Enfin un bon événement culturel ! Les férus de lecture peuvent trouver dès la semaine prochaine, chez les bons libraires, deux ouvrages littéraires signés Philippe Claudel. Il s'agit de Les âmes grises, prix Renaudot 2003, et du Rapport de Brodeck, prix Goncourt des lycéens 2007. Ces deux œuvres viennent d'être rééditées un peu tard certes par Sédia, dans sa collection, Laurier, spécialisée depuis peu dans la réédition d'ouvrages étrangers ayant reçu des prix. Les branchés littérature pourront sur place consulter ces œuvres désormais disponibles chez nous. De plus et comme à chaque édition du genre, l'établissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger, de concert avec Sédia, organisent les 4, 5, et 6 février prochain des rencontres avec Philippe Claudel respectivement au Théâtre de verdure(13h), puis à la Bibliothèque nationale (15h) pour un débat. Le lendemain, c'est-à-dire mardi à 17h, l'auteur des Ames grises animera une table ronde au Centre culturel français d'Alger, et ce, après son débat suivi d'une vente dédicace à la Bibliothèque nationale (15h). Mardi prochain, Philippe Claudel rencontrera, à partir de 09h, les étudiants de l'ESAA (École supérieure algérienne des affaires), Pins maritimes, tandis qu'à 15 h, il signera ses ouvrages à la librairie du Tiers- monde, à la place de l'Emir Abdelkader. Pour vous donner un avant- goût du Rapport de Brodeck, lisez cette sobre présentation de l'éditeur : “Le métier de Brodeck n'est pas de raconter des histoires. Son activité consiste à établir de brèves notices sur l'état de la flore, des arbres, des saisons et du gibier, de la neige et des pluies, un travail sans importance pour son administration. Brodeck ne sait même pas si ses rapports parviennent à destination. Depuis la guerre, les courriers fonctionnent mal, il faudra beaucoup de temps pour que la situation s'améliore. “On ne te demande pas un roman, c'est Rudi Gott, le maréchal-ferrant du village qui a parlé, tu diras les choses, c'est tout, comme pour un de tes rapports.” Brodeck accepte. Au moins d'essayer. Comme dans ses rapports, donc, puisqu'il ne sait pas s'exprimer autrement. Mais pour cela, prévient-il, il faut que tout le monde soit d'accord, tout le village, tous les hameaux alentours. Brodeck est consciencieux à l'extrême, il ne veut rien cacher de ce qu'il a vu, il veut retrouver la vérité qu'il ne connait pas encore. Même si elle n'est pas bonne à entendre. “À quoi cela te servirait-il Brodeck ? s'insurge le maire du village. N'as-tu pas eu ton lot de morts à la guerre ? Qu'est-ce qui ressemble plus à un mort qu'un autre mort, tu peux me le dire ? Tu dois consigner les événements, ne rien oublier, mais tu ne dois pas non plus ajouter de détails inutiles. Souviens-toi que tu seras lu par des gens qui occupent des postes très importants à la capitale. Oui, tu seras lu même si je sens que tu en doutes... ” Brodeck a écouté la mise en garde du maire. Ne pas s'éloigner du chemin, ne pas chercher ce qui n'existe pas ou ce qui n'existe plus. Pourtant, Brodeck fera exactement le contraire. Concernant Les âmes grises paru chez Stock en 2004, voici quelques notes : “ Hiver 1917. Une petite ville de province V., à quelques encablures du front où les hommes tombent un par un au rythme des obus tirés sur la terre caillée. Une fillette de 10 ans est retrouvée morte dans l'eau. Une victime de plus sur l'autel du meurtre universel. Qui a fait le coup ? Le procureur, ce veuf infiniment triste muré dans la solitude de son château et beau comme un personnage d'Edgar Poë ? Ce porc de juge Mierck, qui commande des œufs mollets pour se rassasier à deux pas de la dépouille ? Une brute abrutie par l'alcool - il y en a tellement dans ce village aux allures de zoo humain - en proie à quelque tourment sexuel? À moins que ce ne soit un déserteur fuyant cette terre hostile, embaumée vivante par le froid et l'Histoire ? Fouillant sa mémoire blessée longtemps après les faits, un homme consigne dans de petits cahiers les souvenirs qui lui restent de cette affaire-là et de la vie au village à l'époque. Oh, ce n'est pas un grand écrivain ! Non, c'est seulement un homme tout juste instruit qui nous livre ses souvenirs de la maison des morts à lui. ” Voilà donc deux ouvrages qui pourront sans doute vous délivrer de la grisaille du temps qui passe …