Le Fonds monétaire international a exprimé ses inquiétudes sur l'état de santé des banques occidentales et particulièrement européennes, au moment où la situation de Deutsche Bank et des établissements italiens préoccupent les marchés. Menacée d'une lourde amende par les Etats-Unis pour un litige lié aux subprime, la banque allemande a récemment fait dévisser les bourses européennes, inquiètes de la fragilité du secteur. Deutsche Bank fait partie des banques d'investissement qui "essayent de délaisser un modèle d'activité dépassé" qui repose sur le gigantisme, a estimé Peter Dattels, le directeur adjoint du département Marchés financiers lors d'une conférence de presse. Selon lui, la banque allemande doit continuer à "convaincre les investisseurs que son modèle d'activité est viable dans l'avenir et qu'il s'est attaqué aux risques provenant des contentieux" en cours. Plus généralement, les institutions financières dans les économies avancées font face à une "série de défis structurels et conjoncturels et doivent s'adapter à cette nouvelle ère de faible croissance et de taux d'intérêts bas", indique le FMI dans son nouveau rapport sur la stabilité financière.
Sauvetage public La réglementation accrue du secteur, le faible coût du crédit et le poids des créances douteuses minent la rentabilité de ces banques comme leur capacité à soutenir la croissance et pourraient au final "affecter la stabilité financière", met en garde le FMI. Leur capitalisation boursière globale a fondu de 430 milliards de dollars sur fond d'activité économique atone, note le rapport. Mais même en cas de forte reprise, plus d'un quart des banques des pays riches --qui gèrent 11.700 milliards de dollars d'actifs, soit quatre fois le PIB de la France-- resteraient "faibles et confrontées à d'importantes difficultés". La situation est particulièrement alarmante en Europe où certaines banques continuent de se débattre avec des "niveaux encore très élevés de créances douteuses" qui pourraient se transformer en pertes sèches, assure le FMI. Le secteur en Europe doit être réformé en profondeur en réduisant le nombre d'établissements et en limitant la coûteuse rémunération des dépôts bancaires notamment en France avec l'objectif de renouer avec la rentabilité, plaide le Fonds. "Sans une amélioration sensible de la capacité des banques fragiles à générer suffisamment de capitaux en interne, les investisseurs risquent d'hésiter avant d'injecter de l'argent frais pour compenser les pertes liées aux créances douteuses", écrit le FMI. Le seul recours des banques en difficulté serait donc de demander un renflouement public, ce que plusieurs pays européens ont déjà repoussé avec force. Le gouvernement allemand a ainsi récemment rejeté tout "plan de sauvetage" public pour venir en aide à Deutsche Bank, qui pourrait avoir à payer plusieurs milliards de dollars d'amende aux Etats-Unis. Le FMI a par ailleurs réfuté l'idée que les Etats-Unis seraient plus sévères avec les banques étrangères qu'avec leurs homologues américaines en leur imposant de plus lourdes pénalités. "En réalité, quand vous regardez l'ampleur de ces amendes, vous vous rendez compte que les institutions américaines ont plus souffert que d'autres pays", a estimé Matthews Jones, assistant directeur du département Marchés financiers.
L'endettement mondial à des niveaux record La dette publique et privée dans le monde a atteint un montant sans précédent au point d'être plus de deux fois supérieure à la richesse économique créée sur le globe, a prévenu le Fonds monétaire international (FMI) mercredi. En excluant le secteur financier, l'endettement global s'élevait à la fin 2015 à 152.000 milliards de dollars, soit 255% du produit intérieur mondial exprimé en nominal, selon un nouveau rapport publié par le Fonds. "De hauts niveaux de dette sont coûteux parce qu'ils conduisent souvent à des récessions financières qui sont plus marquées et plus longues que les récessions normales", a estimé Vitor Gaspar, directeur du département des affaires budgétaires au FMI. Cette flambée de l'endettement tient principalement au secteur privé, qui a profité à plein de l'ère de "l'argent pas cher" alimentée par les politiques monétaires ultra-accommodantes des grandes banques centrales. Sur fond de croissance atone, cet endettement se révèle toutefois aujourd'hui un lourd handicap pour de nombreuses entreprises, notamment en Chine. "Une dette privée excessive constitue un grand frein à la reprise mondiale et un risque pour la stabilité financière", a estimé M. Gaspar. Les pays ont également vu leur dette publique gonfler et souffrent eux aussi de la conjoncture économique morose, qui les empêche de réduire ce fardeau, souligne le FMI. La dette du Japon devrait atteindre 250% de son produit intérieur brut cette année, celle de la Grèce 183% tandis que celle de la France devrait frôler les 100%, selon les nouvelles projections du FMI.
La BCE ne voit pas de risque de crise bancaire La Banque centrale européenne (BCE) ne perçoit pas de risque de crise bancaire dans la zone euro, malgré quelques "cas individuels" d'établissements en difficulté, a déclaré l'un des responsables du Mécanisme de surveillance unique (MSU), l'organe de supervision bancaire de la BCE. L'environnement de taux bas et l'accumulation de créances douteuses alimentent les craintes sur la santé financière des banques européennes. Celles-ci ont été aggravées par l'amende de 14 milliards de dollars (13,6 milliards de francs) que risque Deutsche Bank aux Etats-Unis. Ignazio Angeloni a cependant déclaré mercredi à Milan que le système bancaire européen était solide. "Il y a des cas individuels de banques avec des problèmes mais le système est solide", a dit ce membre du conseil de surveillance prudentielle de la BCE. "Il existe des instruments de supervision et financiers pour traiter les situations particulières. Nous ne voyons pas les préconditions d'une crise systémique." La BCE s'efforce de permettre aux banques de se débarrasser d'un total de 900 milliards d'euros de créances douteuses héritées de la crise financière de 2007-2009. Il s'agit notamment de leur demander de fixer des objectifs chiffrés de niveaux de créances douteuses qu'elles espèrent atteindre dans des délais d'un et trois ans, selon des directives de la BCE publiées le mois dernier. Ignazio Angeloni a reconnu que ce processus prendrait du temps mais qu'il fallait le lancer sans délai. "Nous devons avoir conscience que la solution, même pour les banques où le problème est le plus aigu, ne peut pas être très rapide. Mais précisément parce qu'il s'agit d'un long processus, il devrait démarrer immédiatement", a-t-il dit.