Avec un déficit qui devrait repartir à la hausse l'an prochain, le commerce extérieur demeure le talon d'Achille de l'économie française, en dépit des efforts affichés du gouvernement pour améliorer la compétitivité des entreprises. Après l'annonce début août de la nette détérioration de la balance commerciale de biens au premier semestre, le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur Matthias Fekl avait prévenu: la France risque de rater son objectif de réduction du déficit des échanges de biens, fixé à 40,3 milliards dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016. Fin septembre, verdict: dans le PLF pour 2017, le gouvernement a révisé ce chiffre à 45,3 milliards d'euros pour cette année. Et pour l'an prochain, il table désormais sur un déficit repartant nettement à la hausse, à 48,9 milliards d'euros. Une aggravation que Bercy explique notamment par "l'effet du Brexit et d'une nouvelle dégradation du solde commercial énergétique en lien avec la remontée du prix du pétrole", dans le rapport économique, social et financier accompagnant le PLF. Mauvais ciblage du CICE Avec de tels chiffres, le commerce extérieur devrait dès lors coûter 0,4 point de croissance à la France cette année, et 0,2 point l'an prochain, anticipe le ministère des Finances. "Le déséquilibre du commerce extérieur français a encore tendance à se creuser malheureusement, malgré les politiques qui ont été mises en place ces derniers temps, comme le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE)", déclare Paul Chollet, économiste France chez Coface. Mise en place à l'origine pour profiter aux entreprises exportatrices françaises et leur faire gagner en compétitivité, cette mesure a "finalement profité essentiellement aux entreprises de services qui n'exportent pas beaucoup", explique-t-il. Dans un récent rapport sur l'impact du dispositif, qui ne porte toutefois que sur les années 2013 et 2014, France Stratégie, organisme d'expertise placé auprès du Premier ministre, a constaté que s'il avait aidé les entreprises à améliorer sensiblement leurs marges, il n'avait pas eu en revanche d'impact de court terme sur l'investissement et les exportations. En cause, le ciblage du CICE, qui s'adresse aux entreprises dont les salariés touchent moins de 2,5 fois le Smic. Or, "on constate que dans l'industrie et les entreprises qui ont une valeur ajoutée assez forte, on a plutôt une masse salariale supérieure à ce ratio", souligne M. Chollet. Par ailleurs, même si la France a tout de même gagné en compétitivité vis-à-vis de l'Allemagne, comme en témoigne le coût horaire de la main d'œuvre dans l'industrie, elle n'a pas forcément progressé face à d'autres concurrents, a relevé jeudi Dorian Roucher, responsable de la synthèse conjoncturelle à l'Insee, lors d'une conférence de presse. "Les pays d'Europe du sud, comme l'Espagne, dans une politique de modération salariale", a-t-il indiqué. "Bon et mauvais déficit" Denis Ferrand, directeur de l'institut COE-Rexecode, observe toutefois quelques signes positifs. "Quand on regarde le déficit du commerce extérieur, c'est un peu comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais déficit", déclare-t-il. Au titre du "mauvais déficit", l'expert cite les retards de livraison d'Airbus du premier semestre et la mauvaise récolte agricole dans l'Hexagone. Du côté du "bon déficit" en revanche, M. Ferrand observe un "phénomène nouveau, qui est que l'investissement, notamment des entreprises, est un peu plus positif". Or, en investissant, les entreprises acquièrent des biens d'équipement "qui sont principalement importés désormais", explique-t-il. "Cela pénalise fortement le commerce extérieur parce qu'on n'est plus producteurs de biens d'équipement, mais c'est révélateur d'un changement d'esprit et cela constitue peut-être un espoir de restauration ultérieure de la compétitivité, cet investissement étant propice à une montée en gamme", poursuit-il. "Fondamentalement, une politique de restauration de la compétitivité demande du temps, demande à être maintenue avant qu'elle puisse commencer à porter ses fruits", plaide l'économiste, qui table pour sa part sur un déficit de 50 milliards d'euros en 2016 et de 58 milliards en 2017 - soit nettement plus que ce que prévoit Bercy.