L'économie russe, frappée par une récession douloureuse pour la population, a mieux résisté que prévu au décrochage des prix du pétrole du début d'année, laissant entrevoir une reprise plus proche qu'escompté mais pas plus vigoureuse pour autant. Selon une première estimation publiée lundi par l'agence des statistiques Rosstat, le produit intérieur brut s'est contracté de 1,2% au premier trimestre par rapport à la même période un an plus tôt. Le gouvernement prévoyait une diminution de 1,4%, ce qui était jugé trop optimiste par un grand nombre d'économistes. Ce pronostic s'est au contraire révélé trop sombre. C'est une bonne nouvelle, même si la récession qui a coûté au pays 3,7% de son PIB l'an dernier se poursuit, conséquence de l'effondrement des cours du pétrole, qui représente une partie importante des revenus de la Russie, et des sanctions imposées par les Occidentaux à cause de la crise ukrainienne. Les premières semaines de l'année avaient pourtant fait craindre le pire avec une accélération soudaine de la déroute du marché pétrolier et un nouveau bref dérapage du rouble. Le chiffre du PIB de lundi "suggère que le second ajustement de l'économie à des prix du pétrole plus faibles (après le choc monétaire de fin 2014, ndlr) se déroule plus facilement qu'on ne le pensait", estime Oleg Kouzmine, économiste de la banque Renaissance Capital. "Cela peut s'expliquer par le fait que la plus grosse partie de l'ajustement s'est déroulée l'année dernière, en plus des sanctions, et que désormais la dépréciation de la monnaie et la normalisation de la balance des paiements a contribué à atténuer les répercussions de la nouvelle chute des prix du pétrole", avance-t-il. Pour la suite, le gouvernement prévoit une stabilisation progressive du PIB: -0,6% sur un an au deuxième trimestre, autour de zéro au troisième et croissance de 1,2% au quatrième. Le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev avait dès le mois de mars assuré que le "deuxième choc pétrolier" de janvier avait eu des conséquences "très peu significatives pour l'économie russe". Et les dernières semaines ont donné matière à espoir pour Moscou avec un rebond des cours de l'or noir particulièrement vif, le baril évoluant même lundi à son plus haut niveau en six mois.
Stagnation du pouvoir d'achat Le chiffre du PIB "confirme que la phase la plus violente de la crise économique est maintenant terminée" et que "l'économie pourrait renouer avec la croissance dès le second semestre et non en 2017 comme nous le pensions", a concédé Liza Ermolenko, du cabinet londonien Capital Economics. "Pour autant, vu les nombreux vents contraires qui soufflent sur l'économie russe, nous nous attendons toujours à une reprise lente", a-t-il ajouté. Les autorités russes reconnaissent elles-mêmes qu'une fois la récession passée, les perspectives de croissance s'annoncent très faibles en l'absence de réformes structurelles, d'autant que les sanctions restent en place. Autre facteur d'inquiétude, les scénarios macroéconomiques à long terme du gouvernement supposent que la reprise interviendra d'abord par les investissements. En revanche, les revenus des ménages, lourdement pénalisés l'an dernier par la flambée des prix, ne devraient quasiment pas rebondir. Or le taux de pauvreté a atteint l'an dernier son plus haut niveau en près de dix ans avec près de 20 millions de Russes concernés. Le gouvernement, à la peine pour limiter le déficit, a déjà choisi cette année de ne pas indexer les salaires de la fonction publique et les retraites à la hausse des prix, même si la pression est forte pour un geste supplémentaire avant les législatives de septembre. "La priorité est donnée à la croissance des investissements, mais je pense qu'une économie résultant d'une limitation des revenus de la population ne stimulera pas les investissements", s'est alarmé l'économiste en chef de la banque de développement VEB Andreï Klepatch. "Il faut créer des mécanismes pour mobiliser les économies des ménages et les transformer en investissements", a-t-il estimé, dans un entretien au journal Vedomosti.