Les Etats-Unis ont annoncé samedi qu'ils avaient "probablement" tué dans une frappe aérienne au Pakistan le chef des talibans afghans, le mollah Akhtar Mansour. Cette perte pourrait diviser les talibans encore davantage. Le porte-parole du Pentagone Peter Cook a confirmé qu'une frappe aérienne visant Mansour avait été menée à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan mais il n'a pas souhaité spéculer sur le sort du chef des talibans afghans. Plusieurs responsables américains requérant l'anonymat ont dit à Reuters que le mollah Mansour avait sans doute été tué. Un commandant taliban proche de Mansour en contact avec Reuters et souhaitant rester anonyme, a démenti sa mort. Sur leur site officiel, les talibans ne faisaient aucune mention hier d'une quelconque frappe contre le leader. Leur porte-parole n'était pas joignable. "Il était un obstacle à la paix et à la réconciliation entre le gouvernement d'Afghanistan et les talibans, interdisant aux chefs talibans de participer aux négociations de paix avec le gouvernement afghan", a indiqué M. Cook. Le bombardement a été mené par plusieurs drones des forces spéciales américaines dans une zone éloignée à la frontière de l'Afghanistan et du Pakistan, "au sud-ouest de la ville d'Ahmad Wal", située en territoire pakistanais, a précisé le responsable américain. Les Etats-Unis ont informé le Pakistan et l'Afghanistan de leur frappe aérienne peu de temps après l'avoir effectuée.
"Offensive de printemps" La frappe est intervenue alors que le gouvernement afghan est mis à rude épreuve par les talibans, qui ont effectué de nombreuses avancées dans le pays depuis l'arrêt de la mission de combat des Etats-Unis et de l'OTAN fin 2014. Les talibans avaient lancé mi-avril leur "offensive de printemps", marquée par un attentat particulièrement meurtrier en plein Kaboul fin avril. Le mollah Akhtar Mansour avait pris officiellement la tête des talibans afghans en juillet 2015, prenant la succession du mollah Omar. En décembre 2015, des sources afghanes et pakistanaises avaient indiqué que le mollah Mansour avait été grièvement blessé voire tué dans une fusillade lors d'une réunion de cadres talibans qui aurait dégénéré au Pakistan. Sa mort avait été démentie par le mouvement islamiste.
Processus de paix moribond Pour beaucoup, la stratégie offensive actuelle des talibans était à mettre sur le compte du mollah, soucieux d'asseoir une autorité que lui contestent nombre de cadres, mécontents du processus ayant mené à sa désignation. Certains combattants talibans ont d'ailleurs rejoint les rangs de factions dissidentes, et d'autres ceux du groupe Etat islamique, surtout implanté dans l'est de l'Afghanistan. Le processus de paix entre Kaboul et les talibans est moribond. Mais le Pakistan a accueilli mercredi dernier une nouvelle session de pourparlers internationaux, espérant le relancer. Si elle était confirmée, la mort du mollah Akhtar Mansour pourrait diviser les talibans encore davantage, ce qui les rendrait peu susceptibles de s'engager dans un processus de paix encore très hypothétique.
Prudence "Les talibans ne vont pas docilement accepter des discussions, et encore moins au moment où cette frappe menace de fragmenter encore l'organisation", explique Michael Kugelman, spécialiste de l'Asie au sein du Woodrow Wilson Center. La cible la plus importante pour les Etats-Unis reste la direction du réseau Haqqani, allié des talibans, juge-t-il cependant. De son côté, Michael O'Hanlon, expert des questions militaires au prestigieux cercle de réflexion Brookings à Washington, s'est montré prudent sur les conséquences qu'aurait la mort du mollah pour le combat contre les talibans. "Les talibans ont tellement de chefs, et tellement de capacité de fonctionner localement, sans être dirigés par un échelon central, que nous serions bien avisés de limiter nos attentes" sur la mort du mollah. "Mais peut-être que cela peut modestement améliorer les perspectives d'un accord de paix", a-t-il indiqué dans un e-mail.