a été créé en 1999 pour la prise en charge des couches vulnérables de la société dont les enfants en danger moral, les mères-célibataires et les personnes âgées. Il est aussi chargé de rechercher les personnes en situation sociale et sanitaire précaires et de les ramener aux centres d'hébergement afin de leur procurer les soins nécessaires, rappelle-t-on.