La croissance économique chinoise est attendue en ralentissement au troisième trimestre, en dépit du sursaut de certains indicateurs et d'une envolée du marché immobilier, selon un panel d'analystes, qui pointent la dangereuse embardée de la dette du pays. D'après la prévision médiane de 18 experts, la Chine aurait vu la croissance de son produit intérieur brut (PIB) ralentir à 6,6% de juillet à septembre, après s'être stabilisée à 6,7% au deuxième trimestre. Ce serait le plus faible taux de croissance trimestriel de la deuxième économie mondiale depuis sept ans. Le chiffre officiel du gouvernement, publié mercredi, sera scruté de près en dépit de sa fiabilité très contestée. Même affaibli, le géant asiatique reste l'un des principaux moteurs de la croissance planétaire, la première puissance commerciale et un grand consommateur de matières premières, qui oriente largement les marchés mondiaux. Certes, les salves d'assouplissements monétaires adoptées depuis fin 2014, de larges rabais fiscaux et surtout une envolée des investissements immobiliers dopés par le crédit bon marché ont favorisé un récent sursaut de l'activité manufacturière. Celle-ci a continué de croître en septembre, confortant son net rebond d'août, selon un indice gouvernemental, tandis que les prix à la production --baromètre de la demande industrielle-- ont rebondi en septembre après plus de quatre années de replis consécutifs. Sans pour autant gonfler le PIB sur l'ensemble du trimestre. "C'est une reprise économique modérée, aidée par les mesures de relance des autorités", tandis que les dépenses publiques restent élevées et la politique monétaire très accommodante, indique Shen Jianguang, analyste de Mizuho.
Bulle immobilière "La production industrielle, les investissements, les ventes au détail ont connu des signes d'amélioration en juillet et août, tandis que les ventes immobilière ont continué de grimper solidement en septembre", abonde Rong Jing, économiste de BNP Paribas. Le spectaculaire redressement du marché immobilier joue un rôle-clef: immobilier et construction représentent environ 15% du PIB chinois et soutiennent la production manufacturière (matériaux, électroménager). Les grandes métropoles ont vu le prix du mètre carré neuf s'envoler de 14% sur un an en septembre, voire de 26% à Pékin et de 38% à Shanghai, selon le cabinet China Index Academy. Mais l'immobilier, que les Chinois plébiscitent faute d'autres placements fiables et rémunérateurs, n'est pas une martingale: la fièvre des achats d'appartements est largement alimentée par une embardée des prêts et la spéculation. "La bulle immobilière continuera à gonfler si les autorités ne renforcent pas les restrictions" à l'achat, déjà adoptées dans plusieurs dizaines de villes pour juguler le marché et éviter une crise financière, observe M. Shen. A la suite de ces mesures restrictives grandissantes, plusieurs experts s'attendent à une "correction" du secteur, qui verrait les prix reculer et alimenter le ralentissement général de l'économie.
Spectre de l'endettement Le régime communiste vante ses efforts de rééquilibrage du modèle économique chinois --en réduisant les colossales surcapacités qui plombent l'industrie, en éliminant les sociétés publiques "zombies" fortement endettées et en dopant la consommation intérieure et le secteur des services. La transition s'avère douloureuse: la croissance chinoise est tombée à son plus bas niveau depuis un quart de siècle en 2015 (+6,9%) et pourrait descendre à 6,6% sur l'ensemble de 2016, selon le panel d'analystes. Pékin vise pour cette année une croissance entre 6,5% et 7%. Mais pour tenir ses objectifs et éviter une dégradation trop rapide l'an prochain, il devra soutenir à tout prix l'activité, en particulier face à une demande internationale atone (les exportations ont encore plongé de 10% en septembre). Or, "il n'y a plus de marge pour de nouveaux assouplissements monétaires (...) qui seraient extrêmement compliqués étant donné la résolution du gouvernement central à s'attaquer aux bulles financières" et au crédit excessif, confie Rong Jing, de BNP. Il faut donc plutôt s'attendre à "des dépenses (publiques) accrues dans les infrastructures, avec l'accent mis sur les infrastructures au sein des villes plutôt que dans les chemins de fer", prévoit Brian Jackson, de l'institut IHS. "Pour autant, ce surcroît de dépenses ne sera pas suffisant pour compenser l'impact du ralentissement immobilier" en 2017, ajoute-t-il. La dette publique et privée, qui avoisine 250% du PIB, alimente le spectre d'une crise financière, à l'heure où gonflent déjà les ratios de créances douteuses des banques. Néanmoins, soucieux de maintenir l'activité, Pékin pourrait se garder de resserrer sa politique monétaire --quitte à conserver l'épée de Damoclès de la dette actuelle et à laisser filer le crédit.
Hausse des prix sortie d'usine Les prix sortie d'usine en Chine, baromètre de la demande industrielle, ont enregistré en septembre leur première hausse depuis plus de 4 ans, signe d'un timide sursaut de l'activité dans la deuxième économie mondiale, tandis que l'inflation accélérait plus fortement qu'attendu. L'indice PPI des prix sortie d'usine, qui reflètent l'ampleur de la demande pour les produits industriels, a progressé de 0,1% sur un an en septembre, a annoncé vendredi le Bureau national des statistiques (BNS). Cette très légère reprise, inattendue, met un terme à 54 mois de recul consécutifs, qui traduisaient une demande atone et de massives surcapacités de production, obligeant les entreprises à casser les prix. La glissade sans fin des prix sortie d'usine depuis janvier 2012 contribuait en retour à plomber encore davantage le secteur, les clients ayant tendance à reporter des commandes dans l'attente de meilleures offres, tout en asséchant les ressources d'entreprises souvent déjà très endettées. Mais depuis le printemps, la baisse du PPI se modérait déjà de façon fulgurante, avec un repli de seulement 0,8% en août, contre -4,3% en mars, suggérant une embellie de la demande intérieure alors même que les exportations chinoises continuaient de s'effondrer spectaculairement. De son côté, la hausse des prix à la consommation, principale jauge de l'inflation dans le pays, s'est établie en septembre à 1,9% sur un an, selon le BNS, rebondissant très fortement après être tombé en août à 1,3%, son plus bas niveau depuis près d'un an. Cette soudaine accélération de l'inflation --encore une fois gonflée par les prix alimentaires-- est bien plus rapide que ce qu'attendaient les analystes sondés par l'agence Bloomberg, qui misaient sur une hausse de 1,6% --ainsi que sur un nouveau repli du PPI. Ces chiffres semblent refléter une modeste embellie de la demande en Chine --autant de la part des ménages que des entreprises manufacturières après une accélération de la production industrielle en août--, mais pour autant, tout sursaut pourrait s'avérer précaire. La conjoncture dans le géant asiatique reste morose: le commerce extérieur chinois, pilier de son économie, a ainsi essuyé un gros coup de froid en septembre avec un repli conjugué des exportations et des importations. De colossales surcapacités plombent encore des pans entiers de l'industrie, et l'envolée du massif endettement privé dans le pays menace de fragiliser l'ensemble de l'économie. Et de l'avis des analystes, une possible stabilisation au troisième trimestre de la croissance du Produit intérieur brut (PIB), dont le chiffre officiel sera publié la semaine prochaine, sera des plus fragiles --à moins de nouvelles vigoureuses mesures de relance par Pékin.