La Chine a vu sa production industrielle ralentir fortement en avril, tandis que les investissements se tassaient, signes du précaire équilibre de la deuxième économie mondiale à l'heure où Pékin resserre le crédit et s'attaque à la finance non régulée. Après une accélération de la croissance du PIB au premier trimestre (+6,9%) sur fond de boom immobilier et de dépenses d'infrastructures, la salve de statistiques décevantes publiée lundi par le Bureau national des statistiques (BNS) dépeint un net assombrissement de la conjoncture. La production industrielle a progressé en avril de 6,5% sur un an, selon le BNS, très en deçà du bond de 7,6% enregistré en mars et bien moins qu'attendu par les analystes sondés par l'agence Bloomberg, qui tablaient sur +7%. Dans le même temps, les investissements en capital fixe, reflet notamment des dépenses dans les infrastructures, connaissaient un tassement sensible, avec un gonflement de 8,9% seulement sur un an pour la période janvier-avril. "La production d'électricité a été sabrée et la production de biens comme les automobiles et les Smartphones a ralenti", commente Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics. Le ralentissement des investissements concerne d'ailleurs principalement les firmes manufacturières.
Financements compliqués "Tous les indicateurs traduisent le même message: l'économie dans son ensemble a ralenti significativement en avril", observe Larry Hu, analyste de Macquarie Securities, cité par Bloomberg. Mais étant donné que la croissance du PIB se maintient autour de l'objectif annuel visé par Pékin ("environ 6,5%"), "le gouvernement continuera de donner la priorité à la réduction des risques financiers", insiste M. Hu. De fait, la résilience de l'économie chinoise au premier trimestre était favorisée par une envolée de l'endettement, alimentée en particulier par la "finance de l'ombre", ensemble de mécanismes de crédit non régulés en-dehors du système bancaire. Mi-avril, le Fonds monétaire international s'est alarmé de cette embardée de la dette chinoise (plus de 260% du PIB). Lui-même inquiet des risques financiers grandissants, Pékin s'est résolu à durcir le ton contre la "finance de l'ombre": les régulateurs ont promis d'encadrer drastiquement les produits dangereux dans la banque, l'assurance et la gestion d'actifs, tandis que la banque centrale (PBOC) remontait ses taux courts. Or ce "désendettement" forcé "va plomber certaines secteurs (...). Les durcissements réglementaires commencent déjà à inquiéter le marché", avec une nette remontée des taux interbancaires depuis janvier, souligne dans une note Raymond Yeung, de la banque ANZ. Au risque de compliquer le financement des petites et moyennes entreprises, particulièrement dans l'immobilier, dépendantes de la "finance de l'ombre". Les efforts des autorités pour juguler la bulle immobilière dans les métropoles se traduit par ailleurs par un ralentissement marqué des ventes d'appartements, note Yang Zhao, de Nomura.
Maintenir la croissance Certes, les ventes de détail, baromètre de la consommation des ménages et de la santé des services, semblent mieux résister, avec une hausse de 10,7% le mois dernier, en ligne avec les attentes. Mais là encore, c'est un ralentissement par rapport à mars (+10,9%), un relèvement de TVA ayant pénalisé les ventes de voitures tandis que celles d'électroménager pâtissaient du refroidissement immobilier. Pour autant, le régime devrait continuer de marcher sur le fil entre réduction des risques financiers et préservation d'une stabilité économique jugée cruciale avant un important congrès du Parti communiste à l'automne. "La croissance restera soutenue par un solide éventail d'investissements d'infrastructures", comme en témoignent l'initiative "Nouvelles routes de la Soie", objet d'un vaste forum diplomatique cette semaine, et le projet de super-zone économique aux portes de Pékin, observe M. Yeung. De même, il estime que la banque centrale pourrait gonfler prochainement ses injections de liquidités afin d'envoyer un signal rassurant. Le Premier ministre Li Keqiang s'est montré conciliant: selon la télévision d'Etat, il a assuré dimanche que la Chine poursuivrait une politique monétaire "prudente", en préservant la stabilité des marchés financiers et de la croissance économique.