Le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, Michel Barnier, a martelé mercredi qu'il n'avait pas pour objectif de "punir" le Royaume-Uni, alors que le climat entre les deux parties se crispe à l'approche du début des discussions. "Quitter l'Union ce n'est pas un chiffre, ce n'est pas un prix à payer, c'est un retrait ordonné avec des comptes à solder et (un) ensemble de questions" à régler, a affirmé le Français de 66 ans, désigné par la Commission et les Etats membres pour les représenter à la table des négociations. M. Barnier est venu présenter à Bruxelles son mandat de négociations, soit "les questions qui, à ce stade, ont été reconnues comme strictement nécessaires à un retrait ordonné du Royaume-Uni", explique le document publié mercredi. Ces "recommandations" de la Commission devront encore être adoptées par les Etats membres, lors d'un conseil des ministres le 22 mai. Les 27 seront alors juridiquement prêts à ouvrir les discussions avec Londres.
Pas une "facture" L'une des questions les plus contentieuses est celle du "règlement financier", la somme que l'UE exige du Royaume-Uni pour couvrir ses engagements budgétaires. Entre 40 et 60 milliards d'euros selon des estimations côté européen, 100 milliards selon le quotidien britannique Financial Times. "Il ne s'agit pas d'une punition ni d'une taxe de sortie", a expliqué M. Barnier, qui s'est fixé pour objectif de se "mettre d'accord (avec Londres, ndlr) sur une méthodologie rigoureuse pour calculer ces engagements". Mercredi matin, le ministre britannique en charge du Brexit David Davis a averti que son pays "ne paiera pas" 100 milliards d'euros, sur la chaîne de télévision ITV. Le Royaume-Uni n'abordera pas les négociations du Brexit en "quémandeur mais en tant que négociateur", a-t-il insisté. M. Barnier refuse de parler de "facture", ne souhaite pas non plus évoquer de chiffres définitifs et soutient que l'UE n'exigera pas un "chèque en blanc" du Royaume-Uni. Il s'agira de respecter les engagements pris dans le cadre financier pluriannuel adopté en 2013, et qui court pour la période 2014-2020, a-t-il précisé. Ces sommes sont "engagées" et des "problèmes" seraient inévitables si les "programmes devaient être amputés ou suspendus". De plus, elles sont évolutives car le Royaume-Uni est encore membre de l'UE jusqu'au 29 mars 2019 au plus tard, a expliqué Michel Barnier.
Illusions britanniques A l'issue d'un dîner la semaine dernière à Londres, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a considéré que Mme May était "sur une autre galaxie" au moment d'aborder ces négociations, selon le journal allemand FAZ. Theresa May a durci le ton et assuré mardi qu'elle se comporterait en "femme sacrément difficile" au cours des négociations, reprenant la qualification d'un ancien collègue à son égard. "Certains créent l'illusion que le Brexit n'aura pas d'impact matériel sur nos vies ou que les négociations pourraient être conclues rapidement et sans douleur", a regretté pour sa part Michel Barnier, qui dit se préparer "à toutes les options" sur l'issue des pourparlers. Mais "l'UE devra toujours garder la tête froide et chercher des solutions" car l'objectif reste d'obtenir un accord, a-t-il insisté. Les directives des négociateurs reprennent les grands principes établis par les Etats membres lors d'un sommet samedi qui leur avait permis d'afficher une unité sans faille dans ce dossier. Outre l'épineuse question financière, l'UE s'est fixée comme priorité numéro 1 de protéger et garantir à vie les droits des citoyens acquis pendant la période d'adhésion du Royaume-Uni, à savoir ceux des 4,5 millions de ressortissants européens installés là-bas et britanniques vivant sur le territoire des 27. Les droits de résidence, mais aussi liés au marché du travail, à l'éducation, à l'accès à la santé, à la reconnaissance du diplôme ou de la qualification devront être garantis. Et cette garantie sera protégée in fine par la Cour de justice de l'UE, a souligné M. Barnier. Les négociations ne devront par ailleurs pas compromettre l'accord du Vendredi Saint qui a mis fin aux "troubles" en Irlande en 1998. L'UE veut s'assurer qu'une frontière physique ne sera pas instaurée entre l'Irlande du Nord, province britannique, et l'Irlande. Ikram A.