Le président afghan, Ashraf Ghani (à droite) et le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, tentent de relancer les pourparlers de paix inter-afghans. La première session du dialogue quadripartite visant à relancer le processus de paix afghan s'est ouverte hier à Islamabad, en dépit d'une offensive hivernale des rebelles taliban d'une intensité inédite. Des observateurs espèrent que la présence de la Chine et des Etats-Unis aidera à surmonter la méfiance régnant entre l'Afghanistan et le Pakistan, considéré comme la seule puissance à pouvoir ramener les taliban à la table des négociations avec le gouvernement de Kaboul. Aucun représentant des insurgés islamistes n'était attendu à la rencontre d'hier, et on ignore quand il seront prêts à reprendre les pourparlers. La réunion a débuté par un discours du conseiller du Premier ministre pakistanais pour les Affaires étrangères, M.Sartaj Aziz. «J'espère que cette réunion (...) permettra de trouver un chemin vers une paix durable en Afghanistan, par un accord négocié dans la paix», a déclaré M.Aziz, rejetant toute condition préalable au dialogue et toute menace d'action militaire contre les réfractaires. Ces pourparlers portent sur une feuille de route, qui doit établir les bases nécessaires à un dialogue entre Kaboul et les taliban, dont l'insurrection meurtrière bat son plein, plus de 14 ans après qu'ils ont été chassés du pouvoir. Confirmant les pourparlers d'hier, Javed Faisal, porte-parole du chef de l'exécutif afghan, Abdullah Abdullah a indiqué que le Pakistan y dévoilerait «une liste de taliban prêts à participer à des négociations de paix et de taliban qui ne souhaitent pas» s'engager dans un dialogue avec le gouvernement afghan. Le Pakistan était l'un des trois seuls pays à avoir reconnu le régime des taliban entre 1996 et 2001, et Kaboul accuse son voisin de parrainer les insurgés notamment en leur fournissant des sanctuaires. Les premiers pourparlers directs entre le gouvernement afghan et les taliban ont eu lieu en juillet près d'Islamabad, mais ils ont rapidement tourné court après l'annonce en juillet de la mort du mollah Omar, fondateur du mouvement. Sa succession donne lieu à une guerre des chefs et leur nouveau leader, le mollah Akhtar Mansour, est loin de faire l'unanimité. Mais ces dissensions n'ont pas empêché les taliban d'accentuer leur insurrection dans l'ensemble de l'Afghanistan. Ils sont parvenus à conquérir brièvement la grande ville de Kunduz (nord), fin septembre, leur première conquête d'une capitale provinciale depuis 2001. Et ces dernières semaines, ils ont multiplié les attaques contre les symboles de la présence étrangère dans le pays et pris de larges parties du district clé de Sangin, haut lieu de la production d'opium, dans la province du Helmand, un fief taliban dans le Sud. Selon les observateurs, l'intensification des combats semble être liée à une volonté pour les insurgés de gagner du terrain avant les pourparlers, afin d'y obtenir des concessions plus importantes. Un cadre taliban au sein de la faction dirigée par le mollah Mansour a indiqué que le Pakistan avait été en contact avec des dirigeants insurgés, mais que son groupe attendait de voir si le groupe rival dirigé par le mollah Rassoul allait également participer à des pourparlers. «Autant que je sache, les dirigeants taliban sont prêts à toute réunion de ce type à l'avenir, mais nous verrons aussi quels autres groupes afghans ou faction taliban seront invités aux pourparlers de paix prévus», a-t-il ajouté. Rahimullah Yousufzai, fin connaisseur des taliban, a estimé que la réunion quadripartite était une «avancée importante», ajoutant que la présence de la Chine et des Etats-Unis leur donnait du poids. Mais il a averti: «Les taliban n'ont pas encore fait preuve de leur volonté de dialoguer, ils ont dit que leur première priorité était de mettre fin à leurs dissensions internes. A mon avis, la faction de Rassoul viendra, mais la présence du groupe de Mansour est très importante, donc attendons de voir comment ils réagissent».