Le projet de collaboration de l'Union européenne (UE) avec la Libye qui aboutirait à un accord semblable à celui conclu avec Ankara en mars dernier sur le renvoi des réfugiés semble sur le point de se concrétiser en dépit de l'indignation que suscite cette perspective. Jeudi, le président du Conseil européen, Donald Tusk a estimé que l'objectif de fermer la route de la Méditerranée centrale, devenue la voie principale des migrations vers l'Europe, est "à la portée" de l'UE. Affirmant qu' "il est temps de fermer la route allant de la Libye à l'Italie", Donald Tusk a assuré lors d'un point de presse conjoint avec le chef du gouvernement libyen d'union nationale, Fayez Al- Sarraj, que l'objectif est "à notre portée". Le président du Conseil européen, qui représente les 28 Etats membres, a appelé lundi les dirigeants européens à "une action immédiate et urgente" avec la Libye et sa région pour freiner l'arrivée des migrants empruntant la route de la Méditerranée centrale. Selon l'Organisation internationale de la migration (OIM), la route de la Méditerranée centrale a été, en 2016, la principale voie d'accès à l'Europe pour plus de 180 000 personnes, venues en grande majorité d'Afrique, à travers la Libye. Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement prévu ce vendredi à La Valette (Malte) aura pour principale vocation d'affirmer la volonté européenne commune d'agir afin d'enrayer ce phénomène. Cependant, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a mis l'accent sur le fait que la crise migratoire n'est que "l'un des aspects parmi tant d'autres abordés" lors de ses entretiens avec le chef du gouvernement libyen d'union nationale. "Les efforts de l'UE se concentrent sur le partenariat et le soutien au gouvernement libyen pour l'aider à contrôler tout le pays", selon la haute représentante de l'UE aux affaires étrangères et la politique de sécurité qui s'exprimait lors d'un point de presse à l'issue de la rencontre. Nécessité de respecter la souveraineté nationale de la Libye Affichant la volonté de son gouvernement à apporter sa contribution pour freiner l'afflux des migrants irréguliers vers l'Europe, Fayez Al-Sarraj a souligné que l'apport de la Libye se fera dans le cadre du "respect de la souveraineté nationale du pays". Le chef du gouvernement libyen d'union nationale a fait remarquer, à l'occasion, que la Libye reste "un pays de transit" et non "pas d'origine" de la migration irrégulière, s'engageant à respecter les normes internationales en matière d'accueil et de renvoi des migrants vers leurs pays d'origines. Il a plaidé, à ce titre, pour " un soutien plus efficace" de la part de l'UE, assurant que "la Libye assume ses responsabilités" et "joue également un rôle important dans la lutte contre le terrorisme". "Nous souhaitons la mise en place de mécanismes plus souples et plus dynamiques pour un soutien plus concret pour la Libye", a-t-il préconisé. La Commission européenne a annoncé, il y a quelques jours, des "mesures supplémentaires" pour renforcer les efforts déployés par l'UE le long de la route de la Méditerranée centrale, en particulier en ce qui concerne la Libye et sa région. L'UE qui compte déléguer à la Libye le pouvoir d'empêcher les migrants irréguliers de gagner l'Europe via cette route, s'est engagée à augmenter le financement aux gardes-côtes libyens et aux agences de l'ONU venant en aide aux migrants en Libye. Cependant, cette quête de partenaires dans la gestion de la crise des réfugiés a soulevé un tollé parmi les députés européens et associations de défense des droits de l'homme qui soutiennent que le renvoi des migrants dans un pays en guerre est "inadmissible". Lors d'un débat mercredi en fin d'après-midi avec Federica Mogherini sur la pression migratoire croissante actuelle en Méditerranée centrale, de nombreux députés européens ont refusé la possibilité d'un accord de migration avec la Libye. Ils ont encouragé l'UE à ne pas "externaliser" ses responsabilités en matière de politique migratoire et à se concentrer sur les droits de l'homme et la dignité. D'autres ont estimé que "les valeurs de l'UE, telles que l'ouverture, le respect, le rejet du nationalisme et la promotion de la décence humaine, devraient être préservées pour éviter que les actions de Donald Trump ne soient reproduites en Europe", allusion au décret anti-immigration signé récemment par le président américain.