La crise syrienne et la rivalité au Moyen-Orient entre les deux grandes puissances que sont la Russie et les Etats-Unis ne sont pas seulement liées, elles sont indissociables. Cette crise est, dans une large mesure, une création occidentale, celle des Etats-Unis, de certains Etats européens avec la complicité des six Etats du Golfe. C'est assez pour que sa survie soit une nécessité pour que Washington maintien son hégémonie dans cette région stratégique d'autant plus que les monarchies arabes prennent une part régulière dans la déstabilisation du Liban, de l'Irak, de la Syrie, de la Libye et du Yémen. Depuis des décennies, les américains se partage seuls la domination au proche et Moyen-Orient et qu'ils dominent parfaitement grâce à la complicité des monarchies du Golfe. La preuve, les bases militaires US entourent tout le Golfe, la CIA est partout dans les six monarchies qui se sentent en sécurité grâce au parapluie militaire américain. Cette présence américaine dans la région et avec l'aide des pétrodollars du Conseil de coopération du Golfe (CCG), s'est soldée par l'intervention US en Irak et en Afghanistan. Pour revenir à la crise syrienne, Washington qui s'est engagée à désarmer le régime syrien de ses armes chimiques n'a réussi qu'en faisant appel à Moscou come partenaire solide. C'est ici un développement important qui marque l'entrée en force de la Russie au Proche-Orient. Une faiblesse américaine dans une région où elle était seule sur le terrain depuis plus de 30 ans en tant que grande puissance en l'absence de la Russie et de la Chine. La chine est totalement absente dans cette région. Les chinois ne sont pas là, ils sont présents dans d'autres régions du globe en extrême orient et en Afrique, mais apportent leur soutien à l'intervention de la Russie en Syrie.
Sérieux engagement de la Russie La Russie qui depuis le début de la déstabilisation de la Syrie s'est jointe à l'axe Irano-Syrien, a prouvé qu'elle a son mot à dire, et c'est un développement nouveau dans cette crise syrienne qui dure depuis plus de cinq ans auquel beaucoup d'observateurs y croient et prennent aux sérieux les engagements et les positions du président Vladimir Poutine et qui inquiètent à la fois les Etats-Unis et leurs alliés arabes dans la région. Ces derniers redoutent la puissance et le retour de l'Iran autre partenaire de la Russie dans la crise syrienne. En effet, la présence des russes au Moyen-Orient, en Syrie plus particulièrement à travers des principes et actions politiques, militaires, diplomatiques et économiques inquiète au plus haut degré Israël et les monarchies du Golfe, bien sûr les Etats-Unis. Une donnée nouvelle qui fait que l'hégémonie US dans la région n'est plus la même que par le passé. Et en attendant, les Etats-Unis ne veulent pas d'une véritable guerre avec la Russie. Ce qu'ils veulent, à part pomper plus d'argent pour le Pentagone, c'est mettre la barre, à un niveau tel, que Moscou se dégonflera, se basant sur une analyse rationnelle des coûts. Pourtant, les prix du pétrole vont inévitablement augmenter en 2016, et dans ce scenario Washington est perdant et cela pourrait anticiper une augmentation des taux d'intérêt par le FED, tout l'argent continuant bien sûr à être empoché par Walt Street pour essayer 'd'inverser le scénario. Les comparaisons entre l'accumulation militaire actuelle de l'Otan et les préparatifs de la Seconde Guerre mondiale ou bien l'époque où l'Otan s'opposait au Pacte de Varsovie, sont infantiles. Les missiles Thaad ET Patriot sont nuls selon les forces de défense israéliennes (FDI) elles-mêmes ; voilà pourquoi elles ont essayé de les améliorer avec Iron Dome. En attendant, ces nouveaux bataillons militaires de l'Otan sont sans conséquences. La raison basique de cette poussée du Pentagone, sous la direction du néocon Carter, est toujours d'attirer la Russie plus loin en Syrie et en Ukraine comme si Moscou était effectivement impliqué dans le bourbier ukrainien ou l'avait voulu ; de piéger la Russie dans des guerres par procuration ; et de la saigner économiquement à mort, tout en paralysant la majeure partie des revenus du pétrole et du gaz naturel de l'Etat russe. Selon Pepe Escobar auteur de " Globalisation ", la Russie ne veut pas, et n'a pas besoin d'une guerre. Pourtant, les racontars sur l'agression russe ne tarissent pas. Ainsi, il est toujours instructif de revenir à cette étude de RAND Corporation, qui a examiné ce qui se passerait si une guerre avait effectivement lieu. Rand a atteint une conclusion univoque après une série de jeux de guerre en 2015 ; la Russie pourrait submerger l'Otan en deux jours et demi sinon moins si jamais il devait y avoir une véritable guerre sur le sol européen. Le RAND Corporation est essentiellement un avant-poste de la CIA donc une machine de propagande. Pourtant, ce n'est pas de la propagande de déclarer que les Etats baltes et l'Ukraine seraient défaits en moins de trois jours par l'armée russe. Toutefois, la suggestion que la puissance arienne supplémentaire de l'Otan et des divisions de combat lourdement armées feraient une différence importante est fausse.
Retour gagnant Pendant ce temps, Moscou a obtenu un succès retentissant en Syrie, bien sûr, c'est loin d'être terminé. Donc ce qui reste pour le Pentagone via l'Otan est essentiellement de jouer la carte des tactiques alarmistes. Ils savent que la Russie est prête pour la guerre et certainement beaucoup mieux préparé que l'Otan. Ils savent que ni Poutine, ni les militaires russes ne reculeront devant des rodomontantes de cour de récréation. En ce qui concerne le ton trop conciliant du Kremlin en direction de Washington, les choses pourraient être sur le point de changer bientôt. A ce sujet, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov explique : " L'administration Obama ne veut pas la paix en Syrie. Les Russes ont finalement dû s'avouer que les Etats-Unis ne collaboreraient pas au maintien du cessez-le-feu, ni à une attaque coordonnée contre l'Etat islamique et al-Qaïda, ni à la paix en Syrie. En effet, les Etats-Unis ont à nouveau demandé à la Russie de ne pas bombarder al-Qaïda alors même que deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU exigent son éradication. D'énormes convois de ravitaillement arrivent à nouveau de Turquie pour les rebelles qui vont, comme d'habitude, les partager avec al-Qaïda et d'autres terroristes ". Manœuvre tactique ou autre, la Russie avait décidé au mois de février dernier un retrait unilatéral de ses forces aériennes en Syrie. Un retrait qui a laissé aux Etats-Unis, la Turquie et Daech le soin de planifier librement les tentatives visant à abattre le régime de Damas. Mais voilà, le président russe Vladimir Poutine en véritable tacticien politique et de guerre, s'est aperçu du besoin du retour militaire russe en Syrie, c'est-à-dire de re-dépêcher les forces aériennes russes dans les différents fronts syriens. Ainsi, le porte-avion Amiral est annoncé pour être redéployé dans la région début du mois de juillet prochain. Ce retour armé de la Russie en Syrie accueilli favorable par le régime et le peuple syrien coïncide avec la grande offensive menée contre le fief de Daech à Raqqa. Un tournant historique s'annoncerait en Syrie. Raqqa, la capitale de Daech dans le pays depuis 2013, est la cible principale depuis le 24 mai des forces démocratiques syriennes. L'Union démocratique kurde faisant partie des Forces démocratiques syriennes, avait annoncé qu'elle allait coordonner ses actions à la fois avec les USA et la Russie. Une proposition qui gêne, semble-t-il, Washington. C'est ce qu'a expliqué, Karim Pakzad, chercheur à IRIS, spécialiste du Moyen-Orient : Depuis le combat à Kobané où les Kurdes ont résisté contre l'offensive de Daech, les USA et d'autres pays occidentaux aident, y compris militairement, les Kurdes. Parmi toutes les forces qui existent en Syrie, c'est la seule force laïque. Or, cette force laïque à des contacts avec le régime syrien. Celui-là a même protesté lorsque l'ONU n'a pas invité cette coalition à la table des négociations à Genève contrairement à ce que demandaient l'Iran, la Russie et la Syrie. Donc il y a une certaine divergence entre les USA et les autres pays notamment ceux qui soutiennent le régime syrien, à savoir l'Iran et la Russie, vis-à-vis de cette force ". Dans le même contexte, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a confirmé la semaine dernière que Moscou était prêt à coopérer avec les forces d'opposition syrienne ayant lancées l'offensive ainsi qu'avec les USA et la coalition les soutenant. " … Nous sommes prêts pour une telle coordination. Je l'affirme en toute responsabilité. Raqqa est l'une des cibles de la coalition antiterroriste tout comme Mossoul en Irak. Nous sommes convaincus qu'il aurait été plus efficace et plus rapide de libérer ces agglomérations si nos militaires (ceux de la Russie et des USA) avaient commencé à coordonner leurs actions plus tôt. Il y a maintenant une chance qu'une telle coordination ait lieu. Nous pensons que l'aviation russe et celle de la coalition guidée par les USA doivent travailler simultanément… et aider ceux qui sont au sol à contrer réellement des groupes terroristes. Il s'agit là des forces armées de la République arabe syrienne et, évidemment, différentes milices kurdes y compris l'aile armée du parti de l'Union démocratique ", a mis en exergue Sergueï Lavrov.
Coup fatal Le 24 mai débutait l'offensive desdites Forces démocratiques syriennes [FDS] contre le prétendu Etat islamique, Daech, dans son fief à Raqqa. Tout au long de la semaine, nombre d'articles et d'entrevues ont analysé les véritables objectifs des USA venus les soutenir. Avant de les passer en revue aussi brièvement que possible sans négliger les détails significatifs, il est important de souligner que tout syrien patriote ne pourrait que souhaiter la victoire des FDS contre Daech, s'il ne s'attendait à un énième coup tordu de l'Administration US et de ses alliés contre la Syrie et les Syriens, y compris les Kurdes. Le 23 mai, dès l'annonce de l'offensive, le Général Amin Hoteit analysait dans les colonnes du quotidien syrien " Al-Thawra " les mobiles de cette dernière manœuvre des Etats-Unis, obligés de se rabattre sur les forces des Unités de protection du peuple [YPG], branche armée du Parti de l'Union démocratique kurde syrien [PYD], faute de pouvoir compter sur une intervention militaire terrestre " officielle " de la Turquie, vu qu'il leur serait difficile de la couvrir et de la justifier de la part d'un pays membre de l'OTAN sans en subir les conséquences : Empêcher l'Armée syrienne et ses alliés de répéter la victoire de Palmyre à Raqqa ; auquel cas, un coup fatal serait porté au projet de mainmise des USA sur la Syrie par le biais du terrorisme international qu'ils ont créé et nourri. Rétablir l'équilibre militaire stratégique, rompu depuis les avancées récentes de l'Armée syrienne sur le terrain, afin de regagner des cartes en vue des futures négociations à Genève pour le partage de la Syrie en " zones d'influences ". Permettre aux forces de l'YPG d'étendre leur influence jusqu'au barrage sur l'Euphrate et le lac Al-Assad, en particulier, ce qui leur accorderait enfin un siège indépendant à la table des négociations [pourtant refusé jusqu'ici par la Turquie et les USA et réclamé par la Russie, Ndt], les pousserait à se désolidariser de plus en plus du gouvernement central à Damas, et les inciterait à instaurer le modèle de l'autonomie kurde irakienne avant d'en arriver à déclarer leur indépendance au moment jugé opportun. Plus grave encore, l'objectif stratégique des USA de réoccuper graduellement l'Irak puis la Syrie, de façon masquée, en commençant par la prétendue assistance aux forces de l'YPG contre Daech pour en arriver à mettre en place leurs bases militaires comme cela s'est passé pour nombre de pays membres de l'OTAN dans les Pays du Golfe, d'Oman au Koweït en passant par les Emirats Arabes Unis, le Qatar, le Bahrein et l'Arabie saoudite. C'est ainsi que l'Irak, d'où les USA ont été obligés de se retirer sans pouvoir édifier leurs cinq bases militaires prévues, est désormais le théâtre des manœuvres de 7 000 soldats US sous différents titres, tandis que le Secrétaire général de l'OTAN parle de l'envoi de troupes supplémentaires pour soutenir la coalition internationale menée par les USA et les forces alliées " sunnites " sur le terrain. Et c'est ainsi que la Syrie, qui avait échappé jusqu'ici à toutes les tentatives de présence militaire US sur son territoire, se retrouve avec 250 soldats US entrés sans autorisation sous prétexte d'aider les FDS à libérer Raqqa de Daech. Et le Général Hoteit de conclure que dans les deux cas les USA cherchent à étendre l'influence kurde de Mossoul l'irakienne à Raqqa la syrienne.
Le camp turco-israélo-saoudo- qatari échoue Le 24 mai, M. Nasser kandil au cour de son émission bihebdomadaire de 60 minutes a envisagé trois hypothèses, en privilégiant la dernière : Le camp turco-israélo-saoudo-qatari, toujours mené par les USA, remporte des victoires dans le nord de la Syrie, pendant que les forces FDS/US créent un fait accompli à Raqqa ; auquel cas, les USA pourront imposer au camp adverse [Syrie, Iran, Hezbollah, Russie] de nouvelles conditions de négociation à leur avantage. Le camp turco-israélo-saoudo-qatari échoue au nord, le camp adverse avance, mais les forces FDS/US prennent Raqqa ; auquel cas, le " Groupe d'opposition de Riyad " perd sa place au niveau des négociations, remplacé par les représentants politiques des FDS ; autrement dit, Saleh Muslem [ou Mussalem] et Haytham Manna remplacent le chouchou de la France : le bien nommé Riyad Hijab. Le camp turco-israélo-saoudo-qatari et les forces FDS/US échouent, le camp adverse avance ; auquel cas les représentants politiques de tous les bords ne peuvent plus dépasser le plafond consenti par l'Etat syrien prêt au dialogue pour la paix.
Plan initial israélo-américain de remodelage du Moyen-Orient Le 25 mai, M. Ali Mortada, journaliste de la chaîne Al-Mayadeen, s'appuyant sur les analyses militaires, met l'accent sur la détermination des Etats-Unis à modifier la situation sur le terrain en faveur des " forces complices " dans le but de concrétiser le plan initial israélo-américain de remodelage du Moyen-Orient passant par la dislocation de la Syrie et de l'Irak en mini-états et en " zones d'influences ". En bref : En Syrie, les USA cherchent à créer leur zone d'influence à l'est du pays, face à la zone ouest sous contrôle de l'Etat syrien soutenu par la Russie ; l'offensive kurde présentée comme " arabo-kurde " ayant pour but de rassurer la Turquie contre le projet de création d'un Etat kurde à ses frontières. En Irak, les USA veulent libérer Al-Anbar et Ninive en s'appuyant sur des forces qu'ils qualifient de " sunnites ", ce qui consacrerait définitivement sa partition en trois états [sunnite, chiite et kurde] préalablement à leur mainmise totale sur le pays et, par conséquent, romprait toute communication directe entre les maillons de l'Axe de la résistance [Iran, Irak, Syrie, Liban]. Les preuves à l'appui de ce scénario étant fondées sur les réalités du terrain, notamment la libération du passage d'Ar-Rutba, ouvrant la route vers la Jordanie, et l'abandon du passage d'Al-Tanaf, ouvrant la route vers la Syrie à Daech. Ce qui permettrait aux forces alliées des USA, en Jordanie, d'intervenir dans la région d'Al-Anbar. Et empêcherait les forces alliées à l'Axe de la Résistance, que ce soit le Hachd al-Chaabi irakien [dont les USA refusent la participation à la libération de Mossoul et de Fallouja prétextant leur sectarisme, Ndt] ou d'autres, d'intervenir en Syrie pour combattre Daech à Raqqa, à Deir ez-zor et dans les autres villes de la région d'Al-Djezireh au nord de la Syrie.
Les USA cherchent à sauver la face Le 25 mai, un débat sur cette offensive FDS/US a réuni trois personnalités syriennes sur le plateau d'Al-Alam TV. M. Nizar al-Bouch, chercheur et spécialiste en affaires politiques russes, est intervenu par Skype de Moscou. Il a rappelé que les FDS avaient refusé de coopérer avec les Forces russes contre Daech et que, suite à la libération de Palmyre et d'Al-Qariatayn, les diplomates et militaires russes avaient clairement annoncé que la prochaine étape serait Raqqa ; ce que les USA ne pouvaient tolérer, d'où les violentes attaques terroristes du Front al-Nosra sur les quartiers résidentiels et les civils à Alep et à Khan Toumane afin d'occuper l'Armée syrienne et l'empêcher de libérer Raqqa et Deir ez-Zor. En bref, son intervention se résume à dire que, par cette opération FDS/US autour de Raqqa, les USA cherchent à sauver la face devant l'opinion publique locale et internationale qui commencent à sérieusement douter de leur volonté de frapper Daech, tout en espérant imposer un fait accompli qui aboutirait à la partition de la Syrie grâce à un coup de bluff incroyable par lequel Daech remettrait Raqqa à son allié US ! Incroyable ? Il rétorque : " Les USA ont créé le Front al-Nosra, Daech et les FDS. Ils ordonnent et leurs créatures exécutent !". M. Khaled Issa, représentant du Parti de l'Union démocratique [PYD] en France. Il n'a ni relevé ni discuté de ce coup de bluff et a déclaré que les affaires militaires n'étaient pas de son ressort puisqu'il les lit dans la presse comme tout un chacun. Cependant, en tant que représentant de la branche politique du PYD, il pense qu'il faudrait non seulement libérer Raqqa, mais toutes les zones du nord de la Syrie sous administration autonome kurde, précisant qu'il signifiait la région située à l'Ouest de l'Euphrate dont Jarablous et A'zaz. Quant aux velléités séparatistes des Kurdes syriens, ce serait plutôt " certains autres " qui les ont ostracisés en refusant leur participation aux négociations de Genève [Quels autres ? Objectivement, ce ne sont ni les Syriens, ni les Russes, qui ont empêché cette participation, bien au contraire ils n'ont cessé de la réclamer. Ne serait-ce pas plutôt De Mistura obéissant aux ordres des USA et aux exigences de leurs alliés, pour lesquels le " Groupe de Riyad " devait être considéré comme le seul représentant du peuple syrien ?]. Et enfin, M. Issa a justifié l'intervention des FDS/US contre Daech à Raqqa, comme le veut la propagande, par la supériorité psychologique, combative et organisationnelle des FDS comparativement à l'Armée syrienne.
Une offensive qui n'était pas vraiment une surprise M. Turki al-Hassan, Général de l'Armée syrienne à la retraite, il a regretté qu'un " frère syrien " parle de l'Armée syrienne en ces termes alors qu'elle se bat, avance, libère ou meurt dans un combat féroce ourdi par une coalition de grandes et petites puissances depuis 5 ans. Et, sans se prononcer sur l'éventuel coup de bluff USA/Al-Qaïda, il a rappelé que lorsque les Peshmergas kurdes sont entrés dans la région de Sinjar et de Tal-Afar en Irak, Daech s'est retiré sans combattre. Idem, lorsque les PYD syriens sont entrés dans Al-Chaddadi et Al-Hole en Syrie. À son avis, cette offensive n'était pas vraiment une surprise et était prévisible depuis que Saleh Muslem a déclaré, en mars dernier, que les FDS étaient fin prêts pour libérer Raqqa, mais qu'il leur manquait une couverture politique. Maintenant qu'ils sont couverts par les USA et que la Russie leur propose son aide, la libération de Raqqa est possible, mais risque d'être longue et difficile pour deux principales raisons : la population très majoritairement arabe et l'afflux permanent de terroristes daechiens, à partir de la frontière turque, qui fait que les estimations parlant de 3000 à 5000 de leurs combattants à Raqqa pourraient être largement dépassées. Libération qui restera difficile, même si les FDS mettaient toutes leurs forces dans la bataille ; lesquelles forces sont estimées entre 38 000 et 46 000 combattants, dont 12 000 seraient engagés dans la bataille de Raqqa. A noter des appellations inconnues jusqu'ici lorsqu'il nous dit qu'à sa connaissance, les FDS intègrent les forces des YPG ; des forces de l'ASL [l'Armée prétendument Syrienne Libre] rebaptisée " armée d'Abou Ays " [transcription phonétique] ; les forces du Tayyar al-Ghad [signifiant le Courant de Demain, pour ne pas dire le Courant du Futur] composé par l'homme des Saoudiens, Ahmad al-Jarba ; avec, évidemment, les centaines de boys US expédiés ouvertement en Syrie.
Daech a outrepassé la volonté de ses créateurs Le 27 mai, M. Fayçal Jalloul, chercheur à l'Académie de Géopolitique de Paris, interrogé par la chaine libanaise NBN, résume la situation en soutenant que Daech a outrepassé la volonté de ses créateurs pour réaliser ses propres objectifs, si bien que son élimination est devenue la priorité des priorités pour tout le monde, sauf les USA. À l'appui de cette affirmation M. Jalloul rappelle que, de l'aveu même d'Hilary Clinton, les USA ont créé Daech d'abord pour combattre " le régime syrien ", ce n'est qu'à la marge de ce premier objectif qu'il leur a servi à profiter des dissensions entre Irakiens. Il explique que s'ils se sont rabattus sur les Kurdes c'est parce qu'ils refusent que l'Armée syrienne l'emporte sur Daech, car cela maintiendrait et renforcerait Bachar al-Assad à son poste de Président ; ce qu'ils refusent catégoriquement. La preuve en est leur désappointement évident devant la victoire de l'Armée syrienne soutenue par les forces aériennes russes à Palmyre ; leur opposition à toute résolution du Conseil de sécurité qui l'encouragerait à libérer d'autres villes ; leur refus récent de coopérer avec la Russie pour libérer Raqqa, coordination ne signifiant pas coopération ; leurs dernières déclarations insistant de nouveau sur la destitution du Président syrien d'une manière ou d'une autre. En bref, M. Jalloul pense que l'Administration US n'a toujours pas modifié sa stratégie première en Syrie : introduire Daech sur son territoire, se débarrasser ensuite de Daech et du régime syrien en les laissant s'entretuer, puis amener leurs amis favoris au pouvoir. Pour lui, la relation entre ce qui se passe en Irak et autour de Raqqa correspondrait quand même au fameux " Plan B " annoncé par John Kerry en cas d'échec des négociations de la 3ème session de Genève 3, puisqu'on observe depuis leur interruption que les USA se sont arrangés pour maintenir la " trêve ", sont entrés sous prétexte de combattre Daech en Irak et dernièrement en Syrie, pour empêcher l'Armée syrienne de récupérer Raqqa et Deir ez-Zor avec ses alliés, notamment la Russie.
Propagande Le 30 mai, le Général Amin Hoteit revient sur les événements de la semaine dans les colonnes d'Al-Thawra : pour dégager quatre mobiles supplémentaires à l'offensive FDS/US sur Raqqa : 1. L'intention très claire des USA de faire pression sur Daech pour le pousser vers le nord, et plus particulièrement vers la ville d'Alep, afin d'empêcher l'Armée syrienne de la libérer complètement, auquel cas ils n'auraient plus grand-chose à négocier pour garantir leurs intérêts en Syrie. 2. La menace de partition par le projet d'une Syrie fédérale dont les USA et la Russie auraient préalablement discuté et qui aurait été volontairement divulgué à la presse locale sous la forme d'un " Projet russe pour une nouvelle Constitution en Syrie ". [Projet publié initialement par Al-Akhbar, puis démenti par la Russie et la Syrie. Il serait l'œuvre de l'Institut US " Carter " et aurait été rédigé en collaboration avec certains opposants syriens aux USA ; Ndt]. Une manœuvre par laquelle les USA chercheraient à atteindre deux objectifs : s'assurer l'entière collaboration des Kurdes en exploitant leur rêve d'un Etat indépendant ; faire pression sur les autorités syriennes en menaçant de briser l'unité du pays. 3. L'incitation de l'Armée syrienne à se diriger vers Raqqa pour une bataille à laquelle elle n'est peut-être pas suffisamment préparée. D'où deux risques majeurs qui serviraient les intérêts des USA : perdre à Raqqa, rater l'occasion de libérer Alep, voire perdre de nouveau Palmyre ; installer une animosité définitive entre les forces des YPG et le gouvernement central syrien. 4. Les rumeurs tendant à faire croire que les USA auraient la réelle intention de faire pression sur la Turquie pour qu'elle modifie son comportement à l'égard de Daech et des Kurdes à la fois. Ce qui n'entraînera certainement pas une confrontation entre ces deux pays alliés au sein de l'OTAN dont les prises de position ne dépassent pas le cadre d'un jeu de rôles, sans plus. Alors que sur le terrain, l'ouragan terroriste Daech souffle de Raqqa à A'zaz et Efrin. En effet : Daech a réussi cette semaine à intensifier sa présence dans le nord syrien en se dirigeant directement vers Mareh et A'zaz, s'en prenant à toutes les autres factions armées [lesquels fuient vers la Turquie qui leur ferme sa frontière ; Ndt] ; ce qui arrange les USA car l'avancée de Daech rend la bataille d'Alep plus difficile, surtout que la stratégie russe actuelle ne consiste plus à achever le grand nettoyage mais à protéger l'Armée syrienne contre les attaques terroristes et à maintenir les acquis précédents ; ceci parce que ses intérêts reposent sur la lutte contre le terrorisme et la création des conditions d'une solution pacifique.
Le jeu trouble de la Turquie La Turquie a ordonné à ses forces régulières de pénétrer le territoire syrien sur 700 mètres en direction d'Efrin. Une mission guerrière censée délivrer trois messages. Le premier aux USA afin de leur signifier son mécontentement pour l'assistance accordée aux Kurdes. Le deuxième aux kurdes pour leur dire qu'elle ne leur permettra pas de relier la région de Efrin à l'ouest à la région kurde de Aïn al-Arab/Kobané à l'est. Le troisième aux autorités syriennes pour réaffirmer que ce qui se passe au nord de la Syrie fait partie de sa sécurité nationale. Les Kurdes de l'YPG ont sans doute réalisé les dangers de leur offensive puisqu'ils semblent ne plus vouloir gouverner Raqqa, mais laisser le choix à ses habitants [contrairement à leur annonce initiale d'intégrer Raqqa à leur régions d'administration autonome ; Ndt]. S'ils ont bien évalué la situation, ils ont dû comprendre que leurs forces ne leur permettraient pas d'accomplir leur mission bien qu'ils soient soutenus par un millier de soldats et officiers US, lesquels ne combattront pas à leur côté, mais resteront sur les lignes arrières pour se contenter de les diriger, car les USA ne sont pas prêts à recevoir des cercueils en provenance de Raqqa, ni ne veulent mettre fin à cette guerre. Ils ont dû comprendre que l'humeur locale leur est défavorable et refuse de remplacer un violeur par un autre.
Pérenniser la guerre d'usure Finalement, tout ce qui précède indique que ladite " Bataille de libération de Raqqa par les USA " n'est rien d'autre qu'une manœuvre destinée à pérenniser leur " guerre d'usure par procuration " en empêchant l'Armée syrienne de libérer effectivement la Syrie du terrorisme qu'ils prétendent combattre, et un prétexte pour retarder le " processus politique " soutenu par la Russie, tant qu'ils ne tiennent pas les cartes pouvant leur permettre d'exercer les pressions susceptibles de l'orienter dans le sens de leurs seuls intérêts en Irak et en Syrie. Pour le moment, les USA restent réticents quant à une éventuelle coopération avec la Russie pour libérer définitivement Raqqa. Michelle Baldanza, porte-parole du Département américain de la défense, a indiqué à Sputnik que les USA " n'envisageaient pas actuellement une opération militaire conjointe avec les Russes ". D'après Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe d'analyses et de recherches politiques et sociales basé à Genève, cette réticence est liée à la différence de stratégies des deux pays en Syrie. " Je pense que c'est très difficile sur le terrain d'avoir une coordination entre la Russie et les Etats-Unis sur la scène syrienne. Pour une raison très simple. C'est que chaque pays à des objectifs totalement différents. Les Russes veulent stabiliser le pays, veulent que la sécurité règne et éliminer tous les terroristes. Mais les USA voient peut-être dans certaines branches des terroristes une force qui pourrait jouer un rôle fonctionnaliste, qui pourrait remplir cette tâche de diviser la Syrie ". Mais de l'avis de Karim Pakzad, même s'il y avait un plan quelconque de division de la Syrie, il serait voué à l'échec, car plusieurs acteurs s'y opposeraient. " Beaucoup parlent de cette division de la Syrie ou de l'Irak. Mis je pense qu'aucun pays occidental, ni la Russie ne sont prêts à reconnaitre certaines divisions. Parce que si jamais on reconnait une certaine division en Syrie, à ce moment-là il y aura une contagion… en Turquie, en Irak, en Iran. Et aucun de ces pays ne reconnaitra cette division. C'est pour cette raison je ne crois pas à cette éventualité ".
Le Front Al-Nosra se disloque La Russie s'était réservé le droit de frapper les groupes qui ne s'étaient pas joints à la trêve, unilatéralement à partir du 25 mai. Mais mercredi elle a reporté ces possibles frappes à la demande de certains groupes armés qui envisagent de prendre leurs distances avec le Front Al-Nosra et de commencer à respecter le cessez-le-feu. Selon le porte-parole du Ministère russe de la défense Igor Konachenkov, en quelques jours, le Centre de conciliation des belligérants basé en Russie a reçu une dizaine de demandes de la part des groupes armés de provinces syriennes dont principalement ceux d'Alep et de Damas. " Ils ont demandé de ne pas frapper avant qu'ils ne se distancient pas des combattants du Front Al-Nosra", a indiqué I. Konachenkov. Certaines de ces milices sont prêtes à fournir les coordonnées des territoires sous leur contrôle après que les terroristes aient été complétement chassés de ces régions. Selon Karim Pakzad, la volonté des groupes rebelles de se distinguer des terroristes d'Al-Nosra reflète un changement définitif de la situation en Syrie. " Cela veut dire que ces forces soutenues par les Américains commencent même à discuter de certains éléments militaires avec la Russie. Je pense qu'on ne peut pas combattre l'Etat islamique en Syrie et en Irak sans la collaboration entre l'Iran, la Russie, les USA et le régime syrien, et en Irak entre le gouvernement et les milices chiites et sunnites. Ces petits groupes ont compris que désormais ils n'ont pas d'avenir s'ils se collent toujours avec Al-Nosra. C'est la raison pour laquelle ils essayent aujourd'hui de s'éloigner d'Al-Nosra pour leur survie. C'est un élément essentiel qui montre qu'on est vraiment entré dans une période d'affaiblissement d'Al-Nosra et de Daech. Et l'offensive lancée par les Forces démocratiques syriennes dans le Nord de Raqqa le montre aussi. J'ai été à Bagdad il y a quelques jours et je vois que la situation commence à changer. "
Rationalisme syrien Les USA continuent pourtant d'avoir une attitude ambigüe vis-à-vis des terroristes du Front Al-Nosra. Le secrétaire du conseil de sécurité de la Russie M. Patrouchev l'a commenté mercredi: " Ils disent que l'opposition se trouve sur les mêmes territoires que le Front Al-Nosra, et c'est pour cette raison qu'il ne faut pas agir là-bas ". Riadh Sidaoui souligne le rôle décisif de l'opération russe en Syrie qui a permis à des forces d'opposition de réévaluer les choses. " C'est le rationalisme syrien. Cela veut dire que la guerre doit avoir fin un jour ou un autre, que le régime ne va pas tomber à la libyenne ou à l'irakienne en 2003. Le régime est encore solide. L'armée nationale syrienne est encore solide. En plus ses alliés sont déterminés. Ces opposants ont compris qu'ils ne pouvaient pas gagner dans l'autre camp. Ils sont en train de réviser leur position politique afin de prendre des positions plus rationnelles. L'intervention russe efficace, rapide, forte contre les terroristes a mis fin à tout espoir que le régime tombe et que les terroristes gagnent cette guerre. " Daech bat en retraite sous les coups des milices kurdes à Raqqa. Le parti kurde " l'Union démocratique " qui est aujourd'hui le fer de lance de l'offensive contre Daech en Syrie, est le principal partenaire en Syrie de la coalition internationale, mais aussi l'allié de la Russie. Ces milices entretiennent de bonnes relations avec les autorités russes depuis quelques années. Salih Muslîm, leur chef, était à la tête de la délégation kurde au moment des négociations avec l'opposition syrienne à Moscou, en janvier et en avril 2015. Il pourrait devenir également le représentant clé de la délégation kurde que la Russie propose d'associer aux pourparlers de Genève. La proposition de l'Union démocratique kurde de conjuguer les efforts russes, américains et ceux des Forces démocratiques syriennes intervient au moment crucial. Qu'en diront finalement les USA? La raison l'emportera-t-elle sur leurs ambitions?