Le rapport sur l'emploi aux Etats-Unis en mai, très décevant sur les créations d'emplois même si le taux de chômage a baissé, douche les espoirs d'une hausse des taux directeurs en juin. Le taux de chômage aux Etats-Unis a reculé en mai à son plus bas niveau en presque neuf ans, perdant trois dixièmes de points à 4,7%. Mais cette apparente bonne nouvelle s'est associée à des créations d'emplois très faibles, qui ont stupéfié les analystes, selon les chiffres du département du Travail publiés vendredi. Les entreprises américaines ont drastiquement freiné les embauches le mois dernier, les créations d'emplois tombant à 38 000, leur score mensuel le plus faible depuis septembre 2010 alors que l'économie américaine semblait récemment plutôt donner des gages de relative bonne santé. Ce coup d'arrêt surprise des créations d'emplois le mois dernier, alors que les analystes misaient sur 155 000 nouvelles embauches, a été aggravé par la grève observée par quelque 40 000 employés de l'opérateur téléphonique Verizon. Ces grévistes ont été temporairement rayés des registres de l'emploi. Mais même sans l'impact de cette grève, de nombreux secteurs ont débauché en mai comme l'énergie, le bâtiment, l'industrie manufacturière ou les biens durables. En outre, le ministère a révisé en baisse de 59 000 les chiffres de créations d'emplois pour les deux mois d'avril et de mars. Dans un communiqué, la Maison-Blanche a pris acte du rythme "considérablement plus lent (...) et décevant" des créations d'emplois tandis qu'en pleine campagne électorale, le parti républicain a attribué "ce rapport accablant" aux politiques "ratées d'Obama qu'Hillary Clinton promet de poursuivre".
Trompeur L'autre pan du rapport sur l'emploi, constitué par l'enquête sur le niveau du chômage, est aussi trompeur. Si la chute du taux de chômage à 4,7% est spectaculaire, signant son plus bas niveau depuis novembre 2007, elle s'explique surtout pour de mauvaises raisons. Le taux de participation à l'emploi a en effet reculé de 0,2 point à 62,6%. Cela signifie que 458 000 personnes ont renoncé à chercher un emploi, n'étant plus comptées comme des chômeurs. Autre mauvaise surprise, les emplois à temps partiels faute de trouver mieux sont repartis à la hausse, augmentant de près d'un demi-million. Quelque 6,4 millions désormais ne travaillent qu'à temps partiel, un sommet depuis août. "Ce rapport sur l'emploi jette un doute sur l'idée largement répandue que l'économie américaine a solidement rebondi au deuxième trimestre après un début d'année médiocre", a commenté Chris Williamson, économiste de Markit. Les économistes assurent, depuis la parution de plusieurs indicateurs favorables pour avril (ventes de détail, immobilier..), que la croissance est sur un rythme supérieur à 2,5% pour le 2e trimestre après seulement +0,8% de janvier à mars. Néanmoins, le secteur des services -d'importance majeure dans l'économie économie américaine- a vu sa croissance fléchir brusquement pour mai, selon l'indice ISM publié également vendredi. Après ces chiffres décevants, il est peu probable que la Réserve fédérale (Fed) décide de relever ses taux dès sa prochaine réunion les 14 et 15 juin. La banque centrale va préférer attendre pour évaluer si ce coup d'arrêt des embauches est seulement un faux pas sans lendemain ou le signe plus sérieux d'un ralentissement. C'est ce qu'a immédiatement fait savoir Lael Brainard, gouverneure de la Fed: vu les données économiques "très mitigées", il est "prudent" d'attendre d'avoir davantage "confiance" dans le rebond de l'activité avant de resserrer la politique monétaire, a-t-elle affirmé dans un discours à Washington. "Et voilà comment la hausse des taux de juin s'est évanouie", a résumé Ian Shepherdson, de Pantheon Macroeconomics qui pense que cette réduction des embauches est une réaction différée des entreprises à la baisse du marché boursier en janvier et février. La présidente de la Fed, Janet Yellen, qui avait assuré la semaine dernière qu'une hausse des taux serait sans doute d'actualité "dans les prochains mois", doit s'exprimer lundi. Ces chiffres "sont vraiment une mauvaise nouvelle à court terme, mais, si cela conduit à une productivité et à des profits meilleurs, c'est une bonne nouvelle pour l'économie à moyen terme", espère Nariman Behravesh, économiste en chef d'IHS. Il croit que la Fed va prolonger sa pause sur les taux d'intérêt peut-être jusqu'en septembre. Il ne faut pas prendre la force de la reprise économique pour acquise Une responsable de la Réserve fédérale (Fed) américaine a prévenu vendredi, peu après la publication de chiffres de l'emploi décevants, qu'il ne fallait "pas prendre la force de la reprise économique pour acquise" et préconisé d'attendre avant de relever les taux. Lael Brainard, gouverneure de la Fed, a jugé, notamment à la lumière des faibles créations d'emplois en mai, que les données économiques étaient "très mitigées" et qu'il était "prudent" d'attendre d'avoir davantage "confiance" dans le rebond de l'activité avant de resserrer la politique monétaire. Mme Brainard qui s'exprimait dans un discours à Washington et qui est réputée être du camp des "colombes" peu pressées de relever les taux d'intérêt, a aussi relevé que l'inflation devait "encore convaincre" qu'elle allait dépasser les bas niveaux qu'elle connaît depuis la reprise. La Fed se réunit les 14 et 15 juin pour discuter de la politique monétaire, mais les perspectives d'une éventuelle hausse des taux d'intérêt ont été totalement douchées vendredi avec un rapport sur l'emploi faible et décevant. Les entreprises ont limité les nouvelles embauches à 38 000 en mai et le taux de chômage a baissé à 4,7% surtout à cause d'une réduction du taux de participation à l'emploi. Mme Brainard a par ailleurs mis en avant les risques économiques à l'international, notamment ceux liés au référendum britannique sur le Brexit le 23 juin. Une sortie du Royaume Uni de l'Union européenne, "pourrait déstabiliser les marchés financiers et créer une période d'incertitude pendant que les relations entre le Royaume Uni et l'UE sont renégociées". "Les récents développements économiques sont mitigés et d'importants risques à la baisse demeurent", a conclu Mme Brainard.