Le Front Polisario a appelé vendredi le Conseil de sécurité à intervenir pour empêcher la construction par le Maroc d'une route traversant les territoires sahraouis, dénonçant le reniement des engagements antérieurs de l'ONU concernant ce projet. Dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité, juste avant la tenue d'une réunion de crise sur le Sahara occidental, le Front Polisario s'est dit "surpris" par la position de l'ONU qui semble "ignorer ses propres décisions" antérieures sur ce projet. L'ONU qui s'est opposé en 2001 et 2002 à la construction de cette route dont "certaines activités pourraient constituer une violation de l'accord de cessez-le feu", a cédé aujourd'hui au chantage du Maroc en acceptant de construire et de financer elle-même ce projet, a-t-il relevé. "Cela signifie que le l'ONU va devenir une société chargée de financer les projets du Maroc", alors qu'elle avait dans trois rapports précédents considéré ces travaux comme une violation de l'accord de cessez-le-feu, a précisé Ahmed Boukhari le représentant du Front Polisario auprès des Nations unies dans cette lettre. Et d'ajouter que le silence du Conseil de sécurité vis-à-vis de ces dépassements a été "interprété par le Maroc comme un feu vert pour imposer la construction de cette route comme un fait accompli". Le Front Polisario a rappelé à ce titre que toute "modification des réalités existant sur le terrain et découlant des accords sur le cessez-le-feu aura impérativement besoin de l'accord des deux parties du conflit". "Le Front Polisario, qui réaffirme son engagement pris aux termes de l'accord sur le cessez-le-feu, ne peut en aucun cas accepter la construction de cette route par le Maroc ou par une partie tierce dans la mesure où il est (le projet) et reste le résultat direct et la conséquence de la violation de l'accord", a-t-il affirmé. Les membres du Conseil de sécurité ont été l'objet "d'une tromperie délibérée" de la part de Rabat qui a tenté de justifier la réalisation de ce projet par une prétendue opération de lutte contre la contrebande, alors que le Maroc, ayant œuvré pendant des années à inonder la région de drogue, est connu pour être le premier producteur de cannabis au monde, a souligné le Front dans sa lettre. Bien au contraire, la construction de cette route ne fera qu'accentuer ce phénomène en offrant aux contrebandiers une voie de passage pour leur trafic, a-t-il estimé. Rabat a ignoré l'appel du secrétaire général de l'ONU qui avait exprimé objectivement et publiquement sa préoccupation au sujet des développements survenus dans la zone d'Alguergarat en exhortant le Maroc à respecter l'accord militaire N 1, a poursuivi le Front Polisario. Ahmed Boukhari a expliqué que le Front Polisario avait déployé des forces spéciales sur une distance de 2 km pour "éviter que le cessez le feu ne soit violé en toute impunité". Cette décision a été communiquée au commandant de la force intérimaire de la Minurso, a-t-il indiqué. Le représentant du Front Polisario a exhorté l'organe onusien à assumer ses responsabilités en aidant à rétablir la situation antérieure qui prévalait avant le 11 août dernier. Dans ce cas, "le Front Polisario retirera ses forces déployées le 28 août pour réaffirmer de manière franche et transparente sa volonté de paix et de coopération avec les efforts de l'ONU en vue de parvenir à une solution pacifique, juste et durable" au conflit, a-t-il conclu. Une réunion à huis clos du Conseil de sécurité a été prévue hier après midi pour examiner la situation sécuritaire dans cette zone sensible située à la frontière avec la Mauritanie. La situation sécuritaire dans la zone d'Alguergarat reste tendue, selon l'ONU, malgré les efforts de médiation de la Minurso (mission de l'Onu pour l'organisation d'un référendum au Sahara Occidental). Les deux camps "ont maintenu leurs positions à environ 120 mètres les uns des autres", a indiqué mercredi le porte parole de chef de l'ONU, Stéphane Dujarric. Les Nations Unies redoutent en effet "une reprise des hostilités, avec un risque d'implications régionales", a-t-il averti. Dans une note transmise pour information au Conseil de sécurité le 28 août, le secrétariat général de l'ONU a affirmé que le Maroc a mené du 16 au 25 août une opération sécuritaire sans avertir au préalable la Minurso, violant l'accord militaire numéro un. Le chef de l'ONU, Ban Ki-moon, cité dans ce document s'est dit préoccupé par ces événements et a souligné l'importance de respecter les obligations de l'accord de 1991. L'escalade marocaine dans cette zone vise à saper les efforts de l'ONU qui compte lancer une proposition formelle pour relancer les négociations sur le Sahara Occidental occupé.