Lors d'une conférence de presse à l'issue de sa mission à Alger, M. Jean François Dauphin, chef de la mission du FMI en Algérie, a mis en avant la résilience de l'activité économique de l'Algérie en dépit de la conjoncture pétrolière actuelle, préconisant un redressement économique plus graduel, tout en préservant les acquis sociaux. "Etant donné le niveau relativement bas de la dette publique et le niveau de ses réserves de change, l'Algérie pourrait se permettre d'engager un redressement un peu plus progressif des finances publiques que ne le prévoit le budget à moyen terme actuel, en prenant en considération une gamme plus large d'options de financement, y compris les emprunts extérieurs et la cession d'actifs publics", a indiqué M. Dauphin. Le défi consiste donc à choisir une combinaison de politiques économiques qui facilite l'adaptation économique durable, au moindre coût en termes de croissance et d'emploi, a-t-il ajouté en recommandant de libérer le potentiel du secteur privé qui devra "remplacer progressivement le secteur public". Il est important, selon l'avis de la mission du FMI, d'éviter une réduction "trop abrupte" du déficit des finances publiques, pour atténuer le risque d'un très fort ralentissement de la croissance, a noté M. Dauphin. Il s'agit d'entreprendre des réformes "structurelles de vaste portée" dans le cadre d'une stratégie d'ensemble, conçue et séquencée de telle sorte que les réformes se renforcent mutuellement et que le poids de l'ajustement économique soit équitablement partagé, explique-t-il. Pour ce représentant du FMI, la stabilité sociale est un acquis fondamental de la société algérienne et il est primordial de le préserver. Toutefois, le FMI appelle à une adaptation "durable" de l'économie algérienne au choc pétrolier qui devrait encore durer. "Le redressement des finances publiques devra s'inscrire dans la durée, car les cours du pétrole devraient rester bas et les réserves d'hydrocarbures ne sont pas inépuisables", a-t-il dit. Selon lui, l'effort de redressement devrait reposer essentiellement sur l'élargissement de l'assiette fiscale, grâce notamment à l'amélioration du recouvrement de l'impôt et à la rationalisation des exonérations fiscales et la maîtrise des dépenses courantes. Les réformes devraient aussi être axées sur "le remplacement progressif des subventions à l'énergie, qui sont coûteuses et bénéficient surtout aux ménages aisées, par un soutien direct aux personnes les plus défavorisées". La mission du FMI plaide aussi pour l'amélioration de l'efficacité et la réduction du coût des investissements publics, tout en préservant l'investissement dans la santé, l'éducation et les systèmes de protection sociale "bien ciblés". L'Algérie est aussi appelée à poursuivre ses efforts visant à rendre l'économie moins tributaire des hydrocarbures et de libérer le potentiel du secteur privé qui devra "remplacer progressivement le secteur public". Un secteur bancaire bien capitalisé et rentable Le chef de la mission du FMI est revenu aussi sur l'importance d'améliorer davantage le climat des affaires et l'accès au crédit, de renforcer la gouvernance et la transparence, de rendre le marché du travail plus efficace, de promouvoir la participation de la femme à la vie active et d'ouvrir plus largement l'économie aux investissements étrangers notamment à travers l'"assouplissement stratégique" de la règle 51/49% du capital et qui régit l'investissement étranger en Algérie. Par ailleurs, les politiques monétaire et financière devront soutenir ces réformes, a indiqué le Chef de la mission qui plaide dans ce sens à la poursuite des efforts en vue d'aligner le dinar sur la situation fondamentale de l'économie, combinée à des mesures visant à la résorption du marché parallèle des changes. Concernant le secteur bancaire, le FMI recommande d'accélérer le passage à un système de supervision bancaire basé sur les risques, d'affermir le rôle de la politique macro-prudentielle, de renforcer la gouvernance des banques publiques et de mettre en place un cadre de résolution des crises. D'après les conclusions préliminaires, l'activité économique a été globalement "résiliente", mais la croissance s'est ralentie dans le secteur hors hydrocarbures sous l'effet de la réduction des dépenses et est estimée à 3,4% pour 2016. Quant au taux d'inflation, il est passé de 4,8% en 2015 à 6,4% en 2016 et se chiffrait à 8,1% en glissement annuel, en janvier 2017, alors que le taux de chômage a atteint 10,5% en septembre 2016. Le Fonds a noté aussi un certain redressement des finances publiques en 2016, mais les déficits budgétaire et courant restent larges et la dette publique a augmenté, rappelant aussi que les réserves de change, bien qu'encore abondantes, ont chuté de 30 milliards de dollars et se chiffrent maintenant à 113 milliards de dollars. Le secteur bancaire est dans l'ensemble bien capitalisé et rentable, mais le choc pétrolier a accru les risques de liquidité, de taux d'intérêt et de crédit. La mission du FMI a séjourné à Alger du 7 au 20 mars pour mener ses consultations annuelles sur l'économie algérienne au titre de l'article IV. Les entretiens ont porté sur l'ensemble de mesures appropriées pour faire face à la baisse des cours du pétrole. L'équipe du FMI a rencontré le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchoualeb, le ministre de l'Habitat, Urbanisme et de la Ville, et ministre du Commerce par intérim, Abdelmadjid Tebboune, la ministre de l'Education, Nouria Benghebrit, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité Social, Mohamed El Ghazi et le Gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal. La mission s'est aussi entretenue avec des cadres supérieurs du gouvernement et de la Banque centrale avec des représentants des secteurs économique et financier et de la société civile.