L'inflation en Chine s'est stabilisée en mars, sur fond d'envolée persistante des prix alimentaires, tandis que les prix de vente à la sortie des usines connaissaient une légère embellie, possible signe d'une stabilisation de l'activité. La hausse des prix à la consommation, principale jauge de l'inflation dans la deuxième économie mondiale, s'est établie le mois dernier à 2,3% sur un an, soit au même niveau qu'en février, a annoncé lundi le Bureau national des statistiques (BNS). Les analystes sondés par l'agence Bloomberg tablaient eux sur une légère accélération (+2,4%). Encore une fois, le renchérissement des prix alimentaires a pesé lourd, avec une hausse de 7,6% sur un an, supérieure au bond déjà enregistré en février quand les congés du Nouvel an lunaire renfor- çaient la demande de victuailles. Les festivit és sont terminées, mais les prix alimentaires peinent à dégonfler: ils n'ont reculé que de 1,8% en mars par rapport au mois précédent. Les prix des légumes se sont envolés de 36% sur un an, tandis que ceux du porc (viande incontournable des tables chinoises) grimpaient de 28,4%. Yu Qiumei, expert du BNS, pointe la récente vague de froid, qui a durablement pénalisé les récoltes, et le déclin persistant des volumes d'élevages porcins. L'inflation chinoise reste bien en-deçà du niveau-cible d'"environ 3%" que s'est fixé Pékin pour 2016. Mais la violente accélération de la hausse des prix à la consommation ces derniers mois (l'inflation n'était que de 1,3% en octobre) pourrait inciter les autorités à ménager une pause dans leurs efforts de relance, estimaient plusieurs analystes. PRESSION MOINDRE POUR LES USINES Après s'être inquiété de sévères tensions déflationnistes --l'inflation avait glissé sous 1% début 2015--, Pékin pourrait désormais s'alarmer d'une hausse des prix trop rapide. En conséquence, "la banque centrale (PBOC) pourrait se montrer moins énergique en terme de mesures d'assouplissement de sa politique moné- taire" à court terme, soulignait dans une note Raymond Yeung, de la banque ANZ. En vue de stimuler l'activité, l'institution avait réduit par six fois ses taux d'int érêt depuis fin 2014, et abaissé à de multiples reprises les ratios de réserves obligatoires imposés aux banques. "Ces ratios pourraient être abaissés encore une fois en 2016, mais pas à trois reprises comme nous l'anticipions auparavant", commentait M. Yeung. D'autant que plusieurs facteurs tendent à dissiper les risques déflationnistes: les prix de l'immobilier se reprennent après une longue période entre stagnation et recul, et les cours des matiè- res premières -minerai de fer, pétroleremontent. Autre signal encourageant dévoilé lundi: l'indice qui mesure l'évolution des prix à la vente à la sortie d'usine (PPI) a rebondi de 0,5% en mars par rapport à février, sa première hausse en glissement mensuel depuis deux ans et demi. Un sursaut de l'activité et un renchérissement des prix des matériaux ont pu donner une bouffée d'oxygène aux industriels, relevait Yang Zhao, analyste de Nomura. Pour autant, le PPI a reculé en mars de 4,3% sur un an, son 49e mois consécutif de baisse en glissement annuel, même s'il modère son repli par rapport à février (- 4,9%). Cet indice rappelle les déboires du secteur manufacturier chinois, contraint de sacrifier ses prix de vente dans un contexte de baisse des exportations et de demande intérieure atone. Yang Zhao restait prudent: selon lui, l'inflation devrait se stabiliser à 2,4% pour l'ensemble de l'ann ée, et la PBOC conservera donc une marge de manoeuvre pour réduire encore ses taux d'intérêt en 2016. De fait, la conjoncture économique reste très fragile, et la croissance du PIB chinois, après avoir glissé l'an dernier au plus bas depuis un quart de siècle, devrait continuer de s'enfoncer. PLOMBER LA CROISSANCE DE L'ASIE EN DEVELOPPEMENT L'essoufflement de l'économie chinoise va tirer vers le bas la croissance des pays en développement du Pacifique et de l'Asie de l'Est jusqu'en 2018, a prédit la Banque mondiale lundi, mettant en garde contre l'impact de la volatilité des places financières mondiales. La croissance dans cette zone devrait ralentir, passant de 6,5% en 2015 à 6,3% en 2016 et 6,2% en 2017 et 2018, selon les dernières prévisions de la BM. Toutefois, les économies du Sud-Est asiatique, Vietnam et Philippines en tête, tireront leur épingle du jeu et connaîtront une croissance robuste. Les perspectives régionales reflè- tent la transition graduelle de l'économie chinoise, la deuxième économie mondiale, vers un modèle plus durable, avec une croissance attendue à 6,7 % cette année et à 6,5% en 2017 et 2018, contre 6,9% en 2015, au plus bas depuis un quart de siècle. La Chine poursuit de douloureuses réformes structurelles, cherchant à s'appuyer davantage sur les services, les nouvelles technologies et la consommation intérieure, plutôt que sur les exportations et l'industrie lourde. En Chine, "la poursuite des réformes doit soutenir le rééquilibrage continu de la demande intérieure", déclare la Banque mondiale. "En particulier, la croissance des investissements et de la production industrielle va se modérer, reflétant les mesures pour limiter la dette publique, réduire les surcapacités industrielles et réorienter les mesures de relance fiscale vers le secteur social", dit la BM. Victoria Kwaka, prochaine vice-présidente de la BM chargée de l'Asie de l'Est et du Pacifique, note que les pays en développement de la région ont représenté en 2015 "près des deux cinquièmes de la croissance mondiale". "La région a béné- ficié de politiques macroéconomiques prudentes, y compris d'efforts de relance intérieure dans certaines économies exportatrices de matières premières. Mais le maintien de la croissance dans des conditions internationales difficiles va nécessiter de continuer à progresser sur la voie des réformes structurelles", ajoute-telle. La région est cependant exposée à des "risques élevés" liés la faiblesse de la reprise dans les économies avancées et la possibilité que le ralentissement chinois soit plus fort qu'attendu, prévient Sudhir Shetty, économiste de la BM. "Il s'agit d'une période très volatile pour l'économie mondiale. Tous les pays doivent faire preuve de prudence", a-t-il déclaré. "Il n'a a pas beaucoup de marges de manœuvre macro-économiques". Les diff érents gouvernements "doivent se créer des matelas fiscaux (....) parce qu'il va y avoir de rudes secousses, qui vont nécessiter la mise en œuvre de politiques fiscales". Pour la BM, l'Asie de l'Est et le Pacifique comprennent la Chine, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Birmanie, la Mongolie, les Fidji, la Papouasie-Nouvelle Guinée, les Iles Solomon et le Timor oriental.