Le conglomérat industriel japonais Toshiba tombe dans une nouvelle crise après avoir mal calculé les risques du rachat par sa filiale nucléaire Westinghouse d'une société du même secteur aux Etats-Unis. Son action était massacrée en Bourse mercredi (-20,42% à la clôture à 311,6 yens) après -12% la veille, alors que le groupe a avoué un risque de dépréciations massives d'actifs de "plusieurs milliards de dollars" sur son activité nucléaire américaine. Il redoute naturellement un impact négatif sur ses comptes annuels. Toshiba est d'autant plus mal qu'il a perdu en partie la confiance des marchés en raison de malversations financières révélées mi-2015. Le groupe, qui fabrique aussi bien des semi-conducteurs que des ordinateurs, ascenseurs, robots ou réacteurs nucléaires, est toujours sous haute surveillance. Il y a un an pourtant, le géant japonais se félicitait de l'acquisition par Westinghouse de CB&I Stone & Webster, firme qui agit dans le domaine de la construction des sites nucléaires. "Nous avions jugé à l'époque que les avantage du rachat étaient supérieurs aux risques", a expliqué le PDG de Toshiba, Satoshi Tsunakawa, mardi soir, lors d'une conférence de presse. Mais l'étude attentive des coûts auxquels est exposée cette firme a fait déchanter Toshiba. "Cette réévaluation a été trop tardive", a déploré le patron. Les règles comptables américaines imposent une estimation des valeurs des actifs dans l'année suivant leur rachat. Dans le cas présent, Westinghouse a mésestimé au départ le coût de projets dans lesquels était embarquée S&W et accuse aujourd'hui le vendeur, Chicago Bridge & Iron, de ne pas avoir tout dit, une dispute portée devant un tribunal aux Etats-Unis. Du coup, la probabilité est haute pour Westinghouse et Toshiba de devoir prendre en compte une charge exceptionnelle phénoménale toujours en cours d'examen. Et le patron de Toshiba de ne pas exclure une révision de la place de l'activité nucléaire au sein du groupe: "à l'heure actuelle, nous n'avons pas pris de décision, mais à l'avenir c'est une possibilité". L'ombre de Fukushima Le secteur nucléaire en général et japonais en particulier traverse une très mauvaise passe depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, déclenchée par un énorme tsunami au nord-est du Japon en mars 2011. Parce que ce désastre a eu lieu dans un pays où les techniques étaient considérées comme les plus sûres, les plans de construction ont dû être amplement revus pour renforcer la sûreté des nouvelles installations. La réévaluation des coûts des projets de S&W découle, selon la direction de Toshiba, des changements structurels induits par cette nécessité de prendre davantage de précautions. Toshiba est ainsi de nouveau dans une situation délicate alors que l'entreprise espérait pouvoir se tirer d'affaire après la restructuration suivant un retentissant scandale de manipulation de comptes. "Une perte de plusieurs milliards de dollars, même si elle est partiellement compensée par des meilleurs résultats dans d'autres activités, va entraîner des craintes sur le capital du groupe", mettent en garde dans une note Yutaka Ban et Kentaro Harada, analystes de SMBC Nikko. En partie discréditée, l'entreprise n'est pas dans la meilleure posture pour lever des fonds. "Il existe un risque pour la trésorerie à court terme", préviennent les deux experts de SMBC. La direction s'est dite prête mardi à envisager une augmentation de capital et a prévenu qu'elle pourrait aussi avoir besoin de l'aide des banques, avec qui des discussions doivent avoir lieu sous peu, selon la presse. Toshiba estimait jusqu'à présent pouvoir terminer l'année budgétaire avec un confortable bénéfice net de 145 milliards de yens (1,2 milliard d'euros), mais ce chiffre peut d'ores et déjà être considéré comme caduc, d'où la fuite des actionnaires. Le groupe a promis de donner au plus vite de nouvelles prévisions. Sans attendre, Standard & Poor's, Moody's et une autre agence de notation, la japonaise R&I, ont dégradé la note du conglomérat, menaçant même de sanctionner davantage plus tard. "Nous pensons que ses capitaux propres subiront une érosion considérable, augmentant ainsi la probabilité que son activité et sa situation financière subissent de nouvelles tensions", a justifié S&P dans un communiqué. Reste que tout n'est pas négatif chez Toshiba, notamment du fait de la présence de piliers d'activité autres. "Il existe des éléments positifs comme la baisse des coûts de restructuration, la progression du côté de l'activité des mémoires Flash et la hausse du dollar face au yen" qui laisse espérer des rentrées meilleures que prévu en provenance de l'étranger, souligne dans une note Masaya Yamasaki de Nomura Securities. L'action dévisse L'action du conglomérat japonais Toshiba a encore chuté de 17% jeudi à la Bourse de Tokyo, après avoir déjà abandonné environ 30% au cours des deux précédentes séances, sur fond de craintes de pertes massives et de manque de liquidités. Le titre est tombé à 258,7 yens, soit un recul de 16,97%, ou 52,9 yens de moins que la veille à la fermeture. En trois jours, l'action a perdu quasiment tous les gains de l'année qui se montaient lundi soir à 77%. Confirmant des informations de presse, Toshiba avait annoncé mardi craindre de devoir enregistrer une dépréciation d'actifs de "plusieurs milliards de dollars" sur son activité nucléaire américaine et a vu mercredi ses notes dégradées par les grandes agences de notation Standard & Poor's et Moody's. Son action est massacrée en Bourse depuis mardi, alors que le groupe redoute naturellement un impact négatif sur ses comptes annuels. Toshiba subit les mauvais calculs de sa filiale américaine Westinghouse qui a racheté la société CB&I Stone & Webster, firme qui agit dans le domaine de la construction des sites nucléaires, mais s'est rendu compte tardivement que les coûts auxquels cette dernière devait faire face étaient bien supérieurs aux attentes et que la dévaluation à comptabiliser risquait d'atteindre plusieurs milliards de dollars. La probabilité est donc forte pour Westinghouse et Toshiba de devoir prendre en compte une charge exceptionnelle phénoménale toujours en cours d'examen. Il existe "des inquiétudes concernant la durabilité de la trésorerie à court terme de Toshiba, ainsi que l'érosion substantielle et rapide de ses fonds propres", a expliqué Masako Kuwahara, analyste principal de Moody's cité dans un communiqué. "Bien que Toshiba n'ait pas encore évalué le montant exact de la dévalorisation escomptée, ses paramètres financiers vont probablement se détériorer davantage", a-t-il ajouté. Selon l'agence, la capacité de Toshiba à maintenir sa solvabilité dépendrait de la bonne volonté de ses banques à lui fournir un soutien continu. "La disponibilité d'un tel soutien dans une telle situation est actuellement incertaine", a insisté Moody's. Des discussions à ce propos vont débuter, selon les médias nippons. "Le bénéfice net de Toshiba pour l'ensemble de l'exercice 2016/17 sera probablement inférieur à ses prévisions antérieures, et nous pensons donc que ses capitaux propres subiront une érosion considérable, augmentant ainsi la probabilité que son activité et sa situation financière subissent de nouvelles tensions", a de son côté souligné S&P.