Le gouvernement éthiopien a réprimé dans le sang les manifestations antigouvernementales du week-end, les forces de sécurité tuant plusieurs dizaines de personnes dans les régions Oromo (centre et ouest) et Amhara (nord). Amnesty International évoque près de 100 tués. L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International a fait état lundi de près de 100 morts et plusieurs centaines de blessés. Amnesty accuse les forces de sécurité d'avoir tiré à balles réelles sur des "manifestants pacifiques". Pour Merera Gudina, figure de l'opposition éthiopienne et président du Congrès du Peuple Oromo, "entre 48 et 50 manifestants ont été tués dans la région Oromo". "Ce bilan pourrait être beaucoup plus élevé, car il y a de nombreux blessés" par balle, a-t-il ajouté. Une source diplomatique en poste à Addis Abeba a pour sa part rapporté un bilan provisoire de 49 morts pour les deux régions, Oromo et Amhara. Selon cette source, au moins 22 personnes ont été tuées dans la région Oromo, dont 15 dans la seule localité de Nekempte. Le gouvernement éthiopien n'a pour le moment divulgué aucun bilan. Vendredi, le Premier ministre éthiopien Haile Mariam Dessalegn avait annoncé l'interdiction des manifestations "qui menacent l'unité du pays". Il avait autorisé la police à utiliser tous les moyens nécessaires pour les empêcher. Ces manifestations, aux motivations conjoncturelles différentes, ont en commun la critique croissante d'un appareil d'Etat essentiellement aux mains de responsables issus de la région du Tigré (nord). Ces derniers, à la tête du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), avaient chassé du pouvoir le dictateur Mengistu Haile Mariam en 1991. Ils forment depuis l'ossature de la coalition qui règne sans partage sur le pays. Depuis la fin 2015, la région Oromo, qui englobe la capitale Addis Abeba, est le théâtre de manifestations sporadiques, violemment réprimées par les autorités. Les manifestations dans la région Amhara ont débuté ces dernières semaines, mais ont très rapidement mobilisé beaucoup de monde. Dans les deux cas, le pouvoir a régulièrement accusé des forces étrangères, Erythrée en tête, et des "groupes terroristes", d'être à l'origine de ces mouvements de protestation. Samedi, de nouvelles manifestations se sont déroulées dans la région Oromo, y compris dans la capitale Addis Abeba habituellement épargnée. Et dimanche, ce fut au tour de la région Amhara. Ensemble, les deux régions abritent un peu plus de 60% de la population éthiopienne qui compte près de 100 millions d'habitants. Les autorités éthiopiennes ont bloqué samedi le réseau internet dans l'ensemble du pays ainsi qu'une partie des réseaux téléphoniques. Le réseau internet était de nouveau accessible lundi matin dans la capitale. A Addis Abeba, environ 500 manifestants oromo s'étaient rassemblés samedi matin sur Meskel Square, la place centrale de la capitale, les mains croisées au-dessus de la tête en signe de défiance. Ils ont été violemment dispersés, et pour certains arrêtés et embarqués dans des pick-up de la police. Ailleurs dans la région, la répression a été plus sanglante. Dans la localité de Nekempte, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule. Le lendemain, elles ont usé de la même violence dans la région Amhara. Selon Amnesty, au moins 30 manifestants ont été tués dimanche dans la seule ville de Bahir Dar (nord), la capitale régionale où plusieurs milliers de personnes avaient pris part à la manifestation.