L'économie chinoise a progressé plus que prévu au premier trimestre, à la faveur des dépenses d'infrastructures du gouvernement et de la poursuite du boom immobilier qui ont permis à la production industrielle d'enregistrer sa plus forte croissance en plus de deux ans. La croissance de 6,9% du produit intérieur brut (PIB) sur un an est la plus élevée depuis six trimestres et les indicateurs des investissements, des ventes au détail et des exportations laissent prévoir une poursuite de la dynamique au printemps. Mais la plupart des économistes redoutent un ralentissement les trimestres suivants et s'inquiètent de voir la deuxième économie mondiale rester tributaire de mesures de relance et de moteurs de croissance "anciens", notamment la production d'acier et un marché immobilier qui montre des signes d'emballement. "Le gouvernement chinois a tendance à se reposer sur le développement d'infrastructures pour assurer une croissance pérenne", observent les économistes d'ANZ dans une note. "La question qu'il faut poser est celle de savoir si ce modèle fondé sur l'investissement peut être soutenable alors que les autorités peinent à dompter le crédit. Il va falloir surveiller si le pouvoir parvient à envoyer un signal plus fort pour durcir la politique monétaire." Alors même que les autorités haussent le ton sur le crédit, le financement social total de la Chine, une mesure large du crédit et des liquidités dans l'économie, a atteint un montant record de 6.930 milliards de yuans (1.000 milliards de dollars ou 948 milliards d'euros) au premier trimestre, soit l'équivalent du PIB d'un pays comme le Mexique. Dans le même temps, les dépenses du gouvernement central et des administrations locales ont augmenté de 21% sur un an. Les dépenses publiques ont contribué à porter la croissance bien au-delà de l'objectif de 6,5% pour 2017, et au-dessus également du consensus des économistes qui était à 6,8%. Avec ce soutien, l'objectif pour l'ensemble de l'année pourrait être atteint même si l'activité commence à ralentir dans quelques mois, comme le prévoient beaucoup d'observateurs.
Craintes de surchauffe dans l'immobilier Sur le seul mois de mars, la production industrielle a augmenté de 7,6% en rythme annuel, sa progression la plus forte depuis décembre 2014, alors que les économistes anticipaient en moyenne une hausse de 6,3%. "La hausse de la production industrielle est le principal facteur expliquant la surprise positive du premier trimestre", déclare Brian Johnson, économiste pour la Chine chez IHS Global Insight. Les investissements immobiliers ont quant à eux augmenté de 9,1% par rapport aux trois premiers mois de 2016, une croissance qui a accéléré en dépit des efforts du gouvernement pour contenir le crédit. La plupart des économistes s'accordent à dire que la surchauffe du marché immobilier représente le risque individuel le plus important pour la croissance chinoise, mais ils estiment que les mesures prises pour y remédier finiront par porter leurs fruits sans provoquer de krach. Plus d'une vingtaine de villes ont annoncé ces dernières semaines des mesures nouvelles ou supplémentaires pour freiner la croissance du marché immobilier, après déjà une série de restrictions qui ont eu peu d'effet l'an dernier. "Les ventes ont commencé à baisser, ce qui signifie que les mesures commencent à produire leur effet", estime Shen Jianguang, analyste chez Mizuho Securities à Hong Kong, en ajoutant que cela impactera à la fois le secteur de la construction et celui des services. La hausse de près de 12% des mises en chantier explique en bonne partie la production d'acier record de mars, mais là encore des économistes tirent la sonnette d'alarme : l'augmentation des stocks et la baisse récente des prix de l'acier suggèrent des niveaux de production supérieurs à la demande, au risque d'un engorgement du marché plus tard dans l'année.
Rebond des ventes au détail La livraison de statistiques de lundi a comporté de bonnes nouvelles sur le front de la consommation. Après cinq mois de ralentissement, la croissance du revenu disponible a accéléré à 7,0% au premier trimestre, sa plus forte progression depuis la fin 2015. Les ventes au détail ont rebondi de 10,9% en mars sur un an, avec notamment une forte demande pour l'électroménager, l'ameublement et autres articles pour aménager des logements neufs. Les ventes d'automobiles ont elles aussi montré des signes de redressement après avoir ralenti en janvier et février en réaction à une fiscalité moins avantageuse pour l'achat de petites cylindrée. Les économistes surveillent de près la consommation des ménages pour voir si elle pourra représenter une part plus importante de l'économie et atténuer ainsi la dépendance du pays envers l'industrie lourde et la relance par la dette. Pékin n'a de cesse de lancer des réformes pour limiter les risques de bulle mais le gouvernement se garde de toute mesure susceptible d'entraîner un ralentissement de l'activité. La banque centrale, de son côté, évolue prudemment vers une politique monétaire restrictive, en relevant les taux d'intérêt appliqués à certains instruments du marché monétaire. "Je pense que la Chine devrait piloter un ralentissement de sa croissance sur le long terme mais on assiste au contraire à une accélération", juge Hindenburg Tokuda, économiste au Mizuho Research Institutes à Tokyo. "C'est bien pour maintenant mais on se demande comment cela va évoluer. Les incertitudes restent élevées."